Récemment, une protestation a eu lieu contre l’exploitation du plus grand chalutier du monde à Saint-Malo. Ce projet a remis sur le devant de la scène le débat politique concernant la réglementation de la pêche, renforcé par des images dévoilées par l’association L214, montrant l’envers du décor des étales de poissons issus de cette pêche dévastatrice. Décryptage.


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    Courant février, 200 personnes se sont rassemblées à Saint-Malo pour protester contre l'exploitation du plus grand chalutier pélagiquepélagique du monde. Avec ses 143 mètres de long, qui l'empêchent de rentrer dans le port breton, le navire surnommé « Annelies Ilena » est une véritable aberrationaberration écologique. Sa mission : tracter un immense filet en forme d'entonnoir à des fins de production de surimisurimi industriel. Ce projet, bien que mené par une compagnie privée, a permis de rouvrir le débat sur cette technique de pêche condamnable sur bien des plans. 

    Image du site Futura Sciences

    L'arrivée en Bretagne du plus grand chalut pélagique du monde réouvre le débat sur une technique de pêche responsable de la majeure partie des émissions carbone du secteur. © Eric Sorenson, Shipspotting

    Un financement qui coûte aussi au climat

    Côté finances publiques, il faut savoir que la pêche industrielle est financée par le contribuable. Autrement dit, ce sont les impôts des citoyens qui payent le fuelfuel des navires de pêche, et les chalutiers sont les plus gourmands en gasoil. Ces derniers alimentent la grande distribution en poisson peu cher, lui permettant ainsi d'augmenter ses marges de bénéfices au lieu de mieux rétribuer le travail des pêcheurs.

    La startup Unseenlabs détecte les pratiques illicites en mer grâce à un réseau de satellites astucieusement positionnés. La chasse illégale ou le dégazage en mer pourraient ainsi être condamnés plus facilement par les gouvernements. © Futura

    Côté climat, les chalutiers sont responsables de 57 % des émissions de CO2 du secteur de la pêche, alors même qu'ils ne représentent pas un quart de la flotte. Les chiffres alarmants ne manquent pas concernant le changement climatiquechangement climatique et l'effondrementeffondrement des espèces sur Terre, obligeant à repenser les activités humaines pour les rendre compatibles avec les limites planétaires. Cependant, il semblerait que l'urgence ne soit pas partagée par tous, la dernière preuve étant la feuille de route pour la pêche qui vient d'être adoptée par le conseil régional de Bretagne, proposant entre autres un chalut « hydrogène » comme solution « écologique ». 

    1 000 milliards de poissons tués à bord des chaluts chaque année

    Côté éthique, les terribles images d'une enquête signée L214 viennent illustrer les propos contradictoires des industriels et des politiques. Filmées par l'association Soko Tierschutz à bord de chalutiers français et britanniques pêchant dans la Manche en 2021, elles dévoilent une pêche qui se pratique habituellement loin des regards. On y observe les longues agonies des poissons et autres animaux marins sur le pont d'un bateau. Ces derniers suffoquent durant plusieurs heures et sont mutilés encore vivants et conscients. Chaque année dans le monde, c'est plus de 1 000 milliards de poissons qui sont tués par décompression, suffocation ou découpe à vif. Ces images ont été montrées à Lynne Sneddon, la biologiste qui a prouvé l'existence de nocicepteurs, ou récepteurs de la douleurdouleur, chez les poissons. Elle rappelle ainsi le consensus scientifique autour de la sensibilité chez les vertébrés aquatiques, et condamne fermement cette technique de pêche.

    Malgré ce constat, cette méthode est maintenue et encouragée par les lobbies industriels, ignorant souverainement l'effondrement climatique et biologique en cours : à l'heure actuelle, les eaux européennes sont les plus chalutées du monde, et les eaux françaises parmi les moins protégées du Globe. Il serait grand temps d'engager une transition sociale et écologique des pêches.