L'astrophysique nous a appris que nous étions poussières d'étoiles mais il reste encore beaucoup de travail à faire avant de comprendre comment ces poussières se sont organisées pour faire naître la vie sur Terre. Toutefois, en combinant les données du radiotélescope Alma avec celles de la composition de la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko, une sorte d'arbre généalogique cosmique des atomes de phosphore composant l'ADN et les membranes de nos cellules émerge.


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    Les héritiers modernes d'Anaximandre de Milet disposent d'outils que ce philosophe grec présocratique n'avait pas quand il spéculait rationnellement (en partie du moins) sur l'origine de la vie en se basant sur des faits d'observation, en l'occurrence des fossilesfossiles. Ces outils ne sont rien de moins aujourd'hui, comme précisé dans une publication faite par une équipe internationale de chercheurs, que l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (en abrégé Alma, soit en français « grand réseau d'antennes millimétrique/submillimétrique de l'Atacama) et l'instrument Rosina (RosettaRosetta Orbiter Spectrometer for Ion and Neutral Analysis), un spectromètre de masse embarqué à bord de la sonde Rosetta.

    Comme les astrophysiciensastrophysiciens l'expliquent dans l'article disponible en accès libre sur arXiv, le réseau Alma et la sonde Rosetta de l'ESA leur ont permis de trouver l'une des racines probables de l'apparition de la vie sur Terre en étudiant respectivement la région de formation stellaire baptisée AFGL 5142 et la composition de la comètecomète 67P/Churyumov-Gerasimenko.

    Comme le montre cette illustration, il existe une sorte de fil conducteur chimique entre la présence de molécules de monoxyde de phosphate (PO) représentées en bas à gauche aussi bien dans la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko, à droite, que dans la région de formation stellaire AFGL 5142, dont les images en fausses couleurs formées par Alma sont montrées en haut à gauche. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Rivilla et al.; ESO/L. Calçada; ESA/Rosetta/NAVCAM; Mario Weigand, <a href="http://www.skytrip.de" target="_blank">www.SkyTrip.de</a>
    Comme le montre cette illustration, il existe une sorte de fil conducteur chimique entre la présence de molécules de monoxyde de phosphate (PO) représentées en bas à gauche aussi bien dans la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko, à droite, que dans la région de formation stellaire AFGL 5142, dont les images en fausses couleurs formées par Alma sont montrées en haut à gauche. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Rivilla et al.; ESO/L. Calçada; ESA/Rosetta/NAVCAM; Mario Weigand, www.SkyTrip.de

    Du phosphore apporté sur Terre par les comètes ?

    Il s'agit de l'origine jusqu'ici un peu mystérieuse des atomesatomes de phosphorephosphore inclus dans les phospholipidesphospholipides, qui sont les constituants essentiels des membranes cellulairesmembranes cellulaires, et ceux qui composent les nucléotidesnucléotides de l'ADNADN et de l'ARNARN dont ces moléculesmolécules sont des polymèrespolymères. Les lieux probables dans la Voie lactéeVoie lactée de la formation des molécules de monoxyde de phosphate (PO) retrouvées dans la comète Tchouri auraient ainsi été identifiés en étudiant AFGL 5142 avec Alma et ce serait donc au moins les comètes qui les auraient apportées sur Terre il y a plus de 4 milliards d'années en tombant dans ses jeunes et chauds océans.

    Dans un communiqué de l'ESOESO, Kathrin Altwegg, la scientifique responsable de l'instrument Rosina, explique comment elle a eu l'idée de chercher spécifiquement des molécules PO dans les données collectées par l'instrument de Rosetta, pendant deux années d'observation de la comète Tchouri.

    Les astrochimistes avaient bien identifié la présence de phosphore par spectrométrie de massespectrométrie de masse, ce qui les avait étonnés comme l’avait expliqué à Futura Hervé Cottin (astrochimiste lui-même, professeur à l'université Paris-Est-Créteil et chercheur au LisaLisa), mais ils n'étaient guère allés plus loin. La chercheuse révèle qu'une astronomeastronome étudiant les régions de formation stellaires au moyen d'Alma avait discuté avec elle à l'occasion d'une conférence : « Elle a dit que le monoxyde de phosphore pourrait être un excellent candidat, alors j'ai réexaminé nos données et déniché sa trace ! ».


