On considère parfois que la théorie de l'inflation cosmologique fait partie du modèle cosmologique standard, mais on ne sait toujours pas si la phase très courte mais exponentiellement rapide de l'expansion de l'espace qu'elle postule entrainant aussi la création de matière a vraiment existé. Ce qui est sûr, c'est que plusieurs de ses prédictions sur l'origine quantique des galaxies sont vérifiées par l'étude du rayonnement fossile et aujourd'hui des formes d'environ un million de galaxies.


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    Comme le rappelait dans un article sur Jean-Pierre Luminet, des années 1920 aux années 1930 Georges LemaîtreGeorges Lemaître a anticipé avec une prescience remarquable l'essentiel de la cosmologie moderne, au point d'esquisser la cosmologie quantique explorée par la suite notamment par Stephen HawkingStephen Hawking en compagnie de James Hartle, et plus récemment par Abhay Ashtekar.

    Lemaître prenait très au sérieux les idées de Bohr et d'Heisenberg remettant en cause l'existence fondamentale de l'espace-temps dans le monde quantique. Dans le cadre de la cosmologie relativiste dont il fut le pionnier, il en avait déduit que le début de l'expansion de l'espace observable devait avoir été précédé par ce qu'il a appelé un atome primitif, un objet quantique sans véritable extension dans l'espace et le temps qui aurait effectué une sorte de saut quantique dans l'espace-temps réel (le créant au passage) à la façon d'un noyau se désintégrant par radioactivité en particules alpha, donnant naissance aux particules de matière que nous observons autour de nous dans l'espace-temps formé.

    Au cours des années 1940, le physicienphysicien Georges GamowGeorges Gamow va lui, et en compagnie de Robert Herman et Ralph Alpher, se concentrer sur l'idée d'un état initial analogue à un gazgaz de neutronsneutrons formant un noyau atomique. Ce gaz est chaud et accompagne un UniversUnivers en expansion là aussi en se désintégrant, mais par radioactivité bêtabêta en donnant des protonsprotons et des électronsélectrons.

    Gamow pas plus que Lemaître ne sont vraiment pris au sérieux par la majorité de la communauté scientifique qui préfère le modèle de cosmologie stationnaire de Hoyle, Bondi et Gold qui est infini dans l'espace mais aussi dans le temps bien qu'en expansion (incidemment, contrairement à ce que l'on pense souvent, un Univers relativiste en expansion n'implique donc pas automatiquement qu'il doit être plus petit dans le passé en se retrouvant à un moment, comme le veut la théorie du Big BangBig Bang, dans un état dense et chaud de la matière et du rayonnement qu'il contient).


    Le prix Frontiers of Knowledge Award en sciences fondamentales de la Fondation BBVA a été décerné en 2015 aux physiciens Stephen Hawking et Viatcheslav Mukhanov pour avoir découvert que les galaxies se sont formées à partir de fluctuations quantiques dans les premiers jours de l’Univers. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © BBVA Foundation

    Des fluctuations quantiques de Sakharov aux fluctuations quantiques de Mukhanov

    Tout va changer bien sûr avec la découverte du rayonnement fossilerayonnement fossile en 1965. Paradoxalement, juste avant cette découverte, de l'autre côté du rideaurideau de ferfer, le célèbre Andrei Sakharov et son collègue co-créateur de la bombe H soviétique, Yakov Zeldovich, considèrent un Big Bang... froid !

    Ils ont des raisons pour cela, jusqu'à la découverte du rayonnement fossile. L'idée de départ est que tout commence par un liquideliquide de matière nucléaire (on sait depuis Bohr et les années 1930 qu'un noyau est une sorte de goutte de liquide nucléaire, l'atome primitif de Lemaître pouvait donc être vu comme un noyau primitif), donc finalement froid et pas sous la forme d'un gaz chaud. De plus, un liquide froid a une entropieentropie plus faible qu'un liquide chaud, ce qui fait commencer le cosmoscosmos dans un état de basse entropie qui sera croissant, donnant une flèche du temps.

