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Le teff, une céréale de la famille du millet, est cultivé dans la corne de l'Afrique, principalement en Éthiopie. Reine de l'alimentation de ce pays, elle fait partie intégrante de l'héritage local. Le teff est en effet utilisé pour confectionner l'injera, une galette spongieuse consommée à presque tous les repas. Il s'agit donc d'un aliment de base crucial pour la population d'Éthiopie, qui fait partie des plus pauvres au monde. La graine est hyperrésistante et peut pousser en plaine comme en haute altitude et dans un climat sec comme sous des trombes d'eau. Elle est donc particulièrement adaptée à la géographie éthiopienne. « Les Éthiopiens sont fiers de leur céréale parce qu'elle fait partie de leur identité », explique Solomon Chanyalew, directeur du Debrezeit Agricultural Research Center.
En Occident, le teff bénéficie d'une popularité croissante auprès des adeptes de l'alimentation bio. Cependant, à l'exception des cercles encore relativement restreints de chefs célèbres et de stars hollywoodiennes à l'affût de nourritures toujours plus saines, le teff est encore relativement peu connu hors d'Afrique. Mais pour certains, il possède le potentiel pour détrôner le quinoa, la « graine d'or » des Andes, vedette des magasins bio dans les pays occidentaux. « Le teff n'est pas seulement sans gluten, il est aussi incroyablement nutritif », remarque Khalid Bomba, président de l'Agence éthiopienne de transformation du secteur agricole. D'autre part, le teff est riche en minérauxminéraux et en protéinesprotéines et constitue une nourriture de choix pour les diabétiques ou les personnes souffrant de troubles d'absorptionabsorption intestinale dus à une intolérance au glutenintolérance au gluten.
Le teff est utilisé pour confectionner les injeras, des galettes à la base de l’alimentation en Éthiopie. © roboppy, Flickr, cc by nc nd 2.0
Bientôt du teff dans les magasins bio ?
Cependant, les rendements sont peu élevés et peu de variétés de semences existent. Les 6,5 millions d'agriculteurs éthiopiens qui cultivent du teff ont d'ailleurs encore du mal à satisfaire la demande du pays. Ces dernières années, l'introduction de 19 nouvelles variétés de teff et l'amélioration des techniques agricoles ont permis de mieux alimenter le marché éthiopien. En effet, les rendements sont passés de 1,2 à 1,5 tonne par hectare cultivé en quatre ans. Cela reste toutefois insuffisant : pour atteindre un réel potentiel à l'exportation, il faudrait que les rendements passent à deux tonnes par hectare. L'Éthiopie n'est donc malheureusement pas encore en mesure de profiter de l'engouement naissant pour sa céréale hors des frontières.
D'autre part, pour protéger le marché intérieur des risques de flambée des prix, les autorités décrètent régulièrement des interdictions d'exporter le teff. Le gouvernement veut à tout prix éviter les mésaventures de la Bolivie, où la population n'a plus eu les moyens de consommer du quinoa, devenu trop cher parce que trop prisé à l'étranger. Sur ce sujet, les agriculteurs éthiopiens sont partagés. D'un côté, ils reconnaissent la nécessité d'alimenter le marché de leur pays ; de l'autre, ils sentent des opportunités à ne pas laisser filer. « Je veux vendre à l'étranger parce que le marché est bon et je gagnerai bien ma vie », explique Tirunesh Merete, un producteur de teff depuis bientôt 40 ans. « Si nous exportons le teff dans d'autres pays, nous pourrons nous faire beaucoup d'argentargent, mais nous devons d'abord alimenter notre pays », nuance Amha Abraham, un agriculteur voisin.
Pour l'heure, les Éthiopiens laissent donc d'autres pays plus petits producteurs, comme l'Afrique du Sud ou la Zambie, profiter de l'engouement qui gagne l'Amérique du Nord, l'Europe ou encore l'Australie. Mais Khalid Bomba ne désespère pas de profiter un jour du boom : « Regardez le quinoa, c'est devenu en cinq ans un marché de 150 millions de dollars, et le teff est beaucoup plus nutritif et résistant que lui. [...] Il y a de grandes opportunités pour notre céréale éthiopienne ! »