C’est au milieu de l’environnement hostile du désert d’Atacama que des chercheurs ont découvert un écosystème unique présentant des conditions similaires à celles qui devaient régner sur Terre il y a 3,5 milliards d’années. Un véritable laboratoire naturel pour comprendre le développement des premières formes de vie sur Terre et peut-être aussi sur Mars, qui serait pourtant menacé de destruction.


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    La vie est apparue sur Terre il y a environ 3,8 milliards d'années. Comprendre les conditions qui ont mené à cette émergence du vivant est encore un défi. Et pour cause, il ne reste aujourd'hui que d'infimes traces de ce passé lointain. La dynamique terrestre a fait son œuvre. Tectonique, climat, érosion, etc. ont en effet participé à effacer graduellement les témoignages de cette époque primitive de l'histoire de la Terre.

    La question est pourtant d'importance et s'inscrit dans la grande quête de nos origines. Et de celle d'une hypothétique vie extraterrestre. Car comprendre dans quelles conditions la vie est apparue sur Terre permettrait de savoir si des organismes ont pu se développer ailleurs dans l'UniversUnivers, sur d'autres mondes, et notamment sur Mars.

    Plateau de la Puna de Atacama : un environnement extrême

    Une problématique scientifique qui pourrait être éclairée par la découverte d'un environnement unique dans les écosystèmes terrestres. Car il existerait un analogue moderne aux environnements primitifs dans lesquels la vie est apparue et a évolué il y a plus de 3,5 milliards d'années. Pour trouver cet environnement, les scientifiques ont dû se rendre dans l'un des endroits les plus hostiles de la planète. C'est sur le plateau de la Puna de Atacama, dans la partie centrale de la Cordillère des Andes, en Argentine, qu'ils ont en effet fait cette étonnante découverte. Situé à une altitude d'environ 4 500 mètres, ce plateau est l'un des endroits les plus arides au monde. Et l'un des plus désertiques. Peu d'êtres vivants, animaux ou plantes, sont en effet capables de survivre dans des conditions si extrêmes, où la pluie ne tombe pratiquement jamais.

    Le paysage n'est parsemé que de quelques zones humides formant un réseau de lagunes bordées d'une épaisse croûtecroûte de sel. C'est en étudiant ces étranges lacs peu profonds que Brian Hynek et ses collègues, de l'université du Colorado à Boulder (États-Unis), ont découvert quelque chose de très spécial. Le fond des lagunes est en effet composé de grands monticules à la forme bombée. Pour le géologuegéologue, pas de doute, il s’agit de stromatolites.

    Un écosystème unique dans un désert inhospitalier. © Université du Colorado, Boulder

    Une vie primitive dans l’un des endroits les plus hostiles au monde

    Ces structures, qui se présentent souvent sous la forme de boules, se composent de roches calcairescalcaires en feuillets. À l'instar des récifs coralliensrécifs coralliens, elles ont pourtant une origine biologique. Elles sont en effet construites par des communautés microbiennes. Si les stromatolitesstromatolites peuplent encore aujourd'hui certains environnements, elles sont cependant emblématiques de l'ArchéenArchéen, la plus ancienne période géologique de l'histoire de la Terre. Là où tout a commencé. Grâce à leurs constructionsconstructions minérales, les stromatolites représentent les plus anciennes traces de vie retrouvées sur Terre. Les plus anciennes datent ainsi de 3,5 milliards d’années et nous indiquent qu'à cette époque, les océans terrestres étaient déjà peuplés d’importantes colonies bactériennes. Alors que les stromatolites modernes sont généralement de petite taille, les stromatolites anciennes pouvaient en effet atteindre plus de six mètres de diamètre. Et c'est bien cette notion de taille qui a interloqué les chercheurs. Car les stromatolites des lagunes de la Puna de Atacama - certaines présentant un diamètre de 4,5 mètres - semblent bien plus proches de leurs congénères primitives que de celles des temps modernes.

    Autre particularité : leur composition. Une étude rapide a montré qu'elles étaient principalement composées de gypsegypse, un fait courant pour les stromatolites fossilesfossiles mais observé très rarement chez les spécimens actuels. Leur partie externe abrite des colonies de cyanobactériescyanobactéries, des organismes photosynthétiques, alors que leur cœur héberge des archaea, des organismes unicellulaires typiques des environnements extrêmes.

    Les chercheurs ont cassé un morceau de stromatolite (formes en dôme au fond de l'eau) pour étudier leur composition. © Brian Hynek
    Les chercheurs ont cassé un morceau de stromatolite (formes en dôme au fond de l'eau) pour étudier leur composition. © Brian Hynek

    Un véritable analogue de la Terre primitive menacé de destruction par l’industrie du lithium

    Pour Brian Hynek, qui présentera ses résultats lors du congrès de l’AGU (American Geophysical Union), ces lagunes pourraient donc présenter des caractéristiques similaires à celles de la Terre primitive : des eaux salées, acidesacides et peu profondes bombardées par de forts taux de radiations solaires. Il s'agirait donc d'un véritable laboratoire naturel pour l'étude de l'apparition et du développement de la vie sur Terre. Et potentiellement sur Mars. Car les scientifiques supposent que les conditions devaient être relativement similaires sur la Planète rouge il y a 4 milliards d'années.

    Le temps est cependant compté pour les chercheurs, car les lagunes, ces analogues modernes uniques d'un environnement primitif, sont menacées. Par l'Homme, bien sûr. Une compagnie d'extraction de lithiumlithium a en effet obtenu le droit d'exploiter le site, en réponse à la demande toujours croissante de ce nouvel or blanc essentiel à la fabrication des batteries. Ces lagunes à l'écosystème si spécial pourraient donc être détruites ou perturbées de façon irréversible d'ici quelques années.

    Salars pour l'exploitation de lithium en Argentine. © EARTHWORKS, Flickr, CC BY-NC 2.0
    Salars pour l'exploitation de lithium en Argentine. © EARTHWORKS, Flickr, CC BY-NC 2.0

    On ne peut qu'espérer que ces nouveaux résultats scientifiques encourageront les pouvoirs publics à protéger le site...