Le nucléaire représente aujourd'hui les deux tiers de la production énergétique française. Un chiffre impressionnant, mais impossible à atteindre sans l'uranium, un métal exclusivement extrait à l'étranger, dont la France est complètement dépendante. Alors que le nucléaire est présenté comme la clé de notre indépendance énergétique, d'où vient cet élément indispensable au bon fonctionnement des centrales nucléaires françaises ? 


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    Aujourd'hui, en France, 69% de l'énergie produite est d'origine nucléaire. L'hexagone possède le second parc nucléaire mondial avec 56 réacteurs : c'est, certes, beaucoup moins que les 93 réacteurs américains, mais un peu plus que le Canada qui en possède 53. Bref, qu'on soit pour ou contre, l'énergie nucléaire est aujourd'hui un incontournable français, qui ne fonctionnerait pas sans un métal bien particulier : l’uranium. Mais alors, d'où viennent les 8 000 tonnes de cet élément que notre pays consomme annuellement ? Intéressons-nous d'abord à un point essentiel : l'uranium, qu'est-ce que c'est, et à quoi ça sert dans la production d'énergie nucléaire ?

    L'uranium : un métal radioactif indispensable à la production d'électricité nucléaire

    L'uranium est un métal radioactif que l'on trouve dans le sous-sol de la Terre. La croûte terrestrecroûte terrestre en contient en moyenne 2 à 3 grammes par tonne, ce qui en fait un élément relativement courant. C'est aussi le plus lourd de tous les éléments. Il se décompose en deux isotopes : l'uranium 238 à 99,3 %, et l'uranium 235 à 0,7 %. Mais, pour être utilisé dans les centrales, l'uranium doit comporter 3 à 5 % d'uranium 235 ! C'est pourquoi on se sert d'uranium préalablement « enrichi » comme combustible dans la production d'énergie électronucléaire : l'instabilité du noyau de l'uranium 235 facilite la fission des atomes lourds, ce qui produit une énorme quantité d'énergie sous forme de chaleurchaleur, qui vient chauffer de l'eau et produire de la vapeur. Cette vapeur entraîne ensuite une turbine connectée à un générateurgénérateur électrique, produisant ainsi de l'électricité. Mais, avant de pouvoir exploiter les propriétés de l'uranium, il faut surtout l'extraire...

     L’eau de mer en contient environ 3,3 milligrammes d'uranium par tonne. © 169169, Adobe Stock
    L’eau de mer en contient environ 3,3 milligrammes d'uranium par tonne. © 169169, Adobe Stock

    Une politique de diversification de l'approvisionnement en uranium

    En France, la dernière mine d'uranium a fermé en 2001. Aujourd'hui, des gisementsgisements subsistent en Vendée et dans le Limousin, mais ils sont en voie d'épuisement. La France est donc complètement dépendante des importations étrangères, et a dû prendre des dispositions afin de sécuriser son stock. Depuis les années 2000, le gouvernement a entamé une politique de diversification de l'approvisionnement. D'après les chiffres transmis par le comité technique Euratom (CTE) au Monde, entre 2005 et 2020, les 138 230 tonnes d'uranium naturel importées vers la France provenaient en grande partie des quatre pays suivants :

    • Le Kazakhstan : 27 748 tonnes (soit 20,1 %)
    • L'Australie : 25 804 (18,7 %)
    • Le Niger : 24 787 (17,9 %)
    • L'Ouzbékistan : 22 197 (16,1 %)

    EDF, qui gère la production électronucléaire en France, ne fournit pas de liste de ses fournisseurs ou de chiffres précis, mais le Canada et la Namibie font également partie des pays exportateurs d'uranium. Enfin, si aucun uranium naturel ne sort de Russie, une étude menée par l’ONG Greenpeace et publiée en mars dernier a montré que cette dernière fournit une part non négligeable d'uranium déjà enrichi, et ce malgré l'embargo russe effectif depuis le début de la guerre en Ukraine : « En 2022, la Russie a livré un tiers de l'uranium enrichi nécessaire au fonctionnement des centrales nucléairescentrales nucléaires françaises pendant un an. » En théorie, l'approvisionnement de la France est donc assuré : ses sources sont suffisamment diversifiées pour que le pays ne souffre pas des risques géopolitiques, économiques et environnementaux associés à certains pays et régions.

    Carte des réacteurs nucléaires EDF en exploitation en 2022. © Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire
    Carte des réacteurs nucléaires EDF en exploitation en 2022. © Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

    Notre consommation actuelle d'électricité nucléaire assurée pour 250 ans !

    Même si une catastrophe sans nom devait interrompre toutes les importations d'uranium depuis l'étranger, la France dispose de ressources non-négligeables :  des réserves suffisantes pour les trois prochaines années ! Teva Meyer est chercheur spécialiste du nucléaire civil à l'université de Haute-Alsace à Mulhouse. A France TV5 Monde, il explique que « la France, comme l'Europe, dispose en outre de stocks stratégiques d'uranium à toutes les étapes de la transformation, l'équivalent de deux années de consommation. » En 2022, le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères affirmait qu'à « ces stocks gérés par EDF, s'ajoutent également les réserves d'uranium présentes sur le territoire national, sous différentes formes. [...] En 2019, les réserves reconnues d'uranium naturel étaient évaluées à plus d'un siècle de consommation selon les besoins actuels ». On peut aussi compter sur « la présence de gisements, dont l'existence est connue ou très vraisemblable, au regard des considérations géologiques, ainsi que les ressources supplémentaires accessibles à des coûts d'extraction considérés comme raisonnables. » En résumé : « la consommation actuelle pourrait être assurée pendant 250 ans », surtout si l'on prend en compte le fait qu'actuellement, 10 % de l'électricité nucléaire française est produite à partir de combustibles recyclés. Reste que les tensions géopolitiques actuelles et la catastrophe écologique pointent tout de même la nécessité de diminuer notre dépendance vis-à-vis des ressources minières et de développer des réacteurs moins gourmands en matièresmatières premières ou, mieux, de se tourner vers des sources d'énergie renouvelablesénergie renouvelables.