Après dix ans de travaux, une équipe d’astrophysiciens vient de répertorier les systèmes planétaires les plus ressemblants à notre Système solaire. En plus de planètes similaires à la Terre, les systèmes répertoriés dans leur Kepler Giant Planet Search comportent au moins une géante gazeuse de taille similaire à Jupiter ; cette dernière est en effet suspectée d’avoir fortement impacté la structure de notre Système solaire… et peut-être l’apparition de la vie sur Terre.


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    Notre Système solaire est le seul système planétaire dans lequel nous savons que la vie s'est développée ; c'est ainsi notre seul exemple de départ pour rechercher d'éventuels analogues susceptibles d'abriter des mondes habitables. Il présente également des caractéristiques supposées particulières, au vu des autres systèmes aujourd'hui détectés : il contient par exemple quatre petites planètes rocheuses (Mercure, VénusVénus, la Terre et Mars) dans sa partie interne, et quatre géantes gazeuses (JupiterJupiter, SaturneSaturne, UranusUranus et NeptuneNeptune) dans sa partie externe. Et parmi toutes ces planètes, une seule, la Terre, contient de l'eau liquide à sa surface, ingrédient essentiel à l'apparition de la vie telle que nous la connaissons. Selon les scientifiques, la structure actuelle de notre Système solaire (ordre des planètes et leur distance au Soleil) n'a pas toujours été la même, et de nombreuses migrations planétaires ont eu lieu peu après sa naissance, amenant au passage de l'eau sur la jeune Terre et permettant l'apparition des premiers organismes vivants...

    L’importance de Jupiter dans notre Système solaire

    Peu après la naissance du Soleil, notre étoileétoile, les planètes se sont formées en quelques millions d'années au sein du disque protoplanétairedisque protoplanétaire - un disque de gazgaz et de poussières tournoyant autour de la jeune étoile. Selon les modèles aujourd'hui les plus communément acceptés, les planètes étaient alors bien plus compactées qu'elles ne le sont actuellement, toutes davantage rapprochées du Soleil. Les influences gravitationnelles des unes sur les autres les ont par la suite éparpillées dans le Système solaire, notamment en éloignant et en rapprochant successivement les géantes gazeusesgéantes gazeuses vers les orbitesorbites qu'on leur connaît aujourd'hui. L'une des principales conséquences de ces migrations planétaires vient de Jupiter, la plus grosse et la plus massive des planètes qui orbitent autour de notre Soleil.

    Les échelles de distance dans notre Système solaire. Les géantes gazeuses étaient autrefois plus proches du Soleil. Une unité astronomique (1 UA) correspond à la distance qui sépare la Terre du Soleil. © Nasa
    Les échelles de distance dans notre Système solaire. Les géantes gazeuses étaient autrefois plus proches du Soleil. Une unité astronomique (1 UA) correspond à la distance qui sépare la Terre du Soleil. © Nasa

    La migration de Jupiter dans le Système solaire aurait en effet déstabilisé les orbites des objets de faible massemasse situés dans la zone externe du Système solaire. Des objets se seraient retrouvés éjectés du Système solaire, tandis qu'une partie d'entre eux aurait migré vers des zones encore plus externes, donnant naissance à la ceinture de Kuiperceinture de Kuiper ; le reste aurait migré vers les zones internes du Système solaire, dont une partie entrera en collision avec les planètes telluriquesplanètes telluriques, dont la Terre, donnant lieu au Grand bombardement tardifGrand bombardement tardif il y a environ 4 milliards d'années. Ces mêmes déstabilisations gravitationnelles auraient également poussé des objets glacés riches en eau vers la partie interne de notre Système solaire, et fatalement vers la Terre.

    La présence de Jupiter à sa localisation actuelle amène encore aujourd'hui des débris vers le Système solaire interne. Ainsi, Jupiter semble avoir joué un rôle notable dans la structuration du Système solaire, et même dans l'apparition de la vie sur Terre. Si l'ensemble de ce modèle semble bel et bien fonctionner avec ce que l'on observe aujourd'hui, il nous est en revanche impossible de remonter dans le temps pour observer ces phénomènes ; dans cette optique, une équipe de scientifiques de l'université de Notre Dame, aux États-Unis, a dressé un catalogue des systèmes planétaires contenant à la fois des exoplanètesexoplanètes similaires à la Terre ainsi qu'au moins une géante gazeuse similaire à Jupiter.

