Grâce à l’analyse des ondes sismiques, des chercheurs ont mis en évidence la rupture de la plaque tectonique indienne sous l’Eurasie. Une situation qui pourrait entraîner un ralentissement de la convergence entre les deux continents et la fin de l’orogenèse himalayenne.


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    La chaîne himalayenne est née de la rencontre titanesque entre deux continents, l'Inde et l'Eurasie, il y a 50 à 60 millions d'années. Cette collision est le résultat de la fermeture de l'océan TéthysTéthys, qui occupait autrefois l'espace entre les deux massesmasses continentales. Une fermeture qui s'est opérée par un processus tectonique majeur : la subduction. Pendant des dizaines de millions d'années, la croûtecroûte de l'océan Téthys a ainsi été avalée dans le manteaumanteau sous l'Eurasie, entraînant avec elle le continent indien qui a fini par entrer en collision avec son homologue eurasiatique.

    Évolution de la position du continent indien au fil du temps, par rapport au continent eurasiatique. Les âges sont débattus. © <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    Évolution de la position du continent indien au fil du temps, par rapport au continent eurasiatique. Les âges sont débattus. © Wikimedia Commons, domaine public

    La croûte indienne en subduction se fragmente et se détache

    C'est ce type de rencontre qui a, dans l'histoire de la Terre, mené à la formation de supercontinents. Mais peut-on déjà dire que l'Inde et l'Eurasie ne font plus qu'un ? Théoriquement, deux continents sont considérés comme soudés lorsqu'il y a arrêt de la subduction et donc fin du mouvementmouvement de convergence. Car même en collision, les continents continuent de se rapprocher. C'est d'ailleurs cela qui participe à la croissance de la chaîne de montagnes. Ce mouvement de convergence est toujours observé à l'heure actuelle entre l'Inde et l'Eurasie, signe que la subduction est encore active. Mais certains indices laissent penser que cela pourrait bientôt être la fin.

    Une équipe de chercheurs a en effet imagé, grâce à la tomographie sismique de haute résolutionrésolution, la morphologiemorphologie de la plaque plongeant dans le manteau (le slab) sous la chaîne de montagnes. L'analyse des ondes sismiques traversant le manteau a permis de mettre en évidence le slab de la plaque indienne, ou tout du moins ce qu'il en reste ! Habituellement, le slab apparaît en effet comme une anomalieanomalie continue de forte vitessevitesse plongeant dans les profondeurs du manteau. Mais sous l'Himalaya, les scientifiques ont au contraire identifié de nombreux patches d'anomalies de vitesse, déconnectés de la surface. Pour les chercheurs, il s'agirait de morceaux détachés du slab indien.

    En haut : (a) reconstruction de la subduction de la plaque indienne sous l'Eurasien à la fin de l’Éocène ; (b) un morceau de lithosphère indienne s'est détaché du slab et s'enfonce dans le manteau. Ce début de fragmentation induit une diminution de la traction exercée par le slab et un ralentissement de la convergence Inde-Eurasie. En bas : (c) détachement d'un autre morceau de slab induisant un volcanisme sur le plateau tibétain et une extension (<em>rifting</em>) et (d) situation actuelle. © Xiaofeng Liang et Yang Chu
    En haut : (a) reconstruction de la subduction de la plaque indienne sous l'Eurasien à la fin de l’Éocène ; (b) un morceau de lithosphère indienne s'est détaché du slab et s'enfonce dans le manteau. Ce début de fragmentation induit une diminution de la traction exercée par le slab et un ralentissement de la convergence Inde-Eurasie. En bas : (c) détachement d'un autre morceau de slab induisant un volcanisme sur le plateau tibétain et une extension (rifting) et (d) situation actuelle. © Xiaofeng Liang et Yang Chu

    Un arrêt du processus de subduction et une fusion des deux continents

    Or, cette fragmentation de la plaque plongeante pourrait avoir d'importantes conséquences géodynamiques. En effet, le mouvement des plaques est assuré par deux processus : la traction produite par les slabs plongeant dans le manteau au niveau des zones de subductionzones de subduction, et la poussée induite par la production de nouvelle croûte océanique au niveau des dorsales. Dans le cas de l'Inde, la rupture du slab pourrait donc entraîner un affaiblissement notable de cette force de traction. Une perte qui ne serait pas compensée par la force de poussée exercée par la dorsale.

    Cette situation pourrait donc mener à un ralentissement de la convergence entre les deux plaques, voire à son arrêt total. Dans ce cas, Inde et Eurasie cesseraient d'être considérés comme deux continents distincts. Cette fusionfusion continentale est encore mal comprise et dans ce contexte, les nouveaux résultats publiés dans la revue Science Bulletin permettent de mieux documenter ce processus tectonique à l’origine de la formation des supercontinents.

    Une chaîne himalayenne qui va continuer d’évoluer

    La rupture du slab indien dans le manteau marquerait donc potentiellement la fin prochaine de l'orogenèse himalayenne. Cela ne signifie pas pour autant que la chaîne de montagnes va cesser d'évoluer, bien au contraire. Elle pourrait même continuer à s'élever sous l'effet d'un autre processus. Si les fragments détachés de la croûte indienne vont plonger dans le manteau, la partie encore attachée va en effet remonter pour se plaquer sous la chaîne himalayenne, induisant une élévation de cette dernière. La remontée de l'asthénosphèreasthénosphère résultant de l'arrêt de la subduction va quant à elle induire une extension de la croûte. Ces processus pourraient expliquer certaines observations faites actuellement, comme l'initiation de structures de riftsrifts et d'un volcanisme dans le sud du Tibet.