On étudie les émissions radio du Soleil depuis le début de la seconde moitié du XXe siècle. Tout récemment, des radioastronomes du Center for Solar-Terrestrial Research (NJIT-CSTR) de l'Institut de technologie du New Jersey ont capturé l'image d'une éclipse solaire d’une manière jamais vue auparavant et surtout en enregistrant les premières images radio du célèbre effet d'« anneau de feu » de l'éclipse du 14 octobre 2023.


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    Les éclipses du Soleil sont connues de l'Humanité depuis des millénaires mais, jusqu'au XXe siècle, on ne pouvait les observer que dans le visible. C'était aussi le cas plus généralement pour l'étude de notre étoile hôte mais tout va changer avec les débuts de la radioastronomie et la découverte accidentelle en 1933 par Karl Jansky de signaux radios d'origine cosmique. À vrai dire, dès la fin du XIXe siècle et les expériences de Hertz corroborant la prédiction par James Maxwell de l'existence des ondes électromagnétiques, plusieurs personnes avaient bien pensé que le Soleil pouvait émettre des ondes électromagnétiques et les avaient cherchées... sans succès.

    II fallait des instruments d'une sensibilité dont ces chercheurs ne disposaient pas et de plus, en 1902, lorsque l'ionosphèreionosphère a été découverte et que l'on a réalisé que cette couche de gazgaz ionisé dans la haute atmosphèreatmosphère se comportait comme un miroirmiroir pour les ondes radios connues, on pensait même qu'on ne pourrait rien détecter dans le futur car la couche devait renvoyer toutes les émissionsémissions radio astronomiques venues de l'espace, les rendant indétectables pour les observateurs au sol.

    La rangée supérieure montre des images radio de l'éclipse solaire annulaire du 14 octobre 2023 observée par l'OVRO-LWA. La rangée du bas est une représentation schématique de ce à quoi devaient ressembler les images dans le visible de l'éclipse en même temps. © Sijie Yu
    La rangée supérieure montre des images radio de l'éclipse solaire annulaire du 14 octobre 2023 observée par l'OVRO-LWA. La rangée du bas est une représentation schématique de ce à quoi devaient ressembler les images dans le visible de l'éclipse en même temps. © Sijie Yu

    Le Soleil, une source radio de plus en plus étudiée depuis les années 1950

    Heureusement, on se trompait et les travaux sur les radars durant la Seconde Guerre mondiale accélérèrent la mise au point des technologies qui vont rapidement déboucher sur les radiotélescopesradiotélescopes modernes et l'étude du Soleil dans le domaine radio comme ce fut le cas, par exemple, dès les années 1950 en France avec l'inauguration de la station de radioastronomie de Nançaystation de radioastronomie de Nançay (elle sert notamment aujourd'hui à chasser les ondes gravitationnelles). En fait, ce sont des radars anglais pendant la guerre qui vont découvrir les émissions du Soleil et avant Nançay, une éclipse de Soleiléclipse de Soleil avait même été observée à Marcoussis en ondes centimétriques et métriques avec des antennes rachetées aux surplus de l'armée américaine en Afrique en 1951.

    Aujourd'hui, c'est pour la première fois une éclipse annulaireéclipse annulaire qui a été observée dans le domaine radio, celle du 14 octobre 2023 et les instruments utilisés sont ceux de l'Owens Valley Radio Observatory - Long Wavelength Array (OVRO-LWA). aux États-Unis, dans l'État de la Californie, à environ 400 kilomètres au nord de Los Angeles dans la vallée de l'Owens.

    Les observations en radio avec l'Owens Valley Radio Observatory - Long Wavelength Array ont permis de réaliser la petite vidéo ci-dessous que l'on doit à Sijie Yu montrant donc l'éclipse annulaire à plusieurs longueurs d'ondeslongueurs d'ondes radio. On voit ainsi sur ces images reconstituées en fausses couleurscouleurs le disque solaire visible et l'occultationoccultation lunaire qui sont délimités respectivement par les cercles pleins et pointillés. L'image du Soleil en radio se déforme parfois en raison de la réfractionréfraction des ondes radio par l'ionosphère fluctuante de la Terre, un effet analogue à ce que donnerait l'observation du Soleil sous une surface d'eau ondulante.

    L'éclipse annulaire du 14 octobre a été pour la première fois observée dans le domaine radio. © Sijie Yu

    Une éclipse solaire qui dure une heure en radio

    Si l'éclipse annulaire du 14 octobre n'a duré que 5 minutes tout au plus aux États-Unis, le phénomène en radio a duré presque une heure en raison de l'existence de la couronne solaire formée de plasma qui s'étend bien au-delà de la surface du Soleil d'où sont émis les photonsphotons dans le visible, la photosphèrephotosphère. Rappelons que la couronne solairecouronne solaire est la couche la plus externe de l'atmosphère du Soleil qui s'étend sur près de dix millions de kilomètres, c'est-à-dire environ 14 fois le rayon du Soleil.

    « Voir enfin une éclipse d'un "anneau de feufeu" de cette façon était spectaculaire... Nous n'avions jamais vu une telle qualité d'imagerie radio du Soleil auparavant », a déclaré, dans un communiqué du New Jersey Institute of Technology, Dale Gary, professeur distingué de physiquephysique au NJIT-CSTR et cochercheur du projet OVRO-LWA. « Nous ne pouvons normalement pas voir la couronne depuis le sol, sauf lors d'une éclipse totaleéclipse totale, mais nous pouvons désormais la voir à tout moment grâce à OVRO-LWA. Cette éclipse rend la situation encore plus dramatique », a-t-il ajouté.