    Mais surtout, Sakharov en déduit, sans doute pour la première fois, qu’il a dû exister des fluctuations quantiques dans l’état initial très dense du Big Bang. Fluctuations à l’origine d’une distribution initiale inhomogène de la matière : des germes d'étoiles ou de galaxies.

    Au tout début des années 1980, alors que la cosmologie inflationnaire proposée par Alexeï Starobinski et surtout Alan Guth prend son essor, ce sont deux autres Russes, Viatcheslav Mukhanov et Gennady Chibisov, qui découvrent que des fluctuations quantiques analogues à celle de Sakharov, mais amplifiées par la phase d'expansion exponentiellement rapide et transitoire de la théorie de l'inflation, peuvent devenir des surdensités de matière s'effondrant gravitationnellement en donnant les futures galaxiesgalaxies. Hawking arrive indépendamment à des résultats similaires, mais moins développés.

    Par la suite, de nombreuses expériences mesurant les fluctuations de température du rayonnement fossile, comme WMap et PlanckPlanck, ont accrédité cette hypothèse, bien que la preuve de l'occurrence d'une phase d'inflation nous échappe encore. En 1985, Mukhanov a développé un formalisme rigoureux pour décrire les perturbations de densité dans de nombreux modèles inflationnistes.

    Ceci nous amène maintenant à considérer attentivement un article publié dans Physical Review D et dont une version existe en accès libre sur arXiv. On le doit à Toshiki Kurita et Masahiro Takada de l'Institut Kavli pour la physiquephysique et les mathématiques de l'Univers (IPMU), un institut international de recherche en physique et en mathématiques situé à Kashiwa, au Japon, près de Tokyo.

    La vidéo réalisée par l'université John Hopkins détaille la réalisation de la carte des galaxies tirée des observations du SDSS. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © John Hopkins University

    Des galaxies dont les formes sont altérées par des rencontres

    Les galaxies qui sont nées des fluctuations de densité vont interagir entre elles au début de l'histoire du cosmos observable, au point de parfois fusionner. Les galaxies elliptiquesgalaxies elliptiques sont ainsi le résultat de fusionsfusions entre des galaxies spiralesgalaxies spirales.

    Plus généralement, on peut montrer que l'on peut s'attendre à avoir une connexion entre l'histoire de ces interactions entre galaxies, donc aussi de leurs formes, et les caractéristiques des fluctuations de densité qui ont fait naître les premières galaxies et leurs répartitions dans l'espace.

    Toshiki Kurita et Masahiro Takada ont donc eu l'idée d'analyser les corrélations entre les distributions et les formes des galaxies en combinant les données spectroscopiques de la distribution spatiale des galaxies et les données d'imagerie des formes individuelles des galaxies fournies par les observations d'environ un million de galaxies à partir du Sloan DigitalDigital Sky Survey (SDSS), la plus grande étude de galaxies au monde à ce jour.

    En conséquence de quoi, ils ont réussi à poser des contraintes sur les propriétés statistiques des fluctuations primordiales qui ont semé la formation de la structure de l'Univers entier.

    L'entreprise était d'importance car il existe un énorme zoo de modèles inflationnaires avec de la nouvelle physique faisant des prédictions légèrement différentes pour ces fluctuations en fonction de la physique considérée. Techniquement, les chercheurs ont notamment chassé des fluctuations dites non gaussiennes et ils n'en ont pas trouvé trace, ce qui pose des contraintes sur la nouvelle physique derrière l'inflation.

    Cela ne veut pas forcément dire qu'elles ne sont pas présentes, mais qu'elles sont au moins plus faibles qu'une certaine valeur - celle que l'on peut mesurer à présent. Reste que c'est un test de la théorie quantique de l'origine des galaxies, test qui à nouveau a été passé avec succès bien.