Grâce à un système composé de nanotubes de carbone, des scientifiques du MIT et de Harvard ont réussi à stocker une plus grande partie de l’énergie solaire sous forme chimique, de manière à pouvoir produire de la chaleur à la nuit tombée…

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    Cet arc lumineux imite la lumière du soleil afin de pousser des molécules dites photocommutatrices à changer de forme et à stocker de l’énergie, qu’elles pourront plus tard, et à la demande, restituer sous forme de chaleur. © MIT

    Cet arc lumineux imite la lumière du soleil afin de pousser des molécules dites photocommutatrices à changer de forme et à stocker de l’énergie, qu’elles pourront plus tard, et à la demande, restituer sous forme de chaleur. © MIT

    En ces périodes de réchauffement climatique, il est nécessaire de trouver des alternatives crédibles et durables aux hydrocarbureshydrocarbures. Parmi les sources d'énergies renouvelables les plus en vogue : l'éolien et le solaire. Néanmoins, leur production dépend des conditions climatiques et de l'heure de la journée. Or, autre inconvénient, elles ne se stockent ni ne se transportent aussi facilement que le pétrole ou le gazgaz.

    Différentes équipes de recherche travaillent justement à résoudre ces questions. Il y a trois ans, Jeffrey Grossman et son équipe du MIT, associé à des chercheurs de l'université Harvard, avaient mis au point un modèle informatique qui visait à récupérer de l'énergie solaire sous forme chimique et à la relâcher à la nuit tombée. Du virtuel au réel, il y a parfois des différences. Ainsi, ces scientifiques ont voulu éprouver grandeur nature leurs prévisions.

    Leur méthode repose sur des moléculesmolécules appelées photocommutateurs. Ces composés, soumis à l'énergie du soleil, changent de forme, et peuvent garder leur position durant un moment. Le jour donc, les réserves gonflent au fur et à mesure. Mais à la nuit tombée, par une petite stimulationstimulation électrique, lumineuse ou thermique, ces molécules retrouvent leur forme d'origine, et libèrent en même temps de la chaleur, directement exploitable pour la cuisine ou le chauffage d'un logement. En revanche, il ne sert à rien de la convertir en énergie électrique, sous peine de perdre l'intégralité du rendement. Gros avantage : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme... en énergie. Pas d'émissionémission de composés toxiques pour la planète donc.

     Ce schéma explique le fonctionnement de ces batteries rechargeables. Les rayons du soleil (hν) modifient la conformation spatiale (à droite), qui se trouve dans un état d'énergie plus élevé. C'est une forme de stockage photochimique (<em>photochemichal energy storage</em>). Lorsque les molécules retrouvent leur forme originelle (à gauche), il y a un dégagement de chaleur (<em>heat</em>). L’opération peut se répéter éternellement. © Kucharski <em>et al.</em>, <em>Nature Chemistry</em>

    Ce schéma explique le fonctionnement de ces batteries rechargeables. Les rayons du soleil (hν) modifient la conformation spatiale (à droite), qui se trouve dans un état d'énergie plus élevé. C'est une forme de stockage photochimique (photochemichal energy storage). Lorsque les molécules retrouvent leur forme originelle (à gauche), il y a un dégagement de chaleur (heat). L’opération peut se répéter éternellement. © Kucharski et al., Nature Chemistry

    Et la chaleur fut… plus importante que prévu

    Ces photocommutateurs, des azobenzènes, sont positionnés dans des nanotubes de carbone, et doivent être suffisamment empaquetés pour que le procédé se révèle avantageux, ce qui n'est pas une tâche aisée. Mais d'après leur étude, publiée dans Nature Chemistry, les résultats obtenus n'étaient pas du tout ceux que le modèle avait prédit. En effet, les densités mesurées étaient deux fois inférieures à celles qu'ils auraient dû obtenir, mais cela suffisait malgré tout pour générer l'énergie thermique désirée. D'où venait le problème ?

    En creusant plus profondément, les scientifiques ont découvert le pot aux roses : les azobenzènes ne se liaient pas comme prévu. Faisons une analogie avec un peigne : ces photocommutateurs formeraient les dents. L'espace entre chaque dent se révèle deux fois plus important que ce que le modèle numériquemodèle numérique avait calculé. Mais à l'inverse, ces molécules étaient en contact plus étroit, compensant ainsi l'écart précédemment noté.

     Les nanotubes de carbone, reliés entre eux par les molécules d’azobenzène. Dans cette confromation, de grandes quantités d’énergies peuvent être stockées, jusqu’à 120 kJ/mol. © Kucharski <em>et al.</em>, <em>Nature Chemistry</em>

    Les nanotubes de carbone, reliés entre eux par les molécules d’azobenzène. Dans cette confromation, de grandes quantités d’énergies peuvent être stockées, jusqu’à 120 kJ/mol. © Kucharski et al., Nature Chemistry

    Des énergies renouvelables en stock ?

    Les auteurs ont aussi noté une interaction entre les molécules d'azobenzène et les nanotubes de carbonenanotubes de carbone voisins, ce qui n'avait pas été pris en compte dans les modélisations. Or, au lieu d'améliorer le stockage d’énergie de 30 %, ces interactions induisent expérimentalement une augmentation du rendement de 200 %. Une sacrée différence !

    Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles possibilités dans le stockage des énergies renouvelables. Déjà, en améliorant encore le système sur lequel ils travaillent, à l'aide de nouveaux photocommutateurs ou des couches de nanotubes de carbone différentes. Mais aussi en imaginant des processus équivalents pour d'autres énergies et d'autres modes de stockage.

    Pour l'heure, ce processus ne permet de fournir que de la chaleur, ce qui peut être utile dans des circonstances particulières mais qui demande quelques améliorations afin de produire de l'énergie sous d'autres formes. De progrès en progrès, les énergies renouvelables devraient finir par s'imposer.