L’être humain sera-t-il capable de régner sur la Terre aussi longtemps que les dinosaures, qui ont dominé terres, mers et airs pendant 170 millions d’années ? C’est peu probable. Et d’ailleurs, que serait devenu le monde si les dinosaures n’avaient pas disparu il y a 66 millions d’années ? Une étrange et intéressante question qui nous amène à nous replonger dans l’histoire des dinosaures.
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C'est bien connu, avec des « si », on refait le monde. Mais à quoi aurait ressemblé le monde, justement, si l'on imagine un instant que les dinosaures n'aient pas disparu ? Aurait-il été très différent ? Aurait-on vu des dinosaures intelligents apparaître ? Et surtout, l'Homme se serait-il imposé comme il l'a fait aujourd'hui ? Autant de questions qui n'auront jamais de réponse, mais auxquelles, grâce à nos connaissances actuelles de l'évolution et des processus évolutifs, on peut s'amuser à appliquer des scénarios crédibles.
Les dinosaures : 170 millions d’années de domination du monde
Recadrons tout d'abord le contexte scientifique. Les dinosaures représentent un cladeclade de vertébrés tétrapodes (possédant deux paires de membres) de la classe des sauropsides, à laquelle appartiennent aujourd'hui les reptiles et les oiseaux. Apparus il y a environ 240 millions d'années, au début du Trias, les dinosaures ont régné en maître sur la TerreTerre jusqu'à la fin du CrétacéCrétacé, il y a 66 millions d'années. Pendant ces quelque 170 millions d’années (pour comparaison, l'être humain n'existe que depuis 3 millions d'années), ils ont eu le temps d'expérimenter toutes sortes de tailles, de morphologiesmorphologies, de moyens de défense et de locomotion. Présents sur l'ensemble du globe, d'un pôle à l'autre, dans tous les types d'environnements, à la fois sur terre, dans les mers et dans les airsairs, les dinosaures ont marqué l'histoire terrestre bien plus fortement que n'importe quel autre groupe animal.
La longueur de leur règne est la preuve de leur formidable capacité d'adaptation. Car en 170 millions d'années, les dinosaures ont dû faire face à une multitude de changements : évolution des surfaces continentales avec les mouvementsmouvements tectoniques, variations extrêmes du climatclimat, variations du niveau marin, crises volcaniques... Malgré ces contraintes environnementales en constant changement, la diversité des dinosaures n'a fait que croître au fil du temps. Deux grandes lignées sont ainsi progressivement apparues : la lignée avienne, caractérisée par des petits dinosaures théropodesthéropodes, et la lignée non avienne qui a notamment donné naissance aux nombreuses espècesespèces de dinosaures géants.
En 170 millions d'années d'évolution, les dinosaures ont développé un nombre incroyable de formes et de tailles. © Orlando Florin Rosu, Adobe Stock
Jusqu'à la fin du Crétacé, les dinosaures occupent ainsi l'ensemble des niches écologiques. Ils sont véritablement partout. Jusqu'à cette catastrophe, qui mettra un terme à leur domination. Il y a 66 millions d'années, la chute d'un astéroïdeastéroïde va précipiter la fin de leur règne. La catastrophe environnementale que génère l’impact se cumule avec des conditions déjà dégradées par l’éruption massive des trapps du Deccan. C'en est trop, même pour ces champions de l'adaptation. C'est l'extinction, rapide et brutale.
Les dinosaures sont encore parmi nous… et ils sont nombreux !
Si l'on caractérise souvent la limite Crétacé-PaléogènePaléogène par la disparition des dinosaures, il faut cependant préciser que ne sont concernés par cette extinction de masseextinction de masse que les dinosaures non aviensdinosaures non aviens. Nombreux sont les petits représentants de la lignée avienne à avoir survécu... et prospéré ! Car oui, les dinosaures sont encore parmi nous. Ils nous submergent même, nous, mammifèresmammifères, par le nombre d'espèces. Ce sont les oiseaux. Du point de vue phylogénétiquephylogénétique, les oiseaux sont en effet bien des dinosaures théropodes, de la lignée avienne.
Les poules font partie des derniers représentants des dinosaures aviens. © Sonja Birkelbach, Adobe Stock
Les dinosaures n'ont donc pas totalement disparu. Et c'est un premier élément scénaristique dans le cadre de notre question initiale : à quoi aurait ressemblé le monde si les dinosaures n'avaient pas disparu ?
