Endémique de Nouvelle-Calédonie, Amborella porte en elle des caractéristiques des plantes à fleurs ainsi que celles des arbres qui ne fleurissent pas. Cette découverte la situe à l’interface de ces deux groupes. De quoi mieux comprendre le fabuleux succès des plantes à fleurs.

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    Amborella trichopoda est la seule représentante de son genre. Limitée à la Nouvelle-Calédonie, elle constitue le taxon le plus primitif des angiospermes, ou plantes à fleurs. Mais porte aussi des gènes des plantes sans fleurs... © Scott Zona, Wikipédia, cc by 2.0

    Amborella trichopoda est la seule représentante de son genre. Limitée à la Nouvelle-Calédonie, elle constitue le taxon le plus primitif des angiospermes, ou plantes à fleurs. Mais porte aussi des gènes des plantes sans fleurs... © Scott Zona, Wikipédia, cc by 2.0

    Pourquoi les plantes à fleurs ont-elles soudainement proliféré sur Terre il y a des millions d'années ? Le séquençageséquençage du génomegénome d'Amborella apporte un nouvel éclairage sur les processus qui ont mené à une diversité merveilleuse de plus de 300.000 espèces végétales. L'ancêtre de toutes ces plantes à fleurs a subi un doublement de son génome il y a environ 200 millions d'années. Parmi ses 14.000 gènesgènes codants, beaucoup ont ensuite évolué pour acquérir de nouvelles fonctions, propres aux plantes à fleurs. Ces mécanismes moléculaires, appelés duplications, constituent un des moteurs de l'évolution des espècesévolution des espèces et de l'apparition de nouveaux mécanismes biologiques.

    La place de cette plante à la base de l'arbre phylogénétique des plantes à fleurs en fait une référence pour comprendre l'apparition de nouvelles fonctions chez ces organismes, comme la capacité des graines à accumuler un maximum de réserves nutritives (protéinesprotéines, lipideslipides, etc.) dans un minimum d'espace. L'utilisation progressive de ces réserves lors de l'humidification de la graine permet la germination puis l'installation d'une plantule plus vigoureuse. Parmi ces différents types de réserves, les protéines sont très abondantes, notamment celles de la famille des globulines 11S. Ces dernières conservent des propriétés structurales et représentent par conséquent un très bon outil de phylogénie moléculairephylogénie moléculaire.

    Amborella, un chaînon vivant

    Les scientifiques ont identifié chez Amborella ces protéines puis leurs gènes codants. Les séquences de ces gènes ont ensuite été comparées à celles d'autres espèces de plantes positionnées « avant » (comme le ginkgo, Ginkgo bilobaGinkgo biloba, appartenant aux plantes sans fleurs) ou « après » l'ancêtre commun des plantes à fleurs (comme le sojasoja Glycine max et l'arabette Arabidopsis thalianaArabidopsis thaliana).

    Il apparaît dans Science qu'Amborella se situe à l'interface des deux groupes. Elle a ainsi acquis une partie des caractéristiques génétiquesgénétiques des plantes à fleurs permettant d'accumuler les protéines de réserve, tout en conservant des caractéristiques propres aux plantes sans fleurs. La coexistence de gènes de ces deux types au sein d'une même famille est un résultat très original.

    Les fleurs d'<em>Amborella</em> sont petites et se retrouvent à l'extrémité des feuilles, formant des grappes pouvant contenir jusqu'à 30 fleurs. © Scott Zona, Wikipédia, cc by 2.0

    Les fleurs d'Amborella sont petites et se retrouvent à l'extrémité des feuilles, formant des grappes pouvant contenir jusqu'à 30 fleurs. © Scott Zona, Wikipédia, cc by 2.0

    Les scientifiques montrent de plus que la niche écologique de cette plante est large, avec une diversité génétique structurée en quatre groupes géographiquement distincts de la Grande-Terre de Nouvelle-Calédonie. Ces travaux indiquent également l'existence de deux massifs qui ont pu servir de refuge lors des dernières périodes glaciairespériodes glaciaires (il y a environ 21.000 ans) et à partir desquels Amborella aurait par la suite recolonisé de nouveaux territoires. Sans la présence de ces deux refuges glaciaires, Amborella, comme de nombreuses autres espèces endémiquesendémiques calédoniennes, n'aurait pas survécu jusqu'à nos jours. Ces travaux pourront contribuer à l'élaboration d'actions de préservation des forêts humides calédoniennes.

    Une mémoire à conserver

    Menacée par la dégradation des habitats, Amborella fait l'objet aujourd'hui d'un programme de conservation soutenu notamment par la Fondation de France. Il permet de multiplier la plante en pépinière et d'éviter les prélèvements en milieu naturel. Pour les chercheurs, la Nouvelle-Calédonie a une responsabilité mondiale : veiller sur cette plante, mieux la connaître et améliorer sa préservation localement.

    De nombreux mystères restent encore à éclaircir pour mieux comprendre l'histoire des plantes à fleurs et leur formidable réussite, notamment celles d'intérêt agronomique. Amborella n'a pas fini de révéler comment la nature a fait du neuf... avec de vieux gènes.

    La majeure partie de ce travail a été financée par le programme Plant Genome Research de la National Science Foundation (NSF).