Les Alpes renferment nombre de trésors naturels, et parmi eux, les reliques d’une ancienne croûte océanique, témoin d’un océan aujourd’hui disparu et qui trône désormais à plus de 2.600 mètres d’altitude.


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    Cachée à l'abri des regards à plus de 4.000 mètres sous les eaux, la croûte océanique est une abstraction pour beaucoup de monde. De composition très différente de la croûte continentale sur laquelle nous nous tenons, elle représente pourtant plus de 70 % de l'écorce terrestre. Malheureusement, nous avons rarement l'occasion de l'observer, et encore moins de marcher dessus ! Et pourtant, il existe en France un endroit où cela est possible. Et nul besoin de palmes ni de tuba ! Direction... les Alpes et plus précisément, le mont Chenaillet !

    Un petit morceau de croûte océanique à 2.650 mètres d’altitude

    Site emblématique de la région de Montgenèvre, le Chenaillet a longtemps été l’une des références scientifiques pour étudier la croûte océanique. Car, au beau milieu des Alpes, se trouve un petit morceau de socle basaltiquebasaltique quasiment intact, vieux de plus de 155 millions d'années. Accessible facilement par plusieurs sentiers de randonnée, le Chenaillet est l'occasion de découvrir, au beau milieu des paysages alpins, la relique du fond d'un ancien océan désormais disparu.

    Les ophiolites du Chenaillet. © Florent Figon, Flickr, CC by-sa 2.0
    Les ophiolites du Chenaillet. © Florent Figon, Flickr, CC by-sa 2.0

    Culminant à 2.650 m d'altitude, le mont Chenaillet fait aujourd'hui partie du massif du Queyras, dans les Hautes-Alpes. Pourtant, les roches qui composent cette montagne se sont formées à plusieurs kilomètres sous la surface d'un océan qui a existé bien avant la formation des Alpes. Car le Chenaillet doit sa position désormais en altitude aux colossales forces compressives qui ont formé cette chaîne de montagnes. Les roches qui composent ce mont n'ont ainsi rien à voir avec l'orogenèse alpine. Elles se sont retrouvées là un peu par hasard. D'ailleurs, en arrivant sur le site, on note immédiatement la singularité du paysage.

    Une traversée complète d’une croûte océanique

    En montant vers le sommet, on traverse une formation géologique de couleurcouleur vert-sombre, friable, avec un relief plutôt mou. Ce sont des serpentinitesserpentinites, des roches du manteaumanteau, altérées au contact de l'eau de mer et n'ayant pas subi de fusion partielle. Au-dessus se trouve une unité plus résistante, avec de nombreux petits affleurements de roche composée de minérauxminéraux plus clairs. Ce sont des gabbros, roches magmatiquesroches magmatiques plutoniquesplutoniques qui cristallisent en profondeur et forment habituellement la base de la croûte océanique. Puis, en arrivant au sommet, on peut observer des monticules de boules brunâtres empilées les unes sur les autres. Ce sont des basaltesbasaltes en coussins (pillow basalts), qui se forment par refroidissement ultrarapide de la lavelave au contact de l'eau de mer.

    Ophiolite du Chenaillet dans les Alpes. © Saphon Anthony, <em>Wikimedia Commons, </em>CC by-sa 3.0 
    Ophiolite du Chenaillet dans les Alpes. © Saphon Anthony, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0 

    Sans vous en rendre compte, vous venez ainsi de traverser de bas en haut un fragment de croûte océanique peu magmatique, formée il y a 155 millions d'années au niveau d'une dorsale lente. Dans le détail, les unités géologiques qui composent le Chenaillet apportent une foule d'informations scientifiques permettant de mieux comprendre la composition de la croûte océanique, mais également les processus mis en jeux lors de sa formation.

    Un morceau de croûte océanique miraculeusement épargné

    L'avantage du Chenaillet, et ce qui en fait un site remarquable pour l'étude de la croûte océanique, sans avoir à se mouiller, c'est la quasi-absence de déformation liée à l'orogenèse alpine. Et ce fait est assez exceptionnel pour être remarqué, compte tenu du chemin parcouru par cette ophioliteophiolite, car c'est ainsi que l'on nomme les reliques de croûte océanique se retrouvant dans les chaînes de montagnes.

    Basaltes en coussins au sommet du Chenaillet. © Florent Figon, CC by-sa 2.0
    Basaltes en coussins au sommet du Chenaillet. © Florent Figon, CC by-sa 2.0

    La formation des Alpes a en effet été précédée par la fermeture de l'océan alpin qui séparait alors le continent européen du continent adriatique. La fermeture s'est faite via un processus de subductionsubduction, qui a vu la plaque européenne s'enfoncer sous la plaque adriatique. La quasi-totalité de la croûte océanique formant le fond du petit océan a ainsi été avalée dans les profondeurs du manteau, mais un petit morceau a cependant été préservé et transporté via un processus de charriage sur les massifs alpins en formation. On appelle ce mécanisme « l'obduction ».

    Souvent, les ophiolites ainsi transportées subissent des déformations, voire un enfouissement qui va modifier les roches d'origine par métamorphismemétamorphisme. L'ophiolite du Chenaillet a réussi à échapper à tout cela et est restée quasi intacte, ce qui en fait un terrain d'étude très privilégié.

    Chaussez vos crampons, nous partons dans les Alpes et les Dolomites

    Les verticales Trois cimes, symbole des DolomitesLes Dolomites : le mont Paterno, un lieu chargé d’histoireAu pied du glacier de la Grande Casse en SavoieLe glacier de la Marmolada, le plus haut sommet des DolomitesLe lac Noir et le massif de la Lauzière, en SavoieLe col des Prés dans le massif des BaugesCoucher de soleil sur le Col du GalibierLe plateau d’Emparis, dans les Hautes-AlpesLe lac du Crozet et son histoire dans le massif de BelledonneLe Roc d'Enfer dans le Massif du Chablais en Haute-Savoie
    Les verticales Trois cimes, symbole des Dolomites

    Culminant à 2.999 m d'altitude, entre la Vénétie et le Sud-Tyrol, les Trois Cimes (Tre Cime di Lavaredo) sont le symbole des Dolomites. Ces « montagnes pâles » comme elles étaient appelées avant que le géologuegéologue français du XVIIIe siècle, Déodat Gratet de Dolomieu, ne les étudie, prennent naissance sur un socle élevé à environ 2.300 m. Elles se dressent curieusement comme des menhirs tombés du ciel, fichés dans le socle montagneux de dolomiedolomie. La première ascension de la Grande Cime a été réalisée, en 1869, par Paul Grohmann, Franz Innerkofler et Peter Salcher.

    Il est possible d'admirer toutes les faces de ce triptyque et d'en faire le tour en empruntant des itinéraires balisés. Une soixantaine de via ferrata (voies aménagées avec des câbles et des barreaux sur les parois rocheuses) ont été répertoriées dans les Dolomites, certaines existent depuis le XIXe siècle. La via ferrata De Luca-Innerkofler est la plus empruntée, relativement facile au départ du refuge de Locatelli, avec possibilité d'enchaîner vers l'est avec le Sentier des brèches.

    De nombreux parcours sont praticables avec des guides de haute montagne, y compris pour les personnes à mobilité réduite. © Pierre Thiaville, tous droits réservés