Le télescope spatial James-Webb (JWST) confirme à nouveau sa capacité à analyser la composition des atmosphères d'exoplanètes à quelques centaines d'années-lumière du Soleil. Dernière cible en date, WASP-107b, la Super-Neptune chaude où une équipe internationale menée par un chercheuse française du CEA utilisant le JWST vient de faire la première détection de nuages de silicate dans une planète de ce type, tout en obtenant des mesures qui rendent perplexes les planétologues modélisant les atmosphères exoplanétaires.


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    Lentement mais sûrement, mois après mois, le télescope spatial James-Webb donne de plus en plus de preuves de sa capacité à fournir des détails sur la composition des atmosphèresatmosphères des exoplanètes. Bien sûr, le but ultime est de trouver des biosignatures convaincantes dans l’atmosphère d’une exoTerre mais, pour cela, il va falloir être patient, peut-être pendant des décennies. Cela ne veut pas dire que de telles signatures en tant que telle ne vont pas arriver avant 2030. Simplement, il faudra peut-être très longtemps pour être raisonnablement certain qu'il n'existe pas de processus naturels abiotiquesabiotiques, non liés à l'existence de vie, capables de produire le signal observé.

    Une des stratégies pour atteindre ce Graal, c'est d'en apprendre le plus possible sur les atmosphères des exoplanètes, même quand il s'agit de géantes gazeuses inhabitables comme le sont les Jupiters chaudesJupiters chaudes ou les mini-Neptunes.

    C'est donc avec un certain intérêt que l'on apprend aujourd'hui les résultats obtenus par une équipe d'astronomesastronomes européens, codirigée par des chercheurs du CEA et de l'Institut d'astronomie de la KU Leuven, la célèbre université belge de Louvain. Ils concernent des observations du JWSTJWST révélant une partie de la composition de l'atmosphère de l'exoplanète WASP-107b. Le spectre obtenu montre non seulement la présence de molécules de vapeur d'eau, mais aussi de dioxyde de soufre, SO2. La présence de nuagesnuages de particules silicatées, cousines des grains de sablesable, a aussi été établie ; toutefois, aucune trace de méthane (CH4), et ça c'est surprenant.


    Une atmosphère planétaire possède une signature spectrale qui représente sa composition chimique, mais également sa composition en nuages et « brouillard ». Grâce à plusieurs techniques, il est possible de déterminer les caractéristiques physico-chimiques de l'atmosphère d'une exoplanète. Parmi ces techniques : le transit spectroscopique, le transit secondaire ou éclipse, l’observation spectroscopique directe de la planète ou encore l'observation de la planète à différentes phases autour de l'étoile afin de mesurer des variations temporelles et saisonnières. Partez à la découverte des exoplanètes à travers notre websérie en 9 épisodes à retrouver sur notre chaîne YouTube. Une playlist proposée par le CEA et l’Université Paris-Saclay dans le cadre du projet de recherche européen H2020 Exoplanets-A. © CEA

    Une absence de méthane qui défie les planétologues

    WASP-107b avait déjà fait l'objet d'observations il y a des années avec le télescope Hubble. À vrai dire, on sait depuis un moment déjà que c'est l'une des exoplanètes à la plus faible densité connue. En effet, bien que sa massemasse soit de seulement 12 % de celle de Jupiter, son diamètre est comparable car elle est fortement chauffée par son étoileétoile hôte (légèrement plus froide et moins massive que notre SoleilSoleil), autour de laquelle elle boucle son orbiteorbite en six jours seulement. Les températures atteignant des centaines de degrés et plus, l'atmosphère en est fortement dilatée au point que les chercheurs parlent parfois de WASP-107b comme d'une planète " barbe à papa " ( cotton candy en anglais).

    Comme elle n'est située qu'à environ 200 années-lumièreannées-lumière du Système solaireSystème solaire, son atmosphère si dilatée en fait, pour cette raison, une cible de choix pour analyser sa composition en mesurant le spectre par transmission de la lumière de son étoile une fois qu'elle a traversé cette atmosphère (voir la vidéo ci-dessus pour plus de détails). Il y a presque six ans, les astrophysiciensastrophysiciens y avaient déjà détecté la présence d'héliumhélium en effectuant des observations avec HubbleHubble dans l'infrarougeinfrarouge.

    Toutes ces observations constituent des tests et des contraintes sur les modèles chimiques et dynamiques de WASP-107b. On ne s'attendait pas à trouver du dioxyde de soufre initialement par exemple. Mais de nouveaux modèles de réactions photochimiques expliquent à présent sa découverte.

    Par contre, l'absence de détection du méthane est inexpliquée, ce qui incite à remettre en cause les modèles des atmosphères d'exoplanètes connus à ce jour !

    On sait aussi que le signal pour la vapeur d'eau et le dioxyde de soufre est suffisamment faible pour impliquer qu'il y a des nuages bloquant une partie de ce signal. Ces nuages doivent précisément être constitués de petites particules silicatées. Bien que des nuages aient déjà été découverts sur d'autres exoplanètes, c'est la première fois que les astronomes peuvent identifier de manière définitive la composition chimique de ces nuages.

