Un groupe d’astronomes japonais vient de confirmer que certaines exoplanètes orbitent dans un plan très incliné par rapport au plan perpendiculaire à l’axe de rotation de l’étoile hôte. Cela pourrait être la règle plutôt que l’exception, mais il s’agit surtout d’une information importante pour comprendre les causes de la migration des exoplanètes.

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    Une représentation d'artiste de l'orbite, peut-être rétrograde comme indiquée ici, mais fortement inclinée de l'exoplanète HAT-P-11 b. Une orbite rétrograde a, elle, été proposée pour HAT-P-7 b. © Subaru Telescope, National Astronomical Observatory of Japan (NAOJ)

    Une représentation d'artiste de l'orbite, peut-être rétrograde comme indiquée ici, mais fortement inclinée de l'exoplanète HAT-P-11 b. Une orbite rétrograde a, elle, été proposée pour HAT-P-7 b. © Subaru Telescope, National Astronomical Observatory of Japan (NAOJ)

    On se souvient du coup de tonnerretonnerre qu'a représenté en 1995 la découverte de la première exoplanète par Michel Mayor et Didier Queloz. En contradiction avec les modèles de formations planétaires admis à l'époque, nourris des informations tirées de l'étude de notre Système solaire et des observations de disques protoplanétaires, une planète gazeuse géante orbitait autour d'une étoile de type solaire en quelques jours seulement et non pas en plus d'une dizaine d'années. Les méthodes de détection des exoplanètes, pour l'essentiel celles des vitessesvitesses radiales et du transit planétairetransit planétaire, allaient multiplier par 500 le nombre d'exoplanètes découvertes dans les années qui suivirent. Ce furent beaucoup de Jupiter chaudesJupiter chaudes en orbiteorbite proche de leurs soleilssoleils qui furent observées.

    Forcés de revoir leur copie, les planétologues spécialistes de la formation des planètes ont donc considéré que des processus avaient conduit à la migration des géantes gazeusesgéantes gazeuses. Celles-ci devaient en effet se former initialement loin de leur étoile, là où les températures sont basses et le gazgaz encore abondant au début de la formation d'un système planétaire. 

    Restait à trouver quels étaient ces processus... On en considéra, essentiellement, deux. 

    Les hypothèses de migration planétaire

    Le premier tient compte du fait que les restes externes du disque protoplanétaire dans un système en formation ne peuvent pas être négligés du fait de l'interaction gravitationnelle qu'ils exercent sur les géantes. Avant que le disque ne se dissipe complètement, il peut donc conduire les géantes à migrer avec des transferts de moment cinétiquemoment cinétique.

    Le second fait intervenir l'interaction gravitationnelle entre plusieurs planètes géantesplanètes géantes. Il peut se produire des processus de diffusiondiffusion gravitationnelle éjectant certaines géantes vers l'intérieur, ou l'extérieur, du système planétaire. Une variante exploite ce que l'on appelle le mécanisme de la résonance de Kozai.

    Mais comment déterminer lequel de ces mécanismes est effectivement à l'origine de la migration des planètes ? Ou pour le moins, lequel est dominant ?

    Il se trouve que dans le premier cas, les orbites des exoplanètes doivent se trouver dans un plan presque perpendiculaire à l'axe de rotation d'une étoile. Dans le second, il n'est pas rare de trouver des orbites fortement inclinées au-dessus de ce plan. Il suffisait donc de faire les bonnes observations.

    Pour tester les théories de migration, un groupe d'astronomeastronome japonais a donc employé les instruments du télescopetélescope Subaru à Hawaï. Indépendamment d'eux, un groupe de chercheurs, parmi lesquels se trouve le fameux chasseur d'exoplanète Geoffrey Marcy, a fait de même avec les instruments du Keck. Leurs conclusions sont très similaires.