    Présent au sein de notre ADN et de nos membranes cellulaires, le phosphore est un élément essentiel à la vie. Toutefois, les modalités de son arrivée sur la Terre primitive demeurent inconnues. Les astronomes sont parvenus à retracer le parcours du phosphore depuis les régions de formation stellaire jusqu’aux comètes en combinant les données acquises par le réseau Alma et la sonde Rosetta de l’Agence spatiale européenne. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © European Southern Observatory (ESO)

    Des molécules phosphorées synthétisées dans le milieu interstellaire

    Pour mieux comprendre comment le lien entre les observations d'Alma et la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko a été fait, il faut se souvenir que le réseau de radiotélescopesradiotélescopes est particulièrement bien adapté à l'étude de la formation des étoilesétoiles à travers l'observation des nuagesnuages moléculaires, ainsi qu'à l'étude des disques protoplanétairesdisques protoplanétaires entourant ces jeunes étoiles. C'est pourquoi il a été utilisé pour étudier plus finement la région de formation stellaire baptisée AFGL 5142.

    Alma a alors mis en évidence des molécules phosphorées présentes à la surface des bulles creusées dans les nuages moléculaires par les étoiles massives qui y naissent de par leur rayonnement et surtout leurs ventsvents de matièrematière qui produisent des ondes de choc. Ces ondes de compression peuvent amorcer l'effondrementeffondrement de régions dans ces nuages qui vont donner des étoiles moins massives, semblables au SoleilSoleil.

    Alma a identifié spécifiquement des molécules de monoxyde de phosphore et il était donc logique d'en tirer la conclusion que ces molécules vont se retrouver dans les météoritesmétéorites et comètes qui vont se former en même temps que les planètes autour des nouvelles étoiles peu massives. En toute logique également, on pouvait donc s'attendre à en trouver dans les comètes du Système solaireSystème solaire puisque AFGL 5142 est en quelque sorte un laboratoire où l'on peut observer actuellement des processus qui se sont produits il y a plus de 4,6 milliards d'années et qui ont donné naissance au Système solaire.

    Sur cette carte figure la localisation de la région de formation stellaire baptisée AFGL 5142, récemment observée au moyen d’Alma, dans la constellation du Cocher. La plupart des étoiles visibles à l’œil nu par temps clair et par nuit noire sont représentées. Sur cette image, AFGL 5142 est entourée d’un cercle de couleur rouge. © ESO, IAU and Sky & Telescopecc
    Sur cette carte figure la localisation de la région de formation stellaire baptisée AFGL 5142, récemment observée au moyen d’Alma, dans la constellation du Cocher. La plupart des étoiles visibles à l’œil nu par temps clair et par nuit noire sont représentées. Sur cette image, AFGL 5142 est entourée d’un cercle de couleur rouge. © ESO, IAU and Sky & Telescopecc

    Leonardo Testi, astronome à l'ESO et directeur des Opérations d'Alma résume bien dans le communiqué de l'ESO les leçons à tirer de ces découvertes : « Comprendre nos origines, en particulier la fréquencefréquence des conditions chimiques favorables à l'émergenceémergence de la vie, constitue un sujet d'étude majeur de l'astrophysiqueastrophysique moderne. Tandis que l'ESO et Alma se focalisent sur l'observation des molécules composant les jeunes systèmes planétaires distants, l'ESA, au travers de ses missions spatiales telle Rosetta, effectue l'inventaire direct des espèces chimiquesespèces chimiques présentes au sein de notre Système Solaire. La synergiesynergie entre les principales installations terrestres et les sondes spatiales, au travers de la collaboration entre l'ESO et l'ESA, constitue un atout majeur pour les chercheurs européens et permet des découvertes révolutionnaires telle celle dont il est question au sein de cet article. ».