La législation de l'Union européenne sur la restauration de la nature, à laquelle les États membres ont donné leur ultime feu vert ce lundi 17 juin 2024, vise à enrayer le déclin de la biodiversité en réparant les écosystèmes abîmés et en préservant forêts, cours d'eau et terres agricoles. Un texte néanmoins édulcoré après une âpre bataille politique.


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    Pollution, urbanisation, exploitation intensive : selon Bruxelles, 80 % des habitats naturels dans l'Union européenne sont dans un état de conservation « mauvais ou médiocre » (notamment les tourbières, dunes et prairies)) et jusqu'à 70 % des sols sont en mauvaise santé. Après la validation des eurodéputés fin février, le vote des ministres de l'Environnement permet l'entrée en vigueur du texte.

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    Réparer les écosystèmes abîmés

    En lien avec l'accord international Kunming-Montréal (COP15 Biodiversité), le texte impose aux Vingt-Sept d'instaurer d'ici 2030 des mesures de restauration sur 20 % des terres et espaces marins à l'échelle de l'UE, puis d'ici 2050 sur l'ensemble des zones qui le nécessitent.

    Divers types d'habitats sont listés (milieux avec faune et flore spécifiques (zones humides, prairies, forêts, rivières, prairies sous-marines...) : chaque pays sera tenu de restaurer d'ici 2030 au moins 30 % de ces habitats en mauvais état, puis 60 % d'ici 2040 et 90 % d'ici 2050. Une flexibilité est aménagée pour « les habitats très communs et répandus ». Jusqu'en 2030, priorité devra être donnée aux sites situés sur les zones classées Natura 2000Natura 2000. Les États seront tenus d'établir des feuilles de routes précises.

    Bruxelles souhaitait imposer un objectif contraignant de « non-détérioration » (maintien en bon état) sur les zones ayant fait l'objet d'une restauration. États et eurodéputés ont préféré fixer une simple obligation à prendre des mesures, sans contrainte de résultat.

    Des flexibilités existeront pour les pays couverts majoritairement d'un seul type d'écosystèmeécosystème (pays scandinaves) et des dérogations sont prévues pour les énergies renouvelablesénergies renouvelables ou infrastructures militaires.

    L'érosion des sols, conséquence de la dégradation de la biodiversité du milieu, est une menace pour la sécurité alimentaire. © maykal, Adobe Stock
    L'érosion des sols, conséquence de la dégradation de la biodiversité du milieu, est une menace pour la sécurité alimentaire. © maykal, Adobe Stock

    Assouplissements pour les terres agricoles

    Dans leur mandat de négociation initial, les eurodéputés avaient supprimé complètement l'article concernant les terres agricoles. Il a finalement été rétabli suite aux pourparlers avec les États, sous une forme nettement assouplie.

    Les pays devront prendre des mesures « visant à parvenir à des tendances en hausse » d'ici fin 2030 pour deux des trois indicateurs (papillons de prairies, carbone dans le sol, part des terres agricoles « à haute diversité »), avec des objectifs de population d'oiseaux communs en campagne.

    Et 30 % des tourbières drainées utilisées en agricultureagriculture devront être restaurées d'ici 2030 (dont au moins un quart en les réhumidifiant), 40 % d'ici 2040 et 50 % d'ici 2050 : l'idée est de raviver ces puits de carbonepuits de carbone naturels et réserves de biodiversité. Mais des « souplesses » seront possibles pour les États les plus concernés et la remise en eau restera « facultative » pour les agriculteurs et propriétaires privés.

    Enfin, chaque pays est tenu de stopper le déclin des populations des pollinisateurs d'ici 2030 au plus tard, avant d'en accroître la population, avec une surveillance régulière.

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    En revanche, l'objectif indicatif proposé par Bruxelles pour l'extension de zones « à haute diversité » (haieshaies, étangs, arbresarbres fruitiers...) sur 10 % des terres agricoles à l'échelle de l'UE a très tôt disparu, face à la bronca des eurodéputés de droite, qui y voyaient une menace pour la sécurité alimentaire.

    Un dispositif a été introduit pour suspendre l'applicationapplication des dispositions du texte en cas de circonstances « exceptionnelles », en particulier de « graves conséquences sur la disponibilité des terres nécessaires pour assurer une production suffisante pour la consommation de l'UE ».

    Ce « frein d'urgence » serait déclenché par la Commission européenne pour une duréedurée d'un an maximum.

    Renforcer les écosystèmes des villes, forêts, cours d'eau

    Les États seront contraints de ne pas diminuer leurs surfaces d'espaces verts et arborés en ville en 2030 par rapport à 2021 (avec des flexibilités s'ils constituent déjà 45 % des écosystèmes urbains), puis de continuer à les renforcer.

    Le texte prévoit de supprimer les obstacles (par exemple certains petits barrages obsolètes) sur les fleuves et rivières afin d'atteindre au moins 25 000 kilomètres de cours d'eau « libres » d'ici 2030 pour une meilleure « connectivité naturelle ».

    À même échéance, les États devront avoir adopté des mesures permettant une évolution « positive » sur plusieurs indicateurs forestiers : carbone, populations d'oiseaux, quantité de boisbois mort sur pied et au sol... Sur ce dernier point, l'application tiendra compte des risques d'incendie dans les régions très sèches.

    L'objectif indicatif de planter au moins trois milliards d'arbres supplémentaires dans l'UE d'ici 2030 a été inscrit dans la législation.

    Le financement du plan

    Environ 115 milliards d'euros du budget européen 2021-2027 sont prévus pour la biodiversité.

    Bruxelles estime que chaque euro investi rapportera entre 8 et 38 euros, via les avantages d'écosystèmes sains (dépenses de santé, pollinisation, qualité des sols, moins d'inondationsinondations, atténuation climatique, stocks de poissonspoissons préservés....).