Face à la modification du paysage, consécutive à la montée des eaux et au réchauffement climatique, comment convient-il d'agir ? Préserver l'existant ou laisser faire la nature ? Ce cas de conscience se pose à Hyères avec sa route du sel située sur l'un des deux cordons de sable reliant la ville à la presqu'île de Giens. Elle sera bientôt engloutie par la montée des eaux et avec elle, c'est son double tombolo, rarissime phénomène géologique, qui disparaitra ainsi que l'étang des Pesquiers où nichent les flamands roses et s'étendent les marais salants.


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    Des salins abritant une biodiversité exceptionnelle et une des plus belles plages du monde : ce paysage idyllique de la presqu'île de Giens, en Méditerranée française, est menacé par l'érosion côtière due au réchauffement climatique et contre laquelle les solutions font débat.

    Le décor est époustouflant : d'un côté la plage de l'Almanarre, classée parmi les plus belles du monde par le quotidien New York Times en 2018 ; de l'autre, des salins hébergeant une flore et faune remarquables, notamment des flamants roses. Au milieu, un ruban de quatre kilomètres occupé par la « route du sel », une voie fermée à la circulation en hiver mais où circulent, l'été, au plus fort de la saisonsaison touristique, jusqu'à 1 550 véhicules/heure. Cette route, créée en 1969, et la question de son maintien, concentrent dorénavant l'attention.

    Car, avec la hausse du niveau de l'eau liée au réchauffement climatique, elle subit chaque hiver depuis une quinzaine d'année des « coups de mer » toujours plus répétés, obligeant les autorités à déblayer le sablesable et réhabiliter la chaussée. Coût annuel pour la métropole et la mairie de Hyères : 500 000 euros.

    La plage de l'Almanarre, classée parmi les plus belles du monde par le quotidien <em>New York Times</em> en 2018. © Nicolas Tucat, AFP
    La plage de l'Almanarre, classée parmi les plus belles du monde par le quotidien New York Times en 2018. © Nicolas Tucat, AFP

    Préserver ou laisser faire la nature ?  

    Des frais devenus trop conséquents pour cette ville de 56 000 habitants du sud-est de la France qui a retenu l'idée d'une digue sous-marine de 400 mètres de long et 10 mètres de large, à 150 mètres du trait de côte et un mètre au-dessous du niveau de la mer, face à la plage de l'Almanarre. La mairie avance un coût de 2,5 millions d'euros amortissable entre 9 et 11 ans.

    L'objectif est de maintenir cette « exception mondiale [qui constitue] la véritable identité du territoire hyérois », confie à l'AFP son maire Les Républicains (droite) Jean-Pierre Giran, en se référant aux deux cordons littoraux reliant Giens au continent avec, au milieu, l'étang des Pesquiers. Ce « double tombolotombolo » est un phénomène géologique rarissime : il n'en existe qu'une poignée au monde et seulement trois en Méditerranée.

    Une « question philosophique », lui répond l'association Hyères écologieécologie citoyenne : « On ne va pas se battre contre la nature à coups de bétonbéton ! Elle a été détraquée par l'Homme, faisons avec désormais », estime son animateur Benoît Guérin, également membre du comité d'orientation de l'Office français de la biodiversité. Un avis partagé par le Conservatoire du littoral, gestionnaire des salins menacés, qui « souhaite artificialiser le moins possible cet espace naturel ».

    Limiter le tourisme de masse

    L'État a également mis son grain de sel. Instance chargée de conseiller le gouvernement, le Conseil général de l'environnement et du développement durabledéveloppement durable a publié mi-2022 un rapport sur lequel s'appuient les opposants, et qui accuse la route du sel, « récente historiquement », de n'avoir « qu'aggravé la fragilité du tombolo ».

    Voir aussi

    Dossier : La posidonie, un miracle en Méditerranée

    Pire, il questionne les « bénéfices réels » d'une digue sous-marine qui in fine déplacerait l'érosion côtière à ses extrémités, sur les herbiers de posidonies, ces forêts sous-marines précieuses pour limiter... cette érosion.

    Le rapport suggère aussi une autre approche de développement, moins focalisée sur le tourisme de massemasse. Peuplée de 3 000 habitants permanents, la presqu'île de Giens accueille près d'un million de visiteurs par an. Benoît Guérin préconise la fermeture de la route du sel, pour « limiter les visites du lieu », sur le modèle de l'île voisine de Porquerolles où, depuis 2021, une jauge de 6 000 visiteurs journaliers a été instaurée. « Parallèlement, avançons sur la mobilité douce : faisons garer les voituresvoitures en amont du site », suggère-t-il. Le projet de digue reste pour le moment embourbé : l'État attend de nouvelles études avant toute décision.