    Un catalogue des systèmes les plus similaires au Système solaire ?

    Leur Kepler Giant Planet Search (KGPS) a été créé grâce à la base de donnéesbase de données recueillies par l'observatoire W. M. KeckKeck, situé à Hawaï. Les auteurs ont enregistré près de 3 000 vitessesvitesses radiales de 63 étoiles similaires au Soleil, autour desquelles orbitent 157 petites planètes connues, dont les tailles varient entre celle de Mars et celle de Neptune. Certaines d'entre elles présentent des surfaces rocheuses solidessolides, qui pourraient convenir à la vie. Mais les géantes gazeuses sont généralement difficiles à dénicher pour les astronomesastronomes, certaines méthodes de détection ne fonctionnant pas pour ces dernières. Le télescope spatial Kepler, dont la mission s'est terminée en 2018, a été un excellent outil pour les scientifiques qui cherchaient de petites exoplanètes en orbite près de leurs étoiles. Il utilisait la méthode de transittransit, qui mesure de minuscules variations dans la luminositéluminosité d'une étoile pour indiquer la présence d'une planète en orbite autour de cette dernière.

    La détection d'exoplanètes par la méthode de la vitesse radiale est basée sur la mesure de variations de la vitesse de l’étoile centrale, en raison du changement de direction de l’attraction gravitationnelle d’une exoplanète (invisible) en orbite autour de l’étoile. Lorsque l’étoile se déplace vers nous, son spectre est décalé vers le bleu, alors qu’il est décalé vers le rouge lorsqu’il s’éloigne de nous. En regardant régulièrement le spectre d’une étoile – et donc, en mesurant sa vitesse – on peut voir si elle se déplace périodiquement en raison de l’influence d’un compagnon. © ESO
    La détection d'exoplanètes par la méthode de la vitesse radiale est basée sur la mesure de variations de la vitesse de l’étoile centrale, en raison du changement de direction de l’attraction gravitationnelle d’une exoplanète (invisible) en orbite autour de l’étoile. Lorsque l’étoile se déplace vers nous, son spectre est décalé vers le bleu, alors qu’il est décalé vers le rouge lorsqu’il s’éloigne de nous. En regardant régulièrement le spectre d’une étoile – et donc, en mesurant sa vitesse – on peut voir si elle se déplace périodiquement en raison de l’influence d’un compagnon. © ESO

    Mais pour les géantes gazeuses, c'est une autre paire de manches : elles sont généralement beaucoup plus loin de leurs étoiles. Jupiter, par exemple, met environ 12 ans à tourner autour du Soleil. De plus, contrairement aux planètes proches de leurs étoiles, les planètes distantes ont souvent des orbites légèrement inclinées comme on le voit depuis la Terre, ce qui rend les variations de luminosité moins importantes. Pour contrecarrer ce problème, les scientifiques ayant participé à l'élaboration du catalogue ont utilisé la méthode de vitesse radiale : cette méthode mesure la vitesse relative des étoiles et leurs éventuelles variations, indicatives de la présence d'une planète en orbite. L'intensité de ces variations donne quant à elle des informations sur la masse et la distance de l'exoplanète à son étoile. Mais ces variations sont souvent minimes, bien que les géantes gazeuses présentent de puissantes attractions gravitationnelles. Pour chaque étoile observée, les scientifiques ont donc dû relever bon nombre de mesures, parfois pendant plusieurs centaines de nuits pour une seule étoile.

    Des efforts finalement récompensés, car les scientifiques sont parvenus à produire le premier catalogue qui recense les systèmes planétaires les plus ressemblants au Système solaire parmi ceux connus actuellement. Ils espèrent que l'étude approfondie des systèmes recensés permettra de mieux comprendre la corrélation entre la présence de géantes gazeuses dans un système planétaire et l'architecture de ce dernier, et peut-être même de savoir si la présence de Jupiter dans notre Système solaire a été, ou non, indispensable à l'apparition de la vie sur Terre.