Les 42.000 platanes du canal du Midi sont amenés à disparaître quoi qu’il puisse arriver. Afin de conserver le caractère monumental de l’ouvrage et son inscription au patrimoine de l'Unesco, un projet de restauration du patrimoine végétal vient d’être validé. Les essences végétales de remplacement ont déjà été présélectionnées. Le choix final se fera dans une dizaine d’années.


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    Des platanes abattus sur le canal du Midi. Construit entre 1666 et 1681, cet ouvrage est l'un des plus vieux canaux d'Europe. © Pascal Guyot, AFP Photo

    Des platanes abattus sur le canal du Midi. Construit entre 1666 et 1681, cet ouvrage est l'un des plus vieux canaux d'Europe. © Pascal Guyot, AFP Photo

    Le canal du Midi, chef-d'œuvre mondial, pourrait présenter un aspect différent dans quelques dizaines d'années, lorsque les 42.000 platanes le bordant uniformément auront tous été abattus et remplacés par une diversité d'essences. Qu'elles soient locales ou exotiquesexotiques, elles auront toutes un point en commun : une résistancerésistance au mal qui dévore les arbres actuels.

    Les platanes flanquant l'ouvrage inscrit au patrimoine de l'humanité depuis 1996 sont attaqués depuis 2006 par le chancre coloré, une maladie causée par un champignon (le Cerastocystis platani) contre laquelle il n'existe aucun traitement et qui progresse à vitessevitesse exponentielle. Seul le secteur entre Toulouse et Castelnaudary est pour l'instant épargné. Les experts estiment plus que vraisemblable que les arbres devront être arrachés dans leur totalité.

    Voies navigables de France (VNF), gestionnaire du canal construit à la fin du XVIIe siècle par Pierre-Paul Riquet pour relier la Garonne et la Méditerranée, a déjà engagé plusieurs campagnes d'arrachage (3.000 arbres prévus en 2013) et de replantation dans les zones les plus touchées. Si rien n'était fait, ce serait l'inscription au patrimoine de l'Unesco qui pourrait être remise en cause.

    Le canal du Midi traverse 65 écluses et compte 7 ponts-canaux. Les platanes le bordant ont en moyenne 200 ans. © Michiel1972, <em>Wikimedia common</em>, CC by-sa 3.0
    Le canal du Midi traverse 65 écluses et compte 7 ponts-canaux. Les platanes le bordant ont en moyenne 200 ans. © Michiel1972, Wikimedia common, CC by-sa 3.0

    Canal du Midi : un caractère monumental à préserver

    Le mal a conduit VNF à élaborer un projet de restauration du patrimoine végétal. Ce travail vient de recevoir le feufeu vert de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages, institution dépendant du ministère de l'Environnement. Il conserve au canal le double alignement d'arbres qui le longe et ainsi son caractère « monumental » et sa « cohérence » esthétique, explique à l'AFP Jacques Noisette, des VNF.

    Le projet, pour lequel VNF s'est entouré d'experts en patrimoine et en arboriculture, répond aux exigences de l'Unesco et a retenu les « enseignements de l'histoire », dit-il. Pas question de replanter une seule et même espèce qui serait susceptible d'être victime d'une épidémie incurable. Sur 40 % du linéaire à traiter (270 km au total), VNF plantera des sections d'une espèce dite « jalon ». Les sujets devront être de « grande taille pour restituer à terme l'effet de colonnade et de voûte arborée » du canal du Midi. Ils devront être espacés de 7 ou 8 m. L'essence jalon devra aussi être « insensible aux pathologies déjà connues ou déclarées » et « apte à vivre 200 ans au moins ».

    Une phase d’expérimentation de 10 ans

    Peu d'essences répondent à autant de critères. Sept espèces pour la plupart absentes des régions françaises ont donc été présélectionnées, comme le copalme d'Orient, le chêne des Canaries ou le tilleultilleul argenté. Le platanor, essence résistante au chancre mise au point par l'Inra et déjà utilisée sur les chantiers de replantation, est également préchoisi. Ce n'est qu'après une phase d'expérimentation et de suivi sur une dizaine d'années que l'essence jalon unique sera sélectionnée. « On procède comme nos prédécesseurs », dit Jacques Noisette. Au XIXe, le gestionnaire du canal avait planté de manière très progressive et après de multiples expérimentations une espèce majoritaire et elle aussi exotique, le platane, d'un bout à l'autre du canal.

    Sur les 60 % du linéaire restants, le projet prévoit des essences choisies parmi des espèces déjà éprouvées dans les régions traversées, comme le chêne chevelu, le peuplier blanc, le pin d'Alep ou le micocouliermicocoulier. Moins grands que l'espèce jalon, ces arbres auront tout de même une taille respectable. Les éclusesécluses et divers ouvrages qui jalonnent le canal seront eux mis en valeur par des essences et des structures particulières. Les zones urbaines feront l'objet d'aménagements spécifiques.

    Il s'agit d'un projet à long terme dont le financement, sujet épineux entre l'État et les collectivités, reste à trouver, dit Jacques Noisette. Son coût a été estimé à 200 millions d'euros sur 10 à 15 ans.