Peut-on violer le second principe de la thermodynamique ? Voilà un siècle et demi que les physiciens s’interrogent sur cette question, s'appuyant sur l’expérience de pensée proposée par James Clerk Maxwell faisant intervenir son fameux démon. Un groupe de chercheurs de l'université de l'Oregon vient d’apporter une contribution au débat en créant un système qui semble bel et bien se comporter comme un démon de Maxwell, au moins partiellement.

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    James Clerk Maxwell. Crédit : The University of Colorado

    James Clerk Maxwell. Crédit : The University of Colorado

    Selon le second principe de la thermodynamique sous la forme énoncée par Clausius, l'entropie de l'Univers, considéré presque par définition comme un système fermé, ne peut que croître avec le temps jusqu'à atteindre un état de mort thermique où l'énergie devient inutilisable par des mécanismes qui en réclament, comme le cœur humain ou les neuronesneurones d'un cerveaucerveau.

    La conclusion est évidemment assez désagréable d'un point de vue philosophique et lorsque James Clerk Maxwell a précisé certains des liens entre la thermodynamique et la théorie cinétique d'un gaz de particules, il est devenu possible de s'interroger sur le domaine de validité de ce second principe. Maxwell ignorait cependant la connexion précise et générale entre thermodynamique et mécanique statistique. Cest à Ludwig Boltzmann que l'on doit la relation entre l'entropie d'un système et le nombre de configurations possibles de ce système dans son espace des phasesespace des phases. Ses travaux ont conduit Maxwell à considérer une expérience de pensée assez simple à comprendre.

    Le second principe concerne l'évolution d'un système physiquephysique. Il exprime le fait trivialement simple que de la chaleurchaleur ne passe pas spontanément d'un corps froid à un corps chaud et il est relié au fait qu'une goutte d'encre déposée dans un liquideliquide se dilue jusqu'à ce que les moléculesmolécules de l'encre se retrouvent uniformément réparties dans le liquide.

    Dans le cas d'une boîte avec une cloison isolante séparant deux parties, contenant deux gaz à températures et densités différentes, l'expérience prouve que retirer la paroi provoque un mélange des gaz, de sorte que la température et la densité deviennent uniformes. Conformément au second principe de la thermodynamique, la chaleur est bien passée du gaz chaud au gaz froid.

    Que se passerait-il si, en rétablissant une paroi dotée d'un petite porteporte avec clapet, un démondémon astucieux capable de repérer la vitessevitesse et la nature des molécules de ce mélange pouvait ouvrir la petite porte à volonté de façon à laisser passer de l'autre côté de la paroi certaines des molécules et pas les autres ?

    L'énergie cinétiqueénergie cinétique moyenne d'une molécule de gaz étant reliée à sa température, le démon finira par reconstituer dans le récipient deux zones occupées par des gaz à températures et densités différentes. Le second principe aura donc été violé.

    Le schéma de l'expérience des chercheurs de l'université de l'Oregon. Un faisceau d'atomes de rubidium (rouge) traverse les deux faisceaux laser (rose et violet).<br />Crédit : Daniel Steck

    Le schéma de l'expérience des chercheurs de l'université de l'Oregon. Un faisceau d'atomes de rubidium (rouge) traverse les deux faisceaux laser (rose et violet).
    Crédit : Daniel Steck

    Le second principe résiste encore

    Jusqu'à présent, les chercheurs ont toujours trouvé des failles dans ce genre de raisonnement. Par exemple, le démon doit éclairer les molécules pour les voir et il doit acquérir et traiter de l'information. Au final, ce travail consomme de l'énergie, produit de l'entropie ailleurs que dans la boîte et on aboutit toujours à une croissance de l'entropie générale du cosmoscosmos. Même les trous noirs, dont on avait pensé qu'ils échappaient au second principe, y obéissent.

    Daniel Steck et ses collègues de l'université de l'Oregon viennent de réussir une expérience qui de prime abord laisse penser qu'il s'agit bien de la réalisation d'un démon de Maxwelldémon de Maxwell. Elle consiste en un faisceau d'atomesatomes ultra-froids de 87Rb, capable de traverser un premier rayon laserlaser. En fonction du spinspin de ces atomes, un faisceau laser peut ou non exercer sur eux une force répulsive. En traversant un second faisceau, les atomes de rubidiumrubidium voient leur état de spin changer de sorte que le premier faisceau exerce alors sur eux une force répulsive. On a donc réalisé une sorte de membrane à un seul sens faisant le tri entre certains atomes.

    Une analyse précise montre cependant que, même si il s'agit bien d'une sorte de démon de Maxwell, le second principe n'est pas violé. Il y a toujours globalement croissance de l'entropie.

    Pour terminer sur une note d'humour, signalons que, pour savoir si ce genre de dispositif peut être amélioré pour vraiment violer le second principe, il faudra peut-être poser la question à Wolfram Alpha dont l'entrée en service ne saurait tarder...