Martin Gardner n’a jamais obtenu de diplôme universitaire en mathématique. Pourtant, ses articles de mathématiques récréatives dans le Scientific American sont à l’origine de la vocation de nombreux mathématiciens et lui ont valu la reconnaissance des plus grands comme Roger Penrose et John Conway. Il vient de décéder à l’âge de 95 ans.

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    Martin Gardner vers le début de sa carrière dans Pour la Science. Crédit : This Side of the Pond

    Martin Gardner vers le début de sa carrière dans Pour la Science. Crédit : This Side of the Pond

    Martin Gardner, né en 1914, est un nom bien connu pour une génération de lecteurs du magazine Pour la Science, l'édition française du Scientific American. De 1956 à 1981, il y a fait œuvre de journaliste scientifique en y tenant la rubrique Mathematical Games. Avec elle, il intéressa aux mathématiques un nombre incalculable de lecteurs, réussissant la tâche difficile de vulgariser cette matière, notamment dans le domaine des « mathématiques récréatives ».

    Lui-même n'était pas mathématicienmathématicien mais possédait une licence en philosophie de l'Université de Chicago (1936), un domaine qu'il cultivera toute sa vie. Il n'est pas anodin cependant de mentionner que l'un de ses professeurs n'était autre que Rudolph Carnap, l'un des fondateurs du positivisme logique et par conséquent très au fait de la physique et de la logique mathématique des années 1930. Il eut une influence majeure sur Gardner.

    En faisant connaître le fameux jeu de la vie du mathématicien de Princeton John Conway, ou les célèbres pavages quasi-périodiques de Penrose, Gardner s'était attiré le respect et la reconnaissance de ces mathématiciens de tout premier plan. C'est d'ailleurs lui que Roger PenroseRoger Penrose choisira pour préfacer son ouvrage bien connu, L'esprit, l'ordinateurordinateur et les lois de la physique. Dans un documentaire sur la vie de Martin Gardner, John Conway lui-même dira qu'il ne comptait plus le nombre de personnes qui lui avouèrent être venus aux mathématiques grâce aux articles et livres de Gardner. On sait grâce à d'autres témoignages que certains sont même devenus des mathématiciens. Il a donc joué vis-à-vis des mathématiciens le même rôle qu'Arthur Clarke vis-à-vis des ingénieurs en astronautique moderne.


    Un documentaire rendant hommage à l'œuvre de Martin Gardner. Crédit : New Dimension Media

    Marqué par les philosophies de Platon, Kant et Miguel de Unamuno, Gardner fut aussi un pourfendeur des pseudo-sciences et autres impostures intellectuelles. En 1952, il publia Fads and Fallacies in the Name of Science, s'attaquant à des sujets comme la dianétique de l'Eglise de scientologie, les Ovnis, les accumulateurs d'orgone de Wilhelm Reich, l'astronomie catastrophiste d'Immanuel Velikovsky, la « pyramidologie », l'Atlantide d'Edgar Cayce ou les phénomènes paranormaux. Des années plus tard, il s'associera d'ailleurs avec James Randi, Isaac AsimovIsaac Asimov et Carl SaganCarl Sagan pour fonder le CSICOP, Committee for the Scientific Investigation of Claims of the Paranormal, ou Comité pour l'examen scientifique des allégations du paranormal.

    En nous quittant le 22 mai 2010, il laisse derrière lui une centaine de livres dont certains traitent de physique, de philosophie ou de littérature. L'un de ses plus célèbres est une version annotée du roman de Lewis Carroll, Alice au Pays des Merveilles. Plusieurs de ses articles sur les mathématiques ont été rassemblés dans des livres dont certains en français, par exemple Haha, ou L'éclairéclair de la compréhension mathématique, ou encore La magie des paradoxes.