Des milliers de personnes sortent du coma dans un état dit végétatif persistant, montrant des signes d'éveil sans que leur comportement ne démontre qu'un esprit conscient habite leur corps. Les techniques de neuro-imagerie indiquent pourtant que c’est parfois bien le cas. Une nouvelle étude suggère que le nombre de personnes concernées serait considérable.

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    Suite à une blessure à la tête, un manque d'oxygène ou un accident vasculaire cérébral (AVC), de nombreuses personnes entrent dans le coma pour en sortir dans un état végétatif. Lorsque cet état persiste au-delà d'une année, il s'agit d'un état végétatif persistant (EVP).

    L'EVP est un syndrome, c'est-à-dire un ensemble de signes et symptômes. Contrairement au coma, les personnes touchées présentent une alternance veille-sommeil et une variété de réponses réflexes, allant parfois jusqu'à la capacité de déglutition. Et à la différence de l'état de conscience minimal (ECM), l'EVP se caractérise par l'absence de tout comportement indiquant une activité consciente : langage, réponse comportementale significative, comportement manifestement volontaire. La prévalenceprévalence, c'est-à-dire le nombre de personnes touchées, est estimée à environ 3 pour 100.000, en augmentation suite aux progrès de la prise en charge des blessures neurologiques.

    Une euthanasie problématique

    Les difficultés éthiques liées à l'EVP sont considérables et accentuent la souffrance des proches, à l'exemple du débat politico-médiatique autour de madame Terri Schiavo. Il faut savoir que les tests comportementaux permettent d'identifier la présence d'un esprit conscient, mais non de prouver son absence. Seconde difficulté, les évolutions favorables sont considérées comme rares mais pas impossibles. Nonobstant, l'Assemblée médicale mondiale adoptait en 1989 une déclaration selon laquelle : 

    « Les risques d'erreur de pronosticpronostic à la suite d'une utilisation étendue du critère susmentionné sont si infimes que la décision de l'assimiler à une conclusion pronostique semble tout à fait justifiée. La décision du médecin selon laquelle une personne a peu de chances de recouvrer sa conscience est le prélude habituel aux délibérations sur le retrait ou le refus de soutien à la vie. »

    Cette déclaration fut formellement retirée lors de l'assemblée générale de 2005. Voyons pourquoi. 

    Tout d'abord, des études postérieures à cette déclaration ont montré jusqu'à 43 % de diagnostics erronés. Il est à noter que cette situation persiste encore aujourd'hui, principalement faute d'utiliser des tests standardisés. Ensuite, parce que les progrès de la neuro-imagerie ont permis des constats surprenants. L'imagerie de diffusiondiffusion a notamment démontré, jusqu'à plus de vingt ans après l'entrée en état végétatif, des repousses axonales associées à une récupération spontanée.

    Fibres axonales visualisées par imagerie de diffusion. © Springer-Verlag 2009

    Fibres axonales visualisées par imagerie de diffusion. © Springer-Verlag 2009

    Une autre approche, encore plus frappante, est basée sur les interfaces humain-machine. Le principe est d'enregistrer directement l'activité cérébrale afin de permettre aux sujets de se faire comprendre directement par la pensée, sans nécessité de mouvementmouvement. Chez des sujets contrôles, cette méthode permet d'envisager de commander un ordinateur. Chez des personnes paralysées, l'objectif est de contrôler un environnement prothétique. Chez les personnes en état végétatif, l'objectif n'est rien de moins que de prouver qu'un esprit existe là où les tests comportementaux ne montrent rien.

    Les révélations de la neuro-imagerie

    La première démonstration difficilement réfutable fut, en 2006, avec une jeune femme en état végétatif depuis cinq mois des suites d'un traumatisme crânien. Placée dans un IRM, et ayant comme instruction d'imaginer jouer au tennis ou d'imaginer marcher dans sa maison, la jeune femme montrait des activations cérébrales similaires à des sujets contrôles, démontrant ainsi une compréhension du langage, la capacité d'imaginer, et de choisir le contenu de son imagerie mentale. Six mois plus tard, elle retrouvait des signes comportementaux démontrant sa conscience. Les résultats de cette étude laissaient toutefois planer un doute : est-ce que cette personne n'était pas déjà en transition vers l'état de conscience minimale au moment de l'expérience ? Ce cas était-il exceptionnel ou répandu ?

    Un début de réponse vient d'être publié dans The Lancet par Damian Cruse et collaborateurs. Employant l'électroencéphalographie, une technique relativement facile à utiliser et peu dispendieuse, ils ont demandé à 16 patients en état végétatif et 12 sujets contrôles d'imaginer faire un mouvement spécifique suite à un son. Par ailleurs les sujets contrôles devaient aussi, dans un second temps, écouter les instructions sans les suivre afin d'exclure un éventuel effet lié à la simple écoute des instructions.  

    Cartes de détectabilité de l’imagerie motrice. © Elsevier 2011

    Cartes de détectabilité de l’imagerie motrice. © Elsevier 2011

    Les résultats démontrent que 3 des 16 patients en état végétatif, dont 2 des 5 patients ayant subi un traumatisme crânientraumatisme crânien, étaient capables de suivre les instructions (et donc potentiellement de communiquer avec l'aide de la machine). Réaliser cette performance implique nécessairement une attention soutenue au-delà de la minute, une compréhension des instructions verbales, une capacité de sélection du contenu de l'imagerie mentale, et une mémoire de travailmémoire de travail suffisante. La préservation de ces fonctions cognitives rend peu plausible l'absence de conscience chez ces personnes. À l'inverse, l'absence de réussite ne signifie pas obligatoirement l'absence de conscience... trois des sujets contrôles ont d'ailleurs échoué au test !   

    Les prochaines étapes ? Entraîner les sujets, améliorer les interfaces, diffuser la technique, intégrer ces approches en réadaptation. ErgothérapeutesErgothérapeutes, chercheurs, ingénieurs, à vos machines.