Grâce aux performances exceptionnelles de leur microscope électronique ultrarapide, des chercheurs américains sont parvenus à filmer des mouvements de chaleur au cœur de la matière, ralentis un milliard de fois. Cette première mondiale devrait permettre de préciser le rôle joué dans ce domaine par les structures nanométriques. De quoi, certainement, concevoir des matériaux plus efficaces.

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    Pour tirer le meilleur parti d'un phénomène, il est indispensable d'en comprendre les mécanismes les plus intimes. Et pour comprendre un mécanisme, rien de tel que de l'observer. Pour les mouvements de chaleur, l'exercice est difficile car le phénomène se joue à des échelles et sur des laps de temps inaccessibles aux instruments classiques de la physique. Pour contourner le problème, des chercheurs de l'université du Minnesota (États-Unis) ont eu l'idée d'exploiter les performances hors du commun d'un microscope électronique ultrarapide mis en service depuis quelques mois seulement. Le résultat, une vidéo de quelques secondes, dépasse presque leurs espérances.

    Pourquoi tant d'intérêt pour les mouvements de chaleur ? Parce que la question des mouvements de chaleur impacte toutes les technologies qui nous entourent. Le secteur de l'électronique, soumis au fameux effet Joule, en est un exemple marquant. C'est en effet sous forme de chaleur que se produisent les plus importantes déperditions d'énergie. Autre exemple : dans une voiturevoiture, pas moins 70 % de l'énergie apportée par l'essence est perdue sous forme de chaleur. Dans ce cas précis, comprendre comment cette énergie thermiqueénergie thermique circule au cœur des matériaux pourrait donc aider à considérablement augmenter l'efficacité des moteurs.

    Or, pour observer un phénomène, il faut - à quelques approximations près - mettre en œuvre un instrument aux dimensions, spatiales et temporelles, semblables à celles du phénomène que l'on souhaite étudier. Exemple : mesurer l'épaisseur d’un cheveu à l'aide d'une règle d'écolier. C'est mission impossible ! Pour observer les mouvements de chaleur au cœur de la matière, il fallait donc compter sur un microscopemicroscope capable de sonder la matière à l'échelle de l'atomeatome et sur des duréesdurées de seulement quelques femtosecondesfemtosecondes, une unité qui vaut 10-15 ou 0,000 000 000 000 001 seconde.

    Cet instantané a été capturé par l’équipe de l’université du Minnesota. Ce cliché en fausses couleurs figure des zones plus ou moins chaudes dans un cristal semi-conducteur. © <em>University of Minnesota, College of Science and Engineering</em>

    Cet instantané a été capturé par l’équipe de l’université du Minnesota. Ce cliché en fausses couleurs figure des zones plus ou moins chaudes dans un cristal semi-conducteur. © University of Minnesota, College of Science and Engineering

    Une vidéo filmée au microscope électronique ultrarapide

    Un microscope de ce type (basé sur un principe qui valu, en 1999, le prix Nobel de chimiechimie à Ahmed Zewail) a justement été installé dans les locaux de l'Université du Minnesota en novembre 2013. Alors qu'un microscope optiquemicroscope optique classique utilise la lumièrelumière - avec des longueurs d’onde comprises entre 400 et 700 nanomètresnanomètres - pour former des images d'un échantillon, un microscope électroniquemicroscope électronique utilise un faisceau d'électronsélectrons haute énergie, aux longueurs d'ondelongueurs d'onde de quelque 0,001 nm. De quoi améliorer grandement son pouvoir de résolutionrésolution. Et un microscope électronique ultrarapide - qui utilise des paquetspaquets d'électrons uniques - permet en plus d'observer les évolutions des phénomènes, en temps réel et sur des échelles de temps très courtes. De l'ordre de celles de l'impulsion optique à l'origine des électrons en question.

    Dans leur expérience, les chercheurs américains ont eu recours à une brève impulsion émise par un laser femtoseconde pour exciter les électrons et ainsi chauffer très rapidement des cristaux semi-conducteurssemi-conducteurs comme du diséléniure de tungstènetungstène ou du germaniumgermanium. Sur les captures vidéo, ralenties plus d'un milliard de fois, ils ont alors observé les ondes résultant des déplacements de chaleur au cœur des cristaux. « Un rêve devenu réalité ! », témoigne David Flannigan, professeur à l'université du Minnesota.

    Les vidéos prises par l'équipe montrent des vaguesvagues d'énergie, semblables aux vagues que créerait un caillou tombé dans de l'eau et se déplaçant à environ six nanomètres par picosecondepicoseconde. Voilà une drôle d'unité... Une conversion vers les échelles de notre quotidien est plus parlante : ces vagues filent à quelque 6.000 mètres par seconde, soit 21.600 kilomètres par heure ! « Avec des dimensions aussi petites et des vitessesvitesses aussi grandes, l'observation des déplacements de chaleur dans les matériaux est longtemps restée hors de portée. À partir de maintenant, nous allons pouvoir sonder dans les moindres détails les mouvements d'énergie thermique et déterminer ainsi, par exemple, quelles sont les conséquences de la présence, au sein des matériaux, d'imperfections à l'échelle nanométrique », promet David Flannigan.