Dans la course à la publication, certains laboratoires ont recours à des moyens malhonnêtes pour présenter leurs résultats dans les meilleurs journaux. Est-ce le cas de la scientifique japonaise Haruko Obokata qui annonçait récemment la mise au point d’une stratégie révolutionnaire pour fabriquer des cellules souches ? Après quelques doutes, la communauté scientifique a décidé de mener l’enquête.

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    Il y a un peu plus de deux semaines, Futura-Sciences vous présentait la nouvelle : des chercheurs japonais avaient réussi à produire des cellules souches, appelées STAP, simplement en trempant des cellules différenciées dans une solution acideacide pendant environ 30 minutes. L'information, publiée dans la revue Nature, a alors rapidement fait le tour de la toile, les scientifiques y voyant une alternative prometteuse aux fameuses cellules souches pluripotentes induites (CSPi) mises au point en 2006. Était-ce trop beau pour être vrai ? En y regardant de plus près, des blogueurs ainsi que des experts du domaine se sont interrogés sur la fiabilité des figures et la solidité des résultats. L'institut de recherche japonais à l'origine de la découverte, le Riken, a même décidé d'examiner très sérieusement la question.

    D'où viennent les soupçons ? À peine une semaine après la publication des résultats, un participant anonyme du site internetinternet Pubpeer pointait du doigt certaines anomalies sur la figure 1i de la publication. Selon lui, l'image semblait trafiquée et le contrôle positif de l'expérience inséré après coup. D'autres blogueurs ont alors partagé ses doutes et ont émis de nouvelles suspicions à propos d'une autre figure qui aurait été retournée et utilisée à plusieurs reprises. Et ce n'est pas tout, en y regardant de plus près, certains ont décelé des manipulations d'images dans un autre papier, publié lui aussi dans Nature en 2011, pour lequel Haruko Obokata était aussi la principale auteure. Pour le moment, les données présentées dans ces deux publications sont toujours considérées comme valides. « Le problème a été porté à notre attention et nous le considérons sérieusement », explique un porteporte-parole du Nature Publishing Group. « Il s'agit peut-être uniquement d'un problème lors de la compression des images », indique un autre blogueur.

    En tout cas, la méfiance plane, d'autant plus qu'aucun scientifique n'a encore obtenu de succès avec cette nouvelle stratégie de fabrication de cellules souches. Un blog a d'ailleurs été créé afin de présenter les essais infructueux. « Cela ne veut cependant pas dire que les résultats sont faux, indique Jacob Hanna, un biologiste de l'institut Weizmann à Rehovot (Israёl). Mais c'est très troublant quand même. » Teruhiko Wakayama, un spécialiste du clonage qui a participé aux deux études litigieuses, assure qu'il a déjà réussi à reproduire la technique alors qu'il travaillait encore à l'institut Riken. Toutefois, depuis son départ, il n'a pas pu y parvenir à nouveau. « Cela semble facile, mais c'est en réalité plus compliqué qu'il n'y paraît, explique-t-il. Pour ma part, je suis convaincu que les résultats sont véridiques. » L'enquête est lancée et nous devrions rapidement savoir ce qu'il en est vraiment. Cette polémique montre en tout cas que cette nouvelle méthode, si elle fonctionne, n'est pas aussi fantastique qu'elle n'y parait et mérite probablement d'être améliorée.