Les souvenirs ont-ils une réalité physique dans notre cerveau ? Une théorie postulée il y a plus de 100 ans définit l’engramme comme la substance de notre mémoire. À l’époque, aucune expérience n’avait pu l’étayer. Où en est-on aujourd’hui avec les progrès de la science ?


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    Est-ce qu'un souvenir a une existence physiquephysique qui pourrait se voir à travers un microscopemicroscope ? Une théorie énoncée en 1904 par Richard Semon, introduit le concept d'engramme décrivant l'ensemble de changements biologiques et physiques d'une population de neurones qui conduit à la persistance de la mémoire. La stimulation ultérieure de l'engramme, par les mêmes signaux que lors de sa formation, conduit à une récupération de la mémoire. Plus les connections entre les neurones de l'engramme sont fortes, plus le souvenir sera durable. À l'époque, aucune expérience n'avait pu confirmer cette théorie.

    Depuis 2013, elle est à nouveau au centre des recherches sur les traces de la mémoire. Plusieurs recherches suggèrent, indirectement, la présence d'engrammes. Celles-ci ont été analysées par deux neuroscientifiques et publiées dernièrement dans la revue Science. Selon eux, l'ensemble de ces travaux feraient de l'engramme l'unité de base de notre mémoire.

    Sur cette image, les neurones actifs durant une expérience de peur apparaissent en rose. Les neurones inactifs en blanc et en vert, il s’agit de la voie perforante, une structure de l’hippocampe. © Adapté de T. J. Ryan et al., <em>Science</em>
    Sur cette image, les neurones actifs durant une expérience de peur apparaissent en rose. Les neurones inactifs en blanc et en vert, il s’agit de la voie perforante, une structure de l’hippocampe. © Adapté de T. J. Ryan et al., Science

    À la recherche des engrammes

    En ce qui concerne la cognition, les investigations sur le rôle des engrammes ont été menées sur les souris. Une première étude fait état de la perte de mémoire chez des souris privées d'un réseau de neurone de l'amygdale latérale suggérant la présence d'un hypothétique engramme. Dans une deuxième, les scientifiques ont stimulé artificiellement un ensemble de neurones du gyrus denté de l'hippocampehippocampe actif durant une expérience de peur. À la suite de cela, les souris ont éprouvé la peur, ce qui évoque un souvenir sans qu'un signal extérieur le réactive et donc un engramme potentiel.

    Les indices sont aussi à chercher du côté des neurones qui composent un engramme. Au sein de ces structures, les neurones sont plus sensibles aux stimuli et présentent une plasticitéplasticité plus importante. Une étude de décembre 2019 identifie un ensemble de synapses localisées sur une même dendritedendrite dans les réseaux neuronales. Cette configuration a été observée dans plusieurs paradigmes impliquant la mémoire et les souvenirs. Ce regroupement de synapses agissent de concert pour potentialiser le signal qui construira la mémoire.

    Tous ces résultats semblent définir l'engramme comme l'unité de base de notre mémoire. Néanmoins, beaucoup de questions restent sans réponses. Comment stocke-t-il la mémoire ? Et comment sa structure affecte-t-elle notre mémoire ? Fonctionne-t-il seul ou en réseau ? À l'image de certains souvenirs, l'engramme reste encore insaisissable.

    Le cerveau en 13 images méconnues et pourtant incroyables

    La substance blanche du cerveau étudiée in vivo grâce à la tractographieSynapse d'un neurone pyramidalReconstitution tridimensionnelle d'une boîte crânienne d’enfantLes cellules de Purkinje, des neurones du cerveletÉpines dendritiques d'un neuroneNeurones de l'hippocampe et leurs neurotransmetteursLe transport de l'information nerveuse : des dendrites à l'axoneNeurones de l'hypothalamus, au cœur du cerveauRéseau de neurones et leurs noyauxCerveau d'une larve de mouche et ses corps pédonculésNeurone en cultureImage numérisée d'un cerveau de poussin, en fausses couleursNeurone exprimant la protéine hungtingtine
    La substance blanche du cerveau étudiée in vivo grâce à la tractographie

    La tractographie offre la possibilité d'étudier in vivoin vivo la substance blanchesubstance blanche du cerveaucerveau, celle constituée d'axonesaxones myélinisés qui relient les régions de matièrematière grise. Cette gaine de myélinegaine de myéline, qui entoure les terminaisons nerveuses, permet à l'information d'être propagée plus rapidement. Sur cette image, les faisceaux pyramidaux apparaissent en bleu et les fibres transverses pontocérebelleuses sont colorées en rouge et vert. © CNRS Photothèque, CI-NAPS, GIP Cyceron