Avant que les activités humaines ne fassent grimper les températures, notre planète était-elle déjà en train de se réchauffer naturellement ? Ou connaissait-elle une phase de refroidissement ? Les chercheurs sont dans le brouillard. Un brouillard important à lever pour prévoir ce que nous réserve le réchauffement climatique anthropique.


au sommaire


    Dans le contexte de réchauffement anthropique, les modèles climatiques jouent un rôle crucial. Ils permettent de prévoir les changements à venir et d'imaginer des politiques qui permettraient de limiter leurs effets. Pour valider la précision de ces modèles, les chercheurs les mettent généralement à l'épreuve du passé. Leurs résultats doivent concorder avec les preuves trouvées sur le terrain. Mais c'est là, justement, que le bât blesse. Car les chercheurs ont en main, des preuves que les températures il y a 6 500 ans étaient plus chaudes que celles d'aujourd'hui. Alors que les modèles les annoncent plus fraiches. Une incohérence connue sous le nom d'énigme de la température de l'Holocène.

    Voir aussi

    L’énigme de la température de l’Holocène serait résolue

    Pourtant, la période de l'Holocène est sans doute la période de l'histoire de la Terre sur laquelle les chercheurs disposent le plus d'informations. De nombreux travaux s'y sont intéressés. Des preuves provenant des océans, des lacs et d'autres sources naturelles semblent montrer un pic de température il y a environ 6 500 ans, puis un refroidissement jusqu'à ce que les humains commencent à brûler massivement des énergies fossiles. Les modèles climatiques, eux, montrent généralement des températures qui ont tendance à augmenter au cours de toute cette période. Ainsi, si les preuves sont bien interprétées, cela pourrait signifier que les forçages et les rétroactions climatiques qui peuvent amplifier le réchauffement climatique sont sous-représentés dans les modèles actuels. Si ce sont les modèles qui voient juste, les scientifiques vont devoir améliorer leur compréhension du signal de température dans les enregistrements paléoenvironnementaux.

    Le saviez-vous ?

    Le changement de la température au cours des 6 500 dernières années a été graduel. Probablement inférieur à 1 °C. Soit moins que le réchauffement anthropique récent. Il reste cependant important de savoir comment ont évolué les températures à cette époque pour comprendre notamment la réponse du système Terre à l’évolution des taux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

    Dans l'espoir d'enfin résoudre cette énigme, des chercheurs de l’université de l’Arizona (États-Unis) ont analysé les données paléoenvironnementales disponibles sur les 12 000 dernières années -- le début de l'Holocène. Un défi, car il s'avère que si certaines régions avaient tendance à se réchauffer, d'autres, au contraire, se refroidissaient. Mais les chercheurs concluent qu'il y a environ 6 500 ans, la température moyenne mondiale était probablement plus chaude qu'aujourd'hui. Elle aurait ensuite bel et bien été suivie d'une tendance au refroidissement qui s'est terminée il y a 200 ans.

    L’Holocène correspond à une période géologique plutôt stable. Mais les chercheurs estiment aujourd’hui qu’elle se serait achevée avec des températures en baisse. Avant que le réchauffement climatique anthropique n’inverse la tendance. Ici, l’évolution de la température au cours de l’Holocène et certains des mécanismes clés responsables de l’augmentation de la température au cours des 12 000 dernières années, selon des <a title="Seasonal origin of the thermal maxima at the Holocene and the last interglacial" href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-03155-x" target="_blank">travaux publiés en 2021</a>. © Samantha Bova, Université Rutgers
    L’Holocène correspond à une période géologique plutôt stable. Mais les chercheurs estiment aujourd’hui qu’elle se serait achevée avec des températures en baisse. Avant que le réchauffement climatique anthropique n’inverse la tendance. Ici, l’évolution de la température au cours de l’Holocène et certains des mécanismes clés responsables de l’augmentation de la température au cours des 12 000 dernières années, selon des travaux publiés en 2021. © Samantha Bova, Université Rutgers

    Une information cruciale pour prévoir le réchauffement climatique

    Ainsi, ces travaux montrent l'impact que les changements régionaux peuvent avoir sur la température moyenne mondiale. À un moment où nous voyons certaines régions de notre Planète changer à grande vitessevitesse. Le tout suggérant que les modèles climatiques sous-estiment d'importantes rétroactions, notamment régionales, susceptibles d'amplifier le réchauffement climatique anthropique.

    Mais les chercheurs rappellent que le doute persiste. Et que le développement de méthodes de quantificationquantification de la température passée constitue aujourd'hui une grande priorité pour les climatologuesclimatologues. Ils testent actuellement l'utilisation de réactions chimiques impliquant des acides aminésacides aminés conservés dans les sédimentssédiments lacustreslacustres. Combinée à la nouvelle technologie de datation au radiocarbone, cette technique pourrait aider à déterminer si le réchauffement climatique a bien inversé une tendance de refroidissement à long terme.

    Reconstruire avec le plus de précision possible les détails des changements de température passés permettra de donner un aperçu clair de la réponse du climatclimat aux diverses causes des changements climatiques. Qu'elles soient naturelles ou anthropiques. Et cela permettra in fine d'améliorer les modèles climatiques qui restent notre seule source de prévision pour planifier les stratégies les plus efficaces pour atténuer et s'adapter au changement climatique.