au sommaire
Les arbres d'Utrecht, aux Pays-Bas, retrouvent une deuxième jeunesse. Ils sont recyclés pour être transformés en tables. L'étude de l'âge des arbres se fait à partir des cernes de croissance, elle est appelée la dendrochronologie. © Relaxnews
Ils auraient pu finir en bûches ou en sciure mais sont devenus des tables uniques qui racontent, au fil des nœudsnœuds du boisbois et d'un livret, l'histoire d'un arbre et de ceux qui l'ont vu pousser : à Utrecht, certains végétaux connaissent une deuxième vie. « Avec chaque arbrearbre arraché, il y a toujours un peu de l'histoire d'un quartier, d'une rue, qui s'en va : en transformant les arbres en tables, nous espérons conserver un peu de cette histoire », explique Egbert Boerma, de l'association Tafelboom (table-arbre) à l'origine du projet.
À Utrecht, ville de 300.000 habitants au centre des Pays-Bas, comme ailleurs, des arbres sont régulièrement coupés, victimes du manque d'espace, de travaux d'aménagement ou tout simplement parce qu'ils sont vieux ou malades. « Quand un arbre est placé sur la liste d'arrachage, nous allons le prendre en photo et réunir des informations sur son histoire, la sienne mais aussi celle de l'endroit où il se trouve », raconte M. Boerma, un ancien acteur âgé de 33 ans. Une fois l'arbre coupé, son tronc est transporté par les employés municipaux jusqu'à l'entrepôt de l'association fondée en 2009 et qui compte cinq membres, dans la lointaine banlieue d'Utrecht. Une trentaine de hêtreshêtres, chênes et platanes ainsi qu'un noisetier y sèchent. « Nous avons récupéré l'un des trois plus vieux chênes des Pays-Bas : selon les documents dont nous disposons, il a été planté en 1776 », souligne Egbert Boerma.
Les habitants d'Utrecht inscrivent dans un petit livret leur souvenir avec un arbre récemment coupé ; qui sera transformé, quelques années plus tard, en table. © Pierre Mestre, CC-BY-NC-ND-2.0
En pantalon de travail, chemise bleu clair et bottes de caoutchouccaoutchouc, ce père de deux petits garçons regrette que des arbres comme celui-ci puissent être réduits en sciure : « les arbres d'une ville ont une fonction pour les habitants, ils représentent quelque chose ». Les troncs sont débités en planches qui vont sécher pendant 1 an ou 2, avant d'être sciées et assemblées, toujours selon un modèle unique respectant « les spécificités du bois ». Tout au long de ce processus de fabrication, l'association organise des ateliers avec les habitants du quartier d'où provient l'arbre utilisé. Ceux-ci permettent aux membres de recueillir des informations sur l'arbre et son histoire ainsi que des souvenirs de ceux qui l'ont vu pousser, qui seront consignés dans un petit livret, déposé dans un tiroir de la table.
Des tables en arbres d’Utrecht chargés d’histoires
« Cher févierfévier, je suis assise sur un banc, là où tu te tiens. Il y a des jeux à bascule, un bac à sablesable, un toboggan et une poubelle. Je me sens en paix, en ce jeudi après-midi de novembre », peut-on lire dans un des livrets. Dans d'autres, un vieil homme se souvient avoir embrassé sa femme pour la première fois et une maman se remémore les premiers pas de son fils sous l'ombre des grandes branches. « Nous écrivons ces souvenirs dans le livret et l'histoire ne se perd pas », assure M. Boerma. Il a fait de son projet, qui lui permet de renouer avec ses racines rurales et de satisfaire son amour pour les belles histoires, son gagne-pain.
Une soixante d'arbres ont déjà été récupérés par l'association qui a fabriqué une dizaine de tables, dont le prix peut atteindre 1.700 euros. Celles-ci ont été achetées par la mairie d'Utrecht - l'une d'entre elles trône désormais dans la ferme municipale pour les enfants -, des entreprises et des particuliers. « C'est une coïncidence, mais le bois provient d'un arbre qui était dans une rue voisine de celle de mon école primaire, je m'en souviens bien », raconte un des clients de Tafelboom, Ruud Vocking, ajoutant : « j'aime le fait que la table soit moderne mais que l'on voie qu'elle a vécu ».
Tafelboom fabrique aussi des jeux de constructionconstruction composés de cubes en bois et des planches à découper, vendus respectivement 75 et 50 euros, accompagnés d'un livret petit format. « Nous devons encore réfléchir sur les moyens de nous développer, sans nous industrialiser, et rendre nos prix plus accessibles à tous », souligne Egbert Boerma.