    Le test de l'effet Rossiter-McLaughlin

    Il se  trouve que l'on connaît depuis des dizaines d'années un moyen de déterminer l'inclinaison du plan de l'orbite d'une exoplanète autour de son étoile, si l'on est capable de surprendre son transit. En effet, en 1924, deux chercheurs, Rossiter et McLaughlin, s'étaient intéressés à ce problème dans le cas d'un système d'étoiles binairesbinaires à éclipseéclipse. Ils en avaient conclu qu'il devait y avoir une anomalieanomalie dans la vitesse radiale apparente de l'un des astresastres en relation avec le transit planétaire, causée par une occultationoccultation partielle de la surface en rotation de l'autre.

    Il s'agit de ce qu'on appelle aujourd'hui l'effet Rossiter-McLaughlin (RM) dont le principe est expliqué ci-dessous.

    Le principe de l'effet Rossiter-McLaughlin. La rotation d'une étoile provoque un décalage vers le rouge et vers le bleu de la lumière des parties de l'étoile par effet Doppler-Fizeau. La lumière des parties s'approchant de nous est décalée vers le bleu, indiquant une vitesse radiale positive, et vers le rouge pour celles s'éloignant. Lors d'un transit, le blocage de la lumière émise par une partie de l'étoile provoque une anomalie dans le décalage spectral mesuré, fonction de l'inclinaison du plan de l'orbite de l'exoplanète par rapport à l'axe de rotation de l'étoile. On voit cette anomalie pour la courbe de vitesse radiale sur les deux schémas ci-dessus en fonction de l'inclinaison du plan orbital. © Subaru Telescope, <em>National Astronomical Observatory of Japan</em> (NAOJ).

    Le principe de l'effet Rossiter-McLaughlin. La rotation d'une étoile provoque un décalage vers le rouge et vers le bleu de la lumière des parties de l'étoile par effet Doppler-Fizeau. La lumière des parties s'approchant de nous est décalée vers le bleu, indiquant une vitesse radiale positive, et vers le rouge pour celles s'éloignant. Lors d'un transit, le blocage de la lumière émise par une partie de l'étoile provoque une anomalie dans le décalage spectral mesuré, fonction de l'inclinaison du plan de l'orbite de l'exoplanète par rapport à l'axe de rotation de l'étoile. On voit cette anomalie pour la courbe de vitesse radiale sur les deux schémas ci-dessus en fonction de l'inclinaison du plan orbital. © Subaru Telescope, National Astronomical Observatory of Japan (NAOJ).

    L'effet RM a bel et bien été observé pour la première fois pour une exoplanète en 2000 par Didier Queloz, Michel Mayor et leurs collègues. Aujourd'hui, ce sont les étoiles HAT-P-11 et XO-4 qui ont fait l'objet d'une détermination précise de cet effet par des astronomes de l'Université de Tokyo et de l'Observatoire astronomique national japonais.

    L'étoile XO-4 est située à 960 années-lumièreannées-lumière vers la constellationconstellation du Lynx et elle possède une exoplanète 1,3 fois plus massive que Jupiter, effectuant une révolution circulaire en seulement 4,13 jours. Dans le cas de HAT-P-11, il s'agit d'une étoile située à 130 années-lumière dans la constellation du Cygne. En orbite autour de cette étoile se trouve HAT-P-11 b, une exoplanète de la taille de NeptuneNeptune effectuant sa révolution en 4,89 jours.

    Dans les deux cas, l'inclinaison du plan orbital, déduite de la mesure de l'effet RM, s'est révélée forte. Il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions fermes. Il faudra attendre pour cela que le nombre de cas étudiés augmente. Mais il semble probable que l'explication de la migration des exoplanètes géantes ne doive en général pas être recherchée au niveau des interactions avec le disque protoplanétaire. Les chercheurs envisagent même la possibilité que des systèmes où des exoplanètes orbitent selon un plan incliné soient très communs. Notre propre Système solaire pourrait bien ne pas être typique.