Dans un climat et une météorologie en mutation, Eumetsat s’apprête à mettre en service l’imageur d’éclairs à bord du premier satellite Meteosat de troisième génération. Cet instrument innovant et inédit en Europe a pour but d’améliorer le suivi et les prévisions des tempêtes violentes ainsi que renforcer la sécurité, en cas de foudre, de la circulation et du contrôle du trafic aérien. L'éclairage et les explications de Paul Counet, chef de la stratégie pour Eumetsat.


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    La mise en service du premier satellite Meteosat de troisième génération (MTG) d'Eumetsat se poursuit. Après avoir publié, en mai 2023, la première image du radiomètre imageur combiné de ce satellite, qui fait apparaître avec un niveau de détails sans précédent les conditions météorologiques en Europe, en Afrique et au-dessus de l'Atlantique, Eumetsat rend publiques les données du premier imageur d'éclairséclairs européen, l'autre instrument d'observation à bord de ce satellite révolutionnaire.

    Construit par Leonardo, ce « chasseur d'éclairs » est le premier instrument satellitaire capable de détecter les manifestations lumineuses produites par les éclairs inter-nuageux, intra-nuageux et nuagenuage-sol au-dessus de l'Europe et de l'Afrique. Il a récemment été mis sous tension et a franchi une étape décisive dans la détection et la prédiction des phénomènes météorologiques violents dans des délais très courts.

    Image fixe d’une animation de l’activité électrique d’orages multicellulaires dans la région du Sahel en Afrique le 7 juin 2023, saisie par l’imageur d’éclairs embarqué sur le premier satellite Meteosat troisième génération (MTG-I1). © Eumetsat, ESA
    Image fixe d’une animation de l’activité électrique d’orages multicellulaires dans la région du Sahel en Afrique le 7 juin 2023, saisie par l’imageur d’éclairs embarqué sur le premier satellite Meteosat troisième génération (MTG-I1). © Eumetsat, ESA

    Les explications de Paul Counet, chef de la stratégie pour Eumetsat.

    Futura : Quelles analyses techniques et scientifiques peut-on faire de ces premières données ?

    Paul Counet : Ces premières animations visent avant tout à montrer ce que l'instrument peut faire et à présenter au public ce dont il est capable. Pour l'instant, l'imageur d'éclairs n'est pas complètement opérationnel, il est encore en cours de mise au point, en même temps la mise en service du satellite MTG-I1 se poursuit. Il ne faut donc pas s'enthousiasmer. On a un bon instrument que l'on apprend à utiliser. Les données seront disponibles pour une utilisation opérationnelle au début de l'année 2024. Ces données seront détectées avec un réglage de sensibilité plus élevé à des fins de prévision.

    Fait intéressant, l'animation zoomant sur le Royaume-Uni et l'Irlande a une forte corrélation avec les avertissements donnés par le Met Office britannique la nuit précédente.

    Futura : Concrètement, comment fonctionne cet imageur d’éclairs ?

    Paul Counet : Cet instrument détecte les manifestations lumineuses produites par les éclairs inter-nuageux, intra-nuageux et nuage-sol. Pour cela, il dispose de quatre caméras couvrant l'Europe, l'Afrique, le Moyen-Orient et une partie de l'Amérique du Sud, capables d'observer en continu l'activité des éclairs depuis l'espace. Chacune de ses caméras peut saisir 1 000 images par seconde, de jour comme de nuit, qui lui permettent de détecter le moindre éclair avec une rapidité fulgurante.

    Interview de Carlo Simoncelli, chef de projet auprès de Leonardo de l'imageur d'éclairs. © Eumetsat

    Futura : Ces premières données répondent-elles à vos attentes ?

    Paul Counet : Oui ! J'ajouterai que tous nos partenaires associés au programme sont très satisfaits, qu'ils soient institutionnels ou industriels. Il faut garder à l'esprit que c'est la première fois que l'Europe dispose d'un tel instrument. Son développement a nécessité plus de dix ans de travail ! Sa conception n'a pas été une mince affaire quand on sait que la durée de vie d'un éclair est extrêmement courte, moins de 0,6 seconde ! L'intelligence artificielleintelligence artificielle sera utilisée pour repérer ces éclairs. L'instrument montre une grande capacité à détecter les éclairs aux latitudeslatitudes élevées et jusqu'à la périphérie de son champ de vision. Les premières données nous ont agréablement surpris en raison d'une grande qualité dans ce que l'on voit, du nombre d'éclairs observés et l'absence de bruit dans les données.

    Futura : En général, la mise en service d'un nouvel instrument réserve de bonnes surprises. Est-ce le cas pour l’imageur d’éclairs ?

    Paul Counet : Nous sommes ravis et impatients de pouvoir envoyer les données opérationnelles aux services météorologiques pour qu'ils les utilisent dans leurs prévisions. Nous pensons que les données de cet imageur d'éclairs, lorsqu'elles seront utilisées conjointement avec les images du radiomètre imageur combiné de MTG-I1, changeront vraiment la donne.

    L'objectif est de donner aux prévisionnistes la capacité de détecter et de suivre plus tôt les phénomènes météorologiques violents avec plus de précision, et d'être en mesure de donner des avertissements plus précoces aux civils et aux autorités dans des délais très courts.

    Futura : En quoi la détection ou l'observation de la foudre peut être utile pour améliorer les prévisions météorologiques ?

    Paul Counet : Les phénomènes météorologiques violents sont souvent précédés de changements brusques dans l'activité électrique et la foudre. Notre « chasseur d'éclairs » détecte en permanence les éclairs et détectera ces changements brusques. Grâce aux données de l'imageur d'éclairs, qui refléteront ces changements dans l'activité électrique, les prévisionnistes météorologiques pourront prévoir avec plus de certitude les épisodes d'oragesorages violents.

    Eumetsat enverra les données aux services météorologiques en temps quasi réel. En associant ces données aux données de résolutionrésolution fine du radiomètre imageur combiné, les prévisionnistes pourront suivre le développement des orages violents avec plus de précision et ainsi gagner du temps pour alerter les autorités et les communautés. On parle de prévision à très court terme, de seulement trois ou deux heures, voire seulement une heure.

    Vue d'artiste d'un satellite Meteosat de troisième génération Imager (MTG-I1), à bord duquel se trouve le premier instrument européen de détection d'éclairs (Lightning Imager, LI). © Thales Alenia Space
    Vue d'artiste d'un satellite Meteosat de troisième génération Imager (MTG-I1), à bord duquel se trouve le premier instrument européen de détection d'éclairs (Lightning Imager, LI). © Thales Alenia Space

    Futura : Quelles autres disciplines scientifiques trouveront un intérêt à utiliser ces données ?

    Paul Counet : À ne pas en douter, la sécurité aérienne. L'imageur sera très utile pour améliorer le routageroutage des avions et la surveillance du climatclimat, les données serviront donc à alimenter des modèles prédictifs d'évolution du climat.

    La capacité de l'imageur à détecter des éclairs au-dessus des océans et de la zone intertropicale africaine, où se développent des formations nuageuses avec beaucoup d'activité électrique, doit permettre aux compagnies aériennes de dérouter leurs avions du mauvais temps prévisible. Quant à la surveillance du climat, il faut savoir que nous nous sommes engagés à garantir la continuité des données pendant au moins 25 ans, ce qui est une durée intéressante pour alimenter des modèles climatiquesmodèles climatiques.