En 1989, des chercheurs d’IBM étaient déjà parvenus à manipuler les atomes individuellement, écrivant avec 35 d'entre eux le nom de leur compagnie. Aujourd’hui, ils réalisent un véritable film d’animation avec des molécules d’oxyde de carbone. La performance vient d’entrer dans le fameux livre Guinness des records.

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    Le 29 septembre 1989, à l'IBM Almaden Research Center de San José, dans un petit laboratoire avec un équipement high-tech dans les collines de la Silicon ValleySilicon Valley, Don Eigler et E. K. Schweizer stupéfièrent le monde en réussissant à manipuler un à un des atomes de xénon pour écrire les lettres I, B et M sur une surface métallique. Ce n'était qu'un début. Certains y virent le commencement de la réalisation des prédictions faites depuis un moment déjà par l'ingénieur américain Eric Drexler. Il les avait exposées dans un livre paru en 1986, Engines of Creation.


    Les ingénieurs d'IBM ont réalisé 242 images en déplaçant des milliers de molécules de monoxyde de carbone avec un microscope à effet tunnel. En enchaînant ces images, ils obtiennent le plus petit dessin animé du monde. © IBM, YouTube

    Un microscope à effet tunnel pour déplacer les atomes

    L'intérêt pour ce que l'on appelle aujourd'hui les nanotechnologies ne fit que croître depuis lors. IBMIBM vient de prouver qu'il restait toujours l'un des grands explorateurs du nanomonde en mettant en ligne une série de vidéos impressionnantes. Elles montrent qu'il est possible de réaliser une sorte de dessin animé à partir de figures constituées de quelques dizaines de molécules de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone. Déposées sur une plaque de cuivre et tout à la fois déplacées et visualisées avec un microscope à effet tunnelmicroscope à effet tunnel, ces molécules refroidies à -268 °C ont permis aux ingénieurs d'IBM de fabriquer 242 images. Agrandies 100 millions de fois, ces images qui défilent narrent les aventures d'un jeune garçon dans le nanomonde.


    Découvrez dans cette vidéo les secrets du tournage du plus petit dessin animé au monde. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En passant simplement la souris sur le rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK ». © IBM, YouTube

    Une maîtrise du nanomonde rêvée par Feynman

    De nouveau, la performance ne peut que renforcer la confiance que des gourous du transhumanismetranshumanisme comme Ray Kurzweil placent dans les progrès des nanotechnologies et de l'informatique. Selon eux, ils vont radicalement changer notre monde dans moins de 50 ans, et tout sera possible ou presque si on les prend au sérieux.

    Ce qui est sûr, c'est qu'Eric Drexler n'a fait que tirer les conséquences logiques d'une conférence donnée en 1959 par le légendaire Richard Feynman à la réunion annuelleannuelle de l'American Physical Society. Intitulée There's Plenty of Room at the Bottom (il y a plein de place au fond), cette conférence est souvent considérée comme la feuille de route des nanotechnologiesnanotechnologies.

    Le futur prix Nobel de physique y lançait notamment un défi doté d'un prix de 1.000 dollars : la constructionconstruction d'un moteur électrique tenant dans un cube de 6,35 mm d'arête. Onze mois plus tard, l'ingénieur William McLellan remporta la mise en construisant un moteur de 250 mg tournant à 2.000 tours par minute, et fait de 13 pièces.

    Atomes de xénon déposés par un microscope à effet tunnel sur du nickel par des chercheurs d'IBM. © D. M. Eigler, E. K. Schweizer

    Atomes de xénon déposés par un microscope à effet tunnel sur du nickel par des chercheurs d'IBM. © D. M. Eigler, E. K. Schweizer

    Collègue et ami de von Neumann et Ulam à Los Alamos pendant le projet Manhattan, et lui-même à la tête d'un groupe chargé de faire fonctionner des calculatrices pour la mise au point de l'arme atomique, Feynman était fort bien placé pour comprendre la puissance de l'informatique alors naissante, mais aussi l'inconvénient représenté par des ordinateursordinateurs occupant des bâtiments entiers. Inspiré par l'exemple des systèmes biologiques, dont les analogiesanalogies avec les ordinateurs avaient déjà été notées par von Neumann et Ulam, il proposa de manipuler les atomes un par un pour construire des ordinateurs et des moteurs de taille nanométrique.

    Les idées d’Eric Drexler sur les nanotechnologies sont présentées dans son ouvrage de 1986, <em>Engines of Creation</em>. © David Orban, Wikipédia, cc by 2.0

    Les idées d’Eric Drexler sur les nanotechnologies sont présentées dans son ouvrage de 1986, Engines of Creation. © David Orban, Wikipédia, cc by 2.0

    Vers des mémoires magnétiques nanométriques

    Drexler prit connaissance du compte-rendu de cette conférence en 1979 et commença à explorer l'idée de manipuler la matièrematière à l'échelle des atomes et des molécules pour réaliser des exploits jusque-là impossibles. On pouvait par exemple imaginer réparer des cellules à l'aide de nanorobots fonctionnant à l'aide de nanomoteurs.

    Les chercheurs d'IBM se contentent plus modestement d'essayer de miniaturiser autant que faire se peut les mémoires magnétiques des ordinateurs, comme l'illustrent leurs vidéos. L'année dernière, ils avaient ainsi annoncé être parvenus à stocker un bit d'information avec 12 atomes, alors qu'il en faut couramment environ un million.