Une domination qui aurait certainement perduré encore longtemps
Supposons donc que l'astéroïde n'ait pas impacté la Terre il y a 66 millions d'années et que les éruptions des trapps du Deccantrapps du Deccan aient été moins sévères qu'elles ne l'ont été. Étant donné le passif des dinosaures, il est déjà fortement probable qu'ils aient continué à dominer le monde jusqu'à aujourd'hui, en s'adaptant au fur et à mesure. Et visiblement, la forme la plus adaptable semble être celle des oiseaux. Il est donc envisageable, comme le décrivent Éric Buffetaut et Guillaume Lecointre dans l’émission La Méthode Scientifique sur France culture, que les dinosaures aviens aient vu leur diversification augmenter, au détriment, peut-être, des sauropodessauropodes géants.
Le monde aurait donc peut-être fini par être dominé par des oiseaux possédant des formes et tailles encore plus diverses que ce que l'on connaît aujourd'hui, et par de petits théropodes rapides du type raptors. Mais ces animaux auraient-ils pu évoluer vers des formes intelligentes leur permettant de développer une technologie ?
Difficile de savoir comment auraient évolué les dinosaures en 66 millions d'années, mais il est probable que la lignée avienne – et notamment les oiseaux – ait été favorisée. © Jamesart, Adobe Stock
Une évolution cognitive possible chez les dinosaures ?
Dale Russel, un paléontologuepaléontologue, a imaginé comment les dinosaures auraient pu évoluer vers une forme intelligente capable de produire des outils. Il s'agit du « dinosauroïde ». Une forme humanoïdehumanoïde bipède possédant un gros cerveaucerveau et des pouces opposables. Cette évolution aurait-elle été possible ? Difficile à dire. Certains scientifiques, en tout cas, n'y croient pas. C'est le cas de Nicholas Longrich, qui a publié un article dans The Conversation.
Le dinosauroïde inventé par le paléontologue Dale Russel. © Jim Linwood, Wikimedia Commons, CC by 2.0
L'évolution des espècesévolution des espèces est en effet contrainte par certaines spécificités anatomiques et métaboliques qui vont orienter la direction d'évolution, tout en laissant la place à une certaine marge de manœuvre. Durant leurs 170 millions d'années de règne, le développement du cerveau ne semble ainsi pas avoir été favorisé chez les dinosaures, au contraire des mammifères. Sur l'ensemble de leur règne, les dinosaures montrent en effet une masse cervicale relativement faible par rapport à leur masse corporelle. Les mammifères, quant à eux, présentent rapidement un gros cerveau par rapport à leur taille. Cela signifie-t-il que les dinosaures auraient été condamnés à ne jamais évoluer sur le plan cognitif ? Impossible de le savoir. On note que certains oiseaux actuels possèdent en effet un cerveau assez gros pour leur taille et présentent un comportement que l'on peut dire intelligent, comme les corbeaux.
Et si, en réalité, les oiseaux avaient été, comme aujourd'hui, la forme évolué et intelligente des dinosaures ? Au final, leur évolution cognitive aurait été plus lente que la nôtre mais rien ne dit qu'ils n'auront pas rattrapé leur retard dans quelques millions d'années...
D'ailleurs, si l'extinction n'avait pas eu lieu, quid des Hommes ?
Les mammifères auraient-ils été capables de supplanter les dinosaures ?
Il ne faut pas oublier que les mammifères ne sont pas apparus après les dinosaures. Ils étaient d'ailleurs là bien avant eux. Au Trias, la diversité anatomique était même énorme chez les petits mammifères, qui étaient présents dans tous les milieux. Ils ont donc évolué totalement en parallèle des dinosaures, dont ils n'étaient d'ailleurs pas seulement des proies. Certains fossilesfossiles montrent en effet que certains grands mammifères ont pu un temps être des prédateurs de dinosaures.
Sur le long terme, toutefois, le bilan est sans appel. En 170 millions d'années, les mammifères n'ont pas réussi à détrôner les dinosaures et il y a peu de chances qu'ils auraient réussi à les supplanter si l'extinction n'avait pas eu lieu. Peut-être auraient-ils évolué à leur côté, mais l'occupation massive des niches écologiques par les dinosaures n'aurait pas laissé beaucoup de place pour le développement des mammifères. De fait, il est probable que l'être humain intelligent n'ait alors jamais vu le jour.
L'évolution, c'est en effet une question de contraintes et de conditions environnementales (faunefaune, flore, géographie, climat), mais aussi de chance, de hasard et d'opportunités. C'est ainsi que la lignée humaine est apparue et a évolué à partir des primatesprimates, sur le continent africain, et uniquement dans cette région du monde, car les conditions y étaient favorables et que des opportunités évolutives se sont présentées au bon moment. Mais rien n'était écrit à l'avance. S'il est certain que l'extinction des dinosaures a favorisé le règne des mammifères, il n'est cependant pas évident qu'elle ait été l'assurance de voir apparaître une espèce, la nôtre, douée d'une forte intelligenceintelligence.