Un simple gadget sur Internet se révèle capable d’anticiper la progression d’une épidémie virale sur le sol américain. Il est aujourd’hui mis à profit pour aider à combattre la grippe A/H1N1.

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    Bouquet de dollars. Source Photosearch

    Bouquet de dollars. Source Photosearch

    En 1998, Hank Eskin, un internaute américain, s'est mis en tête de créer un site tout à fait farfelu et inutile, mais ludique. Lancé en décembre de la même année, Where's George ? (Où est George ?) invitait tous les résidents américains et canadiens à communiquer, sur une page Web, les numéros de série des billets de 1 dollar qu'ils pouvaient avoir entre leurs mains. George n'est autre que George Washington, dont l'effigie orne ces coupures. Le but était de retracer le chemin parcouru par ces devises au fur et à mesure de leurs échanges à travers tout le pays, à condition bien sûr qu'un grand nombre d'utilisateurs souscrivent à l'action.

    Le succès fut immédiat et on estime que 140 millions de coupures ont été enregistrées sur le site depuis son ouverture. Une base de données aussi considérable ne pouvait manquer d'intéresser les scientifiques. Une équipe dirigée par Dick Brockemann, de la Northwestern University, l'a utilisée pour établir un modèle des déplacements de la population américaine. Après tout, hommes, femmes et billets de banque suivent habituellement le même chemin...

    L'idée de Dick Brockemann fut alors de collationner les schémas de déplacement ainsi établis aux données des transporteurs aériens, afin de construire non plus un simple relevé des déplacements des populations, mais bien un modèle de propagation des épidémiesépidémies.

    Du billet vert au virus

    Cette carte dynamique s'avère d'un grand secours pour les épidémiologistes, car elle ne se contente plus de prévoir le nombre de malades, mais détermine avec précision les zones à risque. Et elle se révèle étonnamment fiable, puisqu'en ce qui concerne le virus A/H1N1, elle prévoyait 160 cas pour le dimanche 3 mai alors que 220 ont été réellement recensés aux Etats-Unis à la même date.

    La réalité devrait toutefois s'avérer inférieure aux prévisions pour la période à venir, selon Alain Barrat, du CNRS (Centre de physiquephysique théorique de Marseille), interrogé par Le Monde, car le scénario ainsi construit ne prend pas en compte les efforts entrepris pour contrer l'épidémie, ni les réactions des populations, dont le comportement joue un rôle central dans la propagation d'une épidémie.

    Toujours sur la base du déplacement des populations... et de ses billets de banque, l'équipe de Dick Brockemann prévoit de 600 à 700 cas pour le 14 mai aux Etats-Unis et de 2.000 à 2.200 cas pour le 28 mai.

    En Europe, nous n'avons pas connaissance d'une telle prévision. Cependant, les moyens existent puisque le site EuroBillTracker, lancé en 2002, suit à la trace plus de 60 millions de billets. Alors si vous voulez participer activement à l'étude de la propagation des épidémies, vous savez ce qu'il vous reste à faire...