Plus de 30.000 ans que le fruit de Silene stenophylla, enterré par un écureuil et emprisonné par le pergélisol, attendait son heure. Grâce à la congélation, il a bien été conservé et a pu donner naissance à des plantes viables.

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    Silene stenophylla fait partie de la famille des caryophyllacées (sur la photo, la barre représente 50 mm). © Yashina et al. 2012

    Silene stenophylla fait partie de la famille des caryophyllacées (sur la photo, la barre représente 50 mm). © Yashina et al. 2012

    C'est un fruit miraculé que des paléontologuespaléontologues russes ont sorti du pergélisol. Enterré par un écureuil il y a plus de 30.000 ans avant que le sol ne gèle, il avait passé toutes ces années dans la glace à environ -7 °C. Grâce au soin apporté par ses découvreurs et à sa très bonne conservation, il a fini par donner naissance à des spécimens viables.

    Grâce à cette plante, Silene stenophylla, la science établit un nouveau record. Plus exactement, les scientifiques de l'Académie des sciences russe emmenés par Svetlana Yashina ont daté la mise en terre du fruit à 31.800 ans (avec une marge d'erreur de plus ou moins 200 ans), grâce à la datation carbonecarbone. Le record précédent était détenu par un lotus sacré vieux de 1.200 ans.

    La datation carbone établit l'âge de la plante : plus de 30.000 ans

    Une datation carbone qui permet d'ailleurs de se débarrasser des possibilités de contaminationscontaminations du sol par une plante moderne. En 1967, des chercheurs du Musée national du Canada pensaient avoir fait revivre un lupin arctique vieux de 10.000 ans jusqu'à ce qu'une étude de 2009 montre qu'il s'agissait d'une contamination par une plante moderne.

    Le fruit de <em>Silene stenophylla </em>découvert dans le pergélisol. On distingue le placenta (P) et les graines noires (échelle : 1 mm). © Yashina <em>et al.</em> 2012, <em>Pnas</em>

    Le fruit de Silene stenophylla découvert dans le pergélisol. On distingue le placenta (P) et les graines noires (échelle : 1 mm). © Yashina et al. 2012, Pnas

    C'est dans les couches du Pléistocène supérieur de Sibérie, à une profondeur de 38 mètres, que ce fruit a été retrouvé. En extrayant le placentaplacenta du fruit et en le plaçant dans un milieu riche en sucressucres et en vitaminesvitamines, les scientifiques sont parvenus à faire croître un réseau racinaire, puis quelques pousses. Au bout de deux années, les plantes ont donné des fleurs, puis, suite à des croisements, des fruits et des graines. Ces travaux sont décrits dans Pnas.

    Un dimorphisme avec le spécimen actuel

    Au-delà de l'exploit, cette plante fournit un très bon élément de comparaison pour étudier l'évolution de cette espèce. Car S. stenophylla n'est pas éteinte. En effectuant une comparaison anatomique, les scientifiques ont noté qu'il existe un léger dimorphisme entre les spécimens des deux époques.

    Spécimens de <em>Silene stenophylla </em>actuel (A) et issus du fruit déterré dans le pergélisol (B, femelle et C, bissexué). © Yashina <em>et al.</em> 2012, <em>Pnas</em>

    Spécimens de Silene stenophylla actuel (A) et issus du fruit déterré dans le pergélisol (B, femelle et C, bissexué). © Yashina et al. 2012, Pnas

    Trois différences phénotypiques ou physiologiques sont notables. Le spécimen moderne se développe plus rapidement et produit moins de bourgeonsbourgeons. Les pétalespétales portés par les fleurs sont aussi plus larges.

    Avec le réchauffement climatiqueréchauffement climatique, il se pourrait que ce genre de phénomènes devienne une banalité. À l'instar du fruit de S. stenophylla, il est tout à fait possible que de nombreuses graines soient emprisonnées et conservées dans le pergélisol. Quand tout cela fondra, ce qui est en très bonne voie, peut-être sera-t-on exposé à des prairies d'un autre temps. Et comme on nous promet également des mammouths pour bientôt...