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Merci à Futura-sciences de m'accueillir aujourd'hui ; je le fréquente depuis ses débuts et y ai fait de bien belles rencontres. 

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Biographie

J'ai fait toutes mes études débutées en 1957, et ensuite ma carrière scientifique à l'Université des Sciences de Montpellier dans l'Institut des Sciences de l'Évolution (ISEM) fondé par Louis Thaler. Toute ma carrière s'est effectuée au CNRS, d'abord comme contractuel, puis fonctionnaire à compter de 1984. 

Mes travaux de fouilles m'ont successivement conduit à travailler d'abord dans le Sud de la France et en Espagne, puis en Bolivie et au Pérou, ensuite en Roumanie, en Afghanistan, au Pakistan, aux Indes, en Mongolie et en Algérie et Tunisie. À ces recherches de prospection sur le terrain pour trouver de nouveaux fossilesfossiles, se sont ajoutées de nombreuses visites dans des musées et universités de divers pays où sont accumulés des collections de fossiles déjà étudiés et devenus de véritables références. C'est en Suisse au Musée d'histoire naturelle de Bâle que j'ai fait mes premières recherches pour consulter ses collections de rongeursrongeurs ; en Allemagne c'est dans celui de Mayence et au Senckenberg Museum de Francfort que j'ai pu étudier des spécimens de Messel, ce magnifique gisementgisement de l'Éocène, puis à l'Université de Munich ; à Bruxelles, à l'Institut Royal d'Histoire Naturelle on trouve les plus anciens rongeurs d'Europe autrefois étudiés par Teilhard de Chardin ; en Suède, l'Université d'Uppsala abrite les collections de l'OligocèneOligocène de Mongolie récoltées par Bigher Bolhin dans les années 1930 ; aux États Unis, l'American Museum de New York et le Carnegie Museum de Pittsburgh sont de véritables paradis pour les paléontologuespaléontologues de tout âge et spécialité.

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Dents de Rongeurs fossiles - Les molaires de rongeurs fossiles ont constitué des années durant le quotidien de mes travaux de paléontologue : au travers d’études biométriques, leur morphologie  définit les espèces découvertes dans les gisements d’âge différent. Jusqu’aux années 1990, avant que la photographie numérique ne devienne d’usage courant, l’illustration des patrons dentaires de mammifères fossiles destinée à compléter les descriptions dans les publications scientifiques était confiée à des artistes naturalistes spécialisés. C’est ainsi que s’est développé depuis Georges Cuvier (1769-1832) un art du dessin des dents de mammifères fossiles. Souvent ces artistes s’aidaient d’une chambre claire (camera lucida) et d’un microscope stéréoscopique : les dents figurées ici mesurent entre 1 et 2.5 mm. Ces dessins sont extraits d’une de mes publications (J.-L Hartenberger, 1973, Étude systématique des Theridomyoidea, Mémoire de la Société géologique de France). L’artiste est Monsieur Remy qui aidé de son seul crayon a enluminé de son talent les travaux de notre laboratoire de 1963 à sa  disparition. © JL Hartenberger

Dans toutes ces institutions où l'on se rend pour étudier des collections de fossiles, il est deux lieux d'échanges et de rencontres très importants : la cafeteria et la bibliothèque. On y croise certes d'autres paléontologues, mais aussi des zoologisteszoologistes, des botanistesbotanistes, géologuesgéologues et tant d'autres spécialistes. Ces rencontres ouvrent l'esprit, génèrent des collaborations, et le projet de plus d'une réunion scientifique future est né dans un de ces lieux.

Toutes ces études et rencontres m'ont conduit à rédiger de nombreux articles scientifiques en collaboration et aussi  à organiser des réunions pluridisciplinaires.

Et puis les visiteurs des autres pays ont été nombreux à venir nous rendre visite à Montpellier. Notre climatclimat, son soleilsoleil et nos vins ne sont pas étrangers à cet enthousiasme pour notre équipe de paléontologues ! Et nous leur savons gré de nous avoir fait bénéficier de leur expérience et de leur savoir dont notre ignorance s'est nourrie : on ne naît pas savant, c'est en copiant les autres que peu à peu se révèlent quelques parcelles de savoir que l'on ne tarde pas à s'attribuer.

Il faut aussi souligner que la lecture de livres et d'articles scientifiques, non seulement de paléontologiepaléontologie mais plus généralement de biologie évolutive, a toujours pris une large place dans ma vie quotidienne. Ma plus belle découverte reste dans ce domaine la réédition de l'Origine des espècesespèces dans une collection très abordable sur l'étal des éditions Maspero il y a maintenant plus de 50 ans ! Cet ouvrage phare de DarwinDarwin est accessible à chacun et ce « long argument » comme le qualifie l'auteur reste une lecture passionnante de bout en bout et n'a rien perdu de sa modernité.

