Avant même de savoir parler, les bébés sont sensibles aux paroles qu’on leur adresse. La seule écoute affecte même positivement leurs capacités cognitives. Mais dans les premiers mois de la vie, le pouvoir des mots n’est pas plus fort que les cris d’un lémurien...

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    Primordial chez l'espèceespèce humaine, le langage est extrêmement complexe à intégrer et réclame plusieurs années avant d'être maîtrisé. Les bébés commencent même à l'apprendre dans le ventre de leur mère. De plus, la parole favorise le bon développement des capacités cognitives humaines, notamment la capacité à catégoriser les objets, comme l'a montré une étude parue en 2010 dans la revue Child Development. Des bébés devaient regarder 8 dessins de dinosauresdinosaures projetés sur un écran pendant qu'une voix humaine ou qu'un son artificiel étaient diffusés dans le fond. Puis, une fois le silence revenu, on leur présentait deux nouvelles images : un nouveau dinosaure (image supposée familière) et un poissonpoisson (image inconnue).

    L'expérience a ainsi montré que les nourrissons parvenaient à distinguer le familier du non-familier lorsqu'ils avaient écouté un être humain parler, mais pas lors de la diffusiondiffusion du son artificiel. Ces mêmes auteurs, dirigés par Alissa Ferry, de l'École internationale supérieure d'études avancées (Sissa), basée à Trieste (Italie), sont allés plus loin. Car si la voix humaine influe effectivement sur la performance des bébés, les cris de lémuriens produisent exactement le même effet... jusqu'à un certain âge.

    Les bébés sensibles aux lémurs aux yeux turquoise

    Le protocoleprotocole décrit dans Pnas est assez similaire à celui de leur étude précédente. Un groupe de 36 enfants (12 bébés de 3 mois, 4 mois et 6 mois) se familiarisait avec des images de dinosaures avec, comme bruit de fond, les cris d'un lémur aux yeuxyeux turquoise, qui, bien que différents des vocalisations humaines, partagent des caractéristiques acoustiques communes. En parallèle, un autre groupe de 36 nourrissons réalisait la même tâche mais cette fois avec des propos humains diffusés à l'envers. Ainsi, on garde toutes les composantes de la voix humaine, mais avec cette fois un discours insensé.

    Le lémur aux yeux turquoise ne se rencontre pas tous les jours, car il vit dans les forêts malgaches. Pourtant, les petits d'Hommes se montrent sensibles à ses cris, qui peuvent avoir autant d'influence sur leur cerveau qu'une voix humaine. © Donald Ogg, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Le lémur aux yeux turquoise ne se rencontre pas tous les jours, car il vit dans les forêts malgaches. Pourtant, les petits d'Hommes se montrent sensibles à ses cris, qui peuvent avoir autant d'influence sur leur cerveau qu'une voix humaine. © Donald Ogg, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Puis, une fois le silence revenu, une image de tricératops et de poisson étaient simultanément diffusées aux enfants. En fonction du temps qu'ils passaient à regarder les images, les auteurs sont capables de prédire ce qui attire les enfants. Ainsi, les bébés de 3 et 4 mois qui avaient entendu le lémurien ont montré respectivement davantage d'intérêt pour le familier et le non-familier, preuve qu'ils ont distingué les deux catégories. L'impact sur leurs capacités cognitives est similaire à celui qui avait été observé dans l'expérience précédente, concernant la voix humaine. Les nouveau-nés de 6 mois, en revanche, semblent insensibles à leur cousin primate et n'optent pas préférentiellement pour l'une des deux images.

    Dans l'autre groupe, tous les âges ont été perturbés par le discours humain prononcé à l'envers. Encore une fois, un son artificiel affecte leurs capacités de catégorisation.

    La plasticité des aptitudes au langage, un bienfait pour les bébés

    Les auteurs en déduisent que le lien entre le langage et les capacités cognitives pourrait être plus important que ce que l'on pensait : les petits d'Hommes ont de la ressource, et peuvent prêter de l'intérêt aux cris de leurs cousins durant les premiers mois de leur vie. Des réminiscences d'une évolution lointaine ?

    Peu à peu, cette capacité s'estompe, du fait du contact permanent avec les voix humaines. Les nouveau-nés finissent par se spécialiser. Disposant d'une grande plasticitéplasticité au départ, ils finissent progressivement par se focaliser sur la langue qu'ils devront apprendre à parler pour communiquer avec leurs proches. Il vaut mieux voir trop large pour être certain de ne manquer de rien.