S’il est clair que la pression climatique a joué un rôle dans l’apparition et l’extinction de certaines espèces de la lignée humaine, une équipe de chercheurs met en lumière l’influence non négligeable de la concurrence entre espèces. Une concurrence qui aurait mené à l’émergence de la technologie et à l’avènement d’Homo sapiens.


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    L'histoire évolutive de l'Homme est faite de nombreux embranchementsembranchements, émergencesémergences d'espècesespèces et extinctions. Un schéma qui aurait été fortement façonné par les conditions climatiques. Par exemple, il est désormais attesté que les migrations d'Homo sapiensHomo sapiens du continent africain, entre 135 000 et 60 000 ans, sont la conséquence d’une période de sécheresse extrême ayant poussé les Hommes à fuir vers les territoires du nord. De même, l'histoire de la lignée humaine est marquée par plusieurs goulots d'étranglementgoulots d'étranglement durant lesquels l’Humanité aurait frôlé l’extinction. Des épisodes dramatiques qui seraient ici encore associés à une évolution du climatclimat. D'un autre côté, la pression climatique aurait également favorisé le développement d’espèces, notamment celles du genre Homo.

    Évolution : l’importance de la concurrence pour la diversification des espèces

    Mais le climat est-il le seul et unique facteur ayant influencé l'évolution de la lignée humaine ? Non, d'après certains chercheurs de l'Université de Cambridge, auteurs d'une nouvelle étude publiée dans la revue Nature ecology and evolution. La compétition entre les espèces aurait en effet joué un rôle tout aussi important et pourrait explique le schéma évolutif plutôt étrange qu'a suivi le genre Homo.

    Lorsqu'on regarde l'évolution des vertébrésvertébrés, dans leur globalité, la compétition inter-espèce au sein d'une niche écologique est en effet considérée comme un facteur d'influence majeur, souvent corrélé à la diversification des espèces. Les chercheurs prennent comme exemple les 18 espèces de pinsonspinsons de DarwinDarwin, qui présentent des morphologiesmorphologies de bec différentes : certains ont développé un large bec permettant de se nourrir de noixnoix, alors que d'autres possèdent un bec fin destiné à la capture d'insectesinsectes. La concurrence pour des ressources limitées a donc fait progressivement apparaitre de nouvelles espèces qui, chacune, ont occupé une niche écologique. On observe ce schéma de diversification chez tous les vertébrés, jusqu'à ce que toutes les niches soient occupées. À partir de ce moment-là, aucune nouvelle espèce associée au groupe ne peut plus émerger et les extinctions prennent alors le relais.

    Quatre espèces de pinsons de Darwin, qui présentent des morphologies différentes. L'émergence de plusieurs espèces est liée à la concurrence pour l'accès aux ressources. © John Gould (14.Sep.1804 - 3.Feb.1881), <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    Quatre espèces de pinsons de Darwin, qui présentent des morphologies différentes. L'émergence de plusieurs espèces est liée à la concurrence pour l'accès aux ressources. © John Gould (14.Sep.1804 - 3.Feb.1881), Wikimedia Commons, domaine public

    Une hausse de la concurrence au sein du genre Homo

    Pour les scientifiques, le schéma de diversification de la lignée humaines sur les cinq derniers millions d'années suggère un processus similaire et révèle l'importance de la concurrence entre les différentes espèces. À un détail près, qui a son importance.

    En effet, à l'inverse de ce qui est observé généralement chez les vertébrés, de nouvelles espèces du genre Homo ont continué à apparaître alors même que toutes les niches écologiques étaient déjà remplies. Pour comprendre l'origine de cet étrange schéma évolutif, les chercheurs ont étudié pas moins de 385 espèces d’Hominini. Les résultats révèlent que les espèces ayant co-existé à différents moments de l'histoire seraient ainsi bien plus nombreuses qu'on ne le pensait auparavant. En effet, certaines espèces que l'on pensait avoir évolué lentement en une autre, dans une sorte de filiation continue (processus d'anagenèse), auraient en réalité bourgeonné à partir d'une espèce « parent », sans que celle-ci ne disparaisse.

    Schémas présentant les liens entre les différentes espèces de la lignée humaine sur les cinq derniers millions d'années, et les coexistences. © van Holstein et Foley, 2024, <em>Nature ecology and evolution</em>
    Schémas présentant les liens entre les différentes espèces de la lignée humaine sur les cinq derniers millions d'années, et les coexistences. © van Holstein et Foley, 2024, Nature ecology and evolution

    Homo sapiens, l’espèce contre laquelle les autres n’ont pu rivaliser

    Or, un nombre plus important d'espèces à un moment « t » suggère une concurrence plus rude. Une concurrence qui, au lieu d'entraîner une modification anatomique pour s'adapter à une nouvelle niche écologique, aurait poussé les espèces du genre Homo à développer des outils.

    L'invention de nouvelles techniques de chasse ou encore la maîtrise du feu auraient ainsi assuré aux nouvelles espèces émergentes une plus grande capacité d'adaptation. Ce développement technologique serait donc derrière l'augmentation exponentielle du nombre d'espèces du genre Homo... jusqu'à l'arrivée d'Homo sapiens. L'évolution nous montre que les formidables capacités cognitives de l'Homme moderne, qui lui ont permis de s'adapter très rapidement à quasiment toutes les niches écologiques, ont contribué à l'extinction des autres espèces Homo, qui n'ont su rivaliser avec elle.