Mon travail journalier de paléontologue qui me conduisait à rédiger des articles très spécialisés, voire abscons, m'a toujours semblé par trop élitiste. Aussi me suis-je efforcé de rédiger assez régulièrement des articles de vulgarisation scientifique dans différentes revues françaises (Pour la Science, La Recherche, Sciences et Vie) et dans l' Encyclopaedia Universalis pour informer un large public des avancées et découvertes récentes réalisées dans notre discipline. Enfin, alors que s'achevait ma carrière scientifique « officielle » au CNRS, j'ai écrit 3 livres : Une brève histoire des MammifèresMammifères. Bréviaire de mammalogiemammalogie (Belin, 2001) Prix Jean RostandJean Rostand ; Grandeurs et décadences de la girafegirafe (Belin, 2010) ; Nous les Mammifères (Le Pommier, 2013).

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métier

Le métier de paléontologue Je suis venu à la paléontologie des mammifères grâce à Louis Thaler : en 1962, ce jeune évolutionniste darwinien m’invita à partager l’étude de rongeurs fossiles du Miocène de Catalogne (11 ma) qu’il avait entrepris. Puis pour rédiger une thèse, ce furent des rongeurs plus anciens qui devaient en être l’objet. A travers ces travaux, au demeurant très analytiques puisqu’il s’agissait de décrire et mesurer de minuscules dents fossiles et d’effectuer donc des études de biométrie, s’est ouvert un nouvel univers que jusque là j’ignorais : les molaires de ces petits animaux doivent adapter leurs qualités de broyage aux ressources végétales des milieux où ils vivent. Au gré des variations climatiques, le couvert végétal qui les abrite et les nourrit se modifie, et par là même ce qu’il offre, graines, tiges, feuillages, fruits, présente des qualités abrasives qui varient au cours du temps. Comme l’a si bien dit Cuvier : « Montrez moi vos dents, je vous dirai ce que vous mangez ! ». Et au cours du temps, on constate des modifications de la morphologie des molaires au fur et à mesure que se transforment les paysages végétaux. Au final ce sont donc les variations climatiques d’échelle globale qui affectent l’environnement des espèces et « orientent » l’évolution. Après ce premier constat, encore fallait-il s’assurer de sa pertinence par l’étude des populations actuelles de rongeurs dans différents milieux. Eu égard l’ampleur de la tâche, il a donc fallu que notre équipe naissante de paléontologues s’entoure des compétences nécessaires dans divers domaines : écologie, éthologie, génétique des populations, botanique. Grâce à cette collaboration pluridisciplinaire, des aller retour entre études du passé et études de l’actuel, en droite ligne de l’approche qu’a recommandé Georges Cuvier voici plus de deux siècles, nous ont ouvert la voie d’une compréhension globale et historique de l’évolution des Rongeurs depuis les premiers temps du Tertiaire voici 55 ma, alors que l’on en trouve les premiers témoins dans les gisements de cet âge, jusqu’au Pléistocène, période des grandes glaciations, où ils côtoient les premier hominidés. Je dois souligner que ce travail et cette approche ne furent pas, loin de là, une aventure isolée, réservée au seul laboratoire de Montpellier : nous avons bénéficié de la collaboration et des critiques de très nombreux paléontologues et zoologues de nombreuses et diverses institutions et pays portés par les mêmes ambitions. Étudier l’évolution des mammifères à l’échelle géologique était dans l’air du temps. N’oublions pas en premier lieu qu’il se trouve que les Rongeurs sont le groupe le plus diversifié de tous les mammifères : plus de 2000 espèces alors que les Mammalia en rassemblent 5000. Ensuite, il faut souligner que des années 60 jusqu’à aujourd’hui, le courant de pensée qui souhaite mettre en lumière les modalités et mécanismes d’évolution qui sous tendent les transformations morphologiques observées chez ces petits animaux n’a fait que se nourrir et enfler, rejoint par des partenaires nouveaux qui empruntent aux techniques les plus modernes : biologie moléculaire et génomique, embryologie. Aussi plus de 50 ans après qu’il ait vu le jour, le laboratoire de Montpellier qui se consacre à l’étude des rongeurs fossiles et vivants et d’autres mammifères est toujours sur la brèche et à la pointe de la recherche. Il se nourrit d’une réflexion et approche darwinienne, éternel gage de modernité parce qu’elle explique et montre à l’envi quelles modalités, rythmes et transformations qui surgissant sous nos yeux à différentes échelles de temps modifient le cours du vivant. Chacune de ces démonstrations peut paraître incomplète, insuffisante à combler d’aise les esprits partisans. Mais leur accumulation et la rigueur de toutes forment une théorie qu’il devient chaque jour plus difficile de combattre : oui les animaux se transforment et les conditions de vie orientent ces transformations ; la sélection naturelle, la pression de sélection, ne sont pas que des mots.