Distante de seulement 12 années-lumière de nous, l’étoile Tau Ceti avait enthousiasmé bon nombre d'amateurs d'ouvrages de fiction, intérêt redoublé après l'annonce de la découverte de cinq exoplanètes en décembre 2012. Malheureusement, une étude récente sur l’évolution de cette étoile suggère que l’habitabilité de deux des superterres détectées autour doit être remise en cause.

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    Popularisée par de nombreux récits de science-fiction et de séries cultes comme Star Trek, l'étoile Tau Ceti avait déjà été choisie par l'astrophysicienastrophysicien Frank DrakeDrake (père de la fameuse équation qui porteporte son nom), avec epsilon Eridani, dans le cadre de son programme Ozma (précurseur de Seti) à la recherche de signaux radio émis par une civilisation extraterrestre. Son capital de sympathiesympathie augmenta lorsque fut annoncé, fin 2012, que cinq exoplanètes lui gravitent autour, dont deux seraient situées dans sa zone habitable. De quoi exciter les imaginations.

    Avec une magnitude de 3,5, Tau Ceti (τCeti) est parfaitement visible à l'œilœil nu dans la constellation de la Baleine (Cetus). Un peu moins grosse et massive que notre SoleilSoleil, elle n'est éloignée que de seulement 11,9 années-lumièreannées-lumière de nous. Bien entendu, cette proximité a largement contribué à sa célébrité (voir ici la liste de romans, nouvelles, séries et films qui y font référence). La 19e étoile la plus proche de nous apparaiît en effet comme un très bon candidat à explorer dans notre voisinage galactique.

    Un zone habitable fluctuante

    Malheureusement pour tous ceux qui espéraient y détecter un jour la présence de formes de vie, l'éventualité vient d'être remise en cause par une équipe de l'université de l'état de l'Arizona dans un article publié dans The Astrophysical Journal. En développant un modèle sur l'évolution de ce système extrasolaireextrasolaire basé sur les caractéristiques physiquesphysiques de Tau Ceti, les chercheurs ont remarqué que cette étoile de type spectral G8 a connu d'importantes variations de luminositéluminosité au cours de sa longue histoire. Ainsi les superterressuperterres Tau Ceti e et f, décrites comme présentes dans la zone d'habitabilitézone d'habitabilité de leur étoile-parent, ont-elles pu en être exclues dans le passé.

    « La planète e est dans la zone habitable seulement dans une hypothèse généreuse, commente Michael Pagano, postdoc à l'ASU (Arizona State University) qui a dirigé ces recherches. Initialement la planète f apparaît plus prometteuse, mais les modélisationsmodélisations de l'évolution de l'étoile rendent vraisemblable qu'elle s'est déplacée dans la zone habitable récemment à mesure que Tau Ceti est devenue plus lumineuse (...) » Récemment, c'est-à-dire il y a moins d'un milliard d'années... Il est vrai que cela peut paraître long (et suffisant), mais les chercheurs rappellent que dans le cas de notre biosphèrebiosphère, laquelle a vu apparaître la vie à sa surface il y a au moins 3,8 milliards d'années, il a fallu attendre environ 2 milliards d'années que les changements dans la chimiechimie de notre atmosphèreatmosphère créés par l'activité biologique balbutiante deviennent détectables...

    Illustration du système Tau Ceti, situé à 12 années-lumière de la Terre. Il y aurait cinq exoplanètes autour de cette étoile visible à l’œil nu dans la constellation de la Baleine. Les deux superterres présentes dans la zone habitable ne le seraient que depuis moins d’un milliard d’années. © J. Pinfield (RoPACS network at the University of Hertfordshire, 2012)

    Illustration du système Tau Ceti, situé à 12 années-lumière de la Terre. Il y aurait cinq exoplanètes autour de cette étoile visible à l’œil nu dans la constellation de la Baleine. Les deux superterres présentes dans la zone habitable ne le seraient que depuis moins d’un milliard d’années. © J. Pinfield (RoPACS network at the University of Hertfordshire, 2012)

    Une géomorphologie qui pourrait être très différente de la Terre

    En étudiant la métallicitémétallicité de τ Ceti, l'équipe a trouvé un rapport du magnésiummagnésium au siliciumsilicium de 1,78, ce qui est 70 % supérieur à celui de notre Soleil (1,2). Cela implique que les astresastres formés autour d'elle dans son enfance, il y a quelque 10 milliards d'années, à partir des poussières et de gazgaz présents, arborent des propriétés physiques différentes de celles qui sont communes dans notre Système solaireSystème solaire. « Les planètes de Tau Ceti pourraient très bien être dominées par l'olivine dans des régions peu profondes du manteaumanteau avec des couches inférieures dominées par la ferropériclase » estime le géophysicien Sang-Heon Shim, qui a collaboré à l'étude. Ce matériaumatériau aussi appelé magnésiowüstitemagnésiowüstite, moins visqueux et résistant, peut en l'occurrence avoir de profondes conséquences sur le volcanismevolcanisme et la tectonique des plaques. Le chercheur souligne à cet effet que « cela nous rappelle que les processus géologiques sont fondamentaux pour comprendre l'habitabilité d'une planète ».

    Mais il n'est nul besoin de s'attrister. Comme le rappelle son collègue Michael Pagano dans sa conclusion « (...) même si la vie autour de Tau Ceti est peu probable, [ce résultat] ne devrait pas être considéré comme une déception, mais devrait plutôt revigorer nos esprits, en montrant combien les planètes exotiquesexotiques sont probables dans le vaste universunivers ».

    Pour ce qui est de la recherche de la vie ailleurs, au sein d'autres mondes, dans notre Système solaire et au-delà, la NasaNasa est loin de baisser les bras. Il y a une semaine environ, Ellen Stofan, directrice scientifique à l'agence spatiale américaine, avait déclaré : « je pense que nous allons avoir des indications fortes que de la vie existe au-delà de la Terre d'ici une décennie et que nous aurons des preuves définitives dans 20 à 30 ans ». Tout récemment, la Nasa vient d'annoncer la création de NExSS (Nexus for Exoplanet System Science), brillant collectif de scientifiques de divers horizons et domaines.

    Dans le communiqué de presse, Jim Green, directeur des sciences planétaires à l'agence spatiale, explique que « cet effort interdisciplinaire relie les meilleures équipes de recherches et fournit une approche synthétisée dans la recherche des planètes ayant le plus grand potentiel de signes de vie » poursuivant que « la chasse aux exoplanètes n'est pas seulement une priorité pour les astronomesastronomes, c'est aussi d'un très grand intérêt pour les planétologues et climatologuesclimatologues ». Les prochains épisodes s'annoncent passionnants.