    Le spectre de transmission (donné avec la longueur d'onde en microns) de l'exoplanète chaude Neptune WASP-107b, capturé par le spectromètre basse résolution (LRS) de l'instrument infrarouge moyen (Miri) à bord du JWST, révèle des preuves de la présence de vapeur d'eau, de dioxyde de soufre et de nuages de silicate (sable) dans l'atmosphère de la planète. Les astronomes ont commencé par mesurer la lumière de l’étoile lorsque l’exoplanète n’est pas en transit. Lorsque l’exoplanète commence à transiter (c’est-à-dire qu’elle passe devant son étoile hôte), elle bloque partiellement la lumière de l'étoile. Pendant ce temps, une partie de la lumière traverse l’atmosphère de l’exoplanète. Pour chaque longueur d'onde, la quantité de lumière stellaire bloquée par la planète et son atmosphère (cercles blancs) est ensuite calculée en soustrayant la lumière stellaire de base de la lumière totale mesurée pendant le transit. La ligne orange continue est le modèle le mieux adapté aux données du JWST mais aussi de Hubble. Les régions colorées ombrées indiquent la contribution de la vapeur d’eau (en rouge), du dioxyde de soufre (en bleu) et des nuages de sable (en jaune) au modèle le mieux adapté. © Michiel Min, European MIRI EXO GTO team, ESA, NASA; Klaas Verpoest (LUCA School of Arts, Belgium)
    Le spectre de transmission (donné avec la longueur d'onde en microns) de l'exoplanète chaude Neptune WASP-107b, capturé par le spectromètre basse résolution (LRS) de l'instrument infrarouge moyen (Miri) à bord du JWST, révèle des preuves de la présence de vapeur d'eau, de dioxyde de soufre et de nuages de silicate (sable) dans l'atmosphère de la planète. Les astronomes ont commencé par mesurer la lumière de l’étoile lorsque l’exoplanète n’est pas en transit. Lorsque l’exoplanète commence à transiter (c’est-à-dire qu’elle passe devant son étoile hôte), elle bloque partiellement la lumière de l'étoile. Pendant ce temps, une partie de la lumière traverse l’atmosphère de l’exoplanète. Pour chaque longueur d'onde, la quantité de lumière stellaire bloquée par la planète et son atmosphère (cercles blancs) est ensuite calculée en soustrayant la lumière stellaire de base de la lumière totale mesurée pendant le transit. La ligne orange continue est le modèle le mieux adapté aux données du JWST mais aussi de Hubble. Les régions colorées ombrées indiquent la contribution de la vapeur d’eau (en rouge), du dioxyde de soufre (en bleu) et des nuages de sable (en jaune) au modèle le mieux adapté. © Michiel Min, European MIRI EXO GTO team, ESA, NASA; Klaas Verpoest (LUCA School of Arts, Belgium)

    Une chimie influencée par la dynamique atmosphérique

    Le communiqué de la KU Leuven, qui accompagne une publication dans le journal Nature, explique que les chercheurs ont été surpris de trouver que ces nuages de silicatesilicate soient à haute altitude. En effet, la température n'y est que de 500 °C environ. Or étant donné la température de fusionfusion des particules silicatées elles peuvent se former plus en profondeur dans l'atmosphère, à des températures plus élevées, de sorte que les particules devaient même constituer des pluies de silicates liquidesliquides. Comment est-il alors possible que ces nuages de sable existent à haute altitude et continuent à perdurer ?

    Le communiqué donne alors les explications d'un des principaux astrophysiciens derrière la découverte, Michiel Min : « Le fait que nous voyons ces nuages de sable en hauteur dans l'atmosphère doit signifier que les gouttelettes de pluie de sable s'évaporent dans des couches plus profondes et très chaudes et que la vapeur de silicate qui en résulte est efficacement remontée vers le haut, où elle se re-condense pour former à nouveau des nuages ​​de silicate. Ceci est très similaire au cycle de la vapeur d'eau et des nuages sur notre propre Terre, mais avec des gouttelettes constituées de sable. Ce cycle continu de sublimationsublimation et de condensationcondensation par transport vertical est responsable de la présence durable de nuages de sable dans l'atmosphère de WASP-107b. »

    Le communiqué conclut en déclarant que « cette recherche pionnière met non seulement en lumière le monde exotiqueexotique de WASP-107b, mais repousse également les limites de notre compréhension des atmosphères exoplanétaires. Il marque une étape importante dans l'exploration exoplanétaire, révélant l'interaction complexe des produits chimiques et des conditions climatiques sur ces mondes lointains » et avec le commentaire suivant de Achrène Dyrek, auteur principale de la découverte publiée dans Nature, en poste au Département d'AstrophysiqueAstrophysique du CEA Paris : « JWST permet une caractérisation atmosphérique profonde d'une exoplanète qui n'a pas d'équivalent dans notre Système solaire, nous découvrons de nouveaux mondes ! »


    Une conférence du 2 avril 2023, « Premiers résultats du JWST : les exoplanètes en transit », par Achrène Dyrek, Département d'Astrophysique du CEA. © Société française de physique

    La chercheuse est l'une des lauréates du prix Jeunes Talents L'Oréal - Unesco pour les femmes et la science 2023 et, il y a quelques mois, elle avait justement donné une conférence sur les premiers résultats obtenus avec le JWST concernant les atmosphères des exoplanètes. Dans le cas de WASP- 107b, Achrène Dyrek et ses collègues ont pu mener leurs travaux grâce au spectroscopespectroscope basse résolutionrésolution de l'instrument MiriMiri du JWST, instrument observant dans l'infrarouge et dont le CEA a été un contributeur majeur.

    Ces travaux impliquent que la dynamique propre à l'atmosphère d'une exoplanète doit être prise en compte pour prédire et interpréter la composition que peut donner l'étude du spectre par transmission.

    Des extraterrestres sur la Lune ? Découvrez l'un des canulars les plus gonflés de l'histoire dans Chasseurs de Science. © Futura