Le Giec vient de publier la synthèse de son cinquième rapport sur l'évolution du climat. Pas de surprise sur le fond mais une nouveauté dans la forme, avec un résumé concis et clair : oui, la planète se réchauffe ; oui, les activités humaines y sont pour quelque chose ; oui, la limite des + 2 °C en 2100 risque d'être dépassée ; oui, nous avons les moyens de ne pas la franchir. Et cela ne coûterait pas cher. De quoi discuter sainement lors des prochaines négociations, dans un mois à Lima puis à Paris fin 2015.

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    Différents indicateurs observés décrivent les changements affectant le cycle du carbone global : a) mesures des concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone (CO2) effectuées à Hawaï (en rouge) et au pôle Sud (en noir) depuis 1958 ; b) mesures de la pression partielle du CO2 dissous à la surface de l’océan (courbes en bleu) et mesures de l’acidité de l’eau de mer, exprimée par le pH, effectuées dans trois stations de l’océan Atlantique (courbes en vert). © Giec

    Différents indicateurs observés décrivent les changements affectant le cycle du carbone global : a) mesures des concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone (CO2) effectuées à Hawaï (en rouge) et au pôle Sud (en noir) depuis 1958 ; b) mesures de la pression partielle du CO2 dissous à la surface de l’océan (courbes en bleu) et mesures de l’acidité de l’eau de mer, exprimée par le pH, effectuées dans trois stations de l’océan Atlantique (courbes en vert). © Giec

    « Nous avons peu de temps avant que la possibilité de rester sous les 2 °C [de réchauffement global] ne disparaisse » : c'est ce que déclare Rajendra Kumar Pachauri, le président du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) dans un communiqué. Dimanche, en effet, ce réseau de 800 chercheurs a remis la dernière partie de son rapport sur l'évolution du climat, qui est une synthèse des trois premiers chapitres publiés depuis septembre 2013 sur, respectivement, les preuves du réchauffement, son impact et les mesures possibles pour l'atténuer. Ce rapport du Giec est le cinquième depuis la création de ce comité international créé en 1988, réunissant des spécialistes travaillant dans différents domaines liés au climat.

    Lors de sa présentation à Copenhague, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a eu des mots durs pour fustiger l'inaction des gouvernements actuels. « Avec ce dernier rapport, la communauté scientifique a une fois de plus prévenu que nous sommes engagés dans une course contre la montre et il est nécessaire que les dirigeants politiques agissent ». Ajoutant : « C'est un mythe que l'action climatique est onéreuse ».

    D'après la synthèse du Groupe de travail III [cliquer sur ce lien pour accéder à une version française], qui vient d'être publiée, les efforts à consentir pour limiter le réchauffement à 2°C correspondent « à une réduction annuelle [de croissance] de 0,04 % à 0,14 %, avec comme valeur médiane 0,06 %, par rapport à une croissance de la consommation comprise entre 1,6 % et 3 % par an ». Et ce sans tenir compte des coûts que devront supporter les générations suivantes confrontées aux effets du changement climatiquechangement climatique.

    Anomalies observées sur des températures moyennes en surface, combinant les terres émergées et les océans, de 1850 à 2012, tirées de trois ensembles de données. Partie supérieure : valeurs moyennes annuelles. Partie inférieure : valeurs moyennes décennales comprenant l’estimation d’incertitude pour un ensemble de données (noir). Les anomalies sont relatives à la moyenne sur la période 1961-1990. © Giec

    Anomalies observées sur des températures moyennes en surface, combinant les terres émergées et les océans, de 1850 à 2012, tirées de trois ensembles de données. Partie supérieure : valeurs moyennes annuelles. Partie inférieure : valeurs moyennes décennales comprenant l’estimation d’incertitude pour un ensemble de données (noir). Les anomalies sont relatives à la moyenne sur la période 1961-1990. © Giec

    Une teneur en gaz à effet de serre record sur 800.000 ans

    Ce document est l'un des « Résumés pour les décideurs » qui figurent dans chaque synthèse et dont la lecture est instructive. Voici quelques extraits de la synthèse du Groupe de travail I (sur les questions scientifiques) :

    • La tendance linéaire de la moyenne globale des données de température de surface combinant les terres émergées et les océans indique un réchauffement de 0,85 °C [0,65 à 1,06] au cours de la période 1880-2012, pour laquelle il existe plusieurs jeux de données indépendants. L'augmentation totale de la moyenne entre la période 1850-1900 et la période 2003-2012 est de 0,78 °C [0,72 à 0,85], en s'appuyant sur l'ensemble de données le plus long disponible.
    • Le cumul des émissionsémissions de CO2 détermine dans une large mesure la moyenne mondiale du réchauffement en surface vers la fin du XXIe siècle et au-delà. La plupart des caractéristiques du changement climatique persisteront pendant de nombreux siècles, même si les émissions de CO2 sont arrêtées. L'inertieinertie estimée du changement climatique est considérable, de l'ordre de plusieurs siècles, et elle est due aux émissions de CO2 passées, actuelles et futures.
    • Les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone, de méthane et de protoxyde d'azoteprotoxyde d'azote ont augmenté pour atteindre des niveaux sans précédents depuis au moins 800.000 ans.
    • La concentration du dioxyde de carbone a augmenté de 40 % depuis l'époque préindustrielle. Cette augmentation s'explique en premier lieu par l'utilisation de combustiblescombustibles fossiles et en second lieu par le bilan des émissions dues aux changements d'utilisation des sols.

    Les chiffres du réchauffement

    L'acidification des océans est désormais un phénomène avéré et le « forçage radiatif » (ou FR), qui mesure le bilan du flux de rayonnement entrant (lumièrelumière solaire) et sortant (infrarougeinfrarouge), dû aux activités humaines, est à peu près connue. [Les chiffres indiqués ici sont encadrés par les marges d'erreur.]

    • L'océan a absorbé environ 30 % des émissions anthropiques de dioxyde de carbone, ce qui a entraîné une acidification de ses eaux.
    • Le FR anthropique total en 2011 par rapport à 1750 est de 2,29 [1,13 à 3,33] W/m2 et il a progressé plus rapidement depuis 1970 qu'au cours des décennies précédentes. L'estimation du FR anthropique total pour 2011 est supérieure de 43 %, comparativement à l'estimation indiquée dans le quatrième rapport pour l'année 2005. Ce résultat s'explique à la fois par la croissance continue des concentrations de la plupart des gaz à effet de serre et par l'amélioration des estimations du FR des aérosols conduisant à une atténuation de leur effet net de refroidissement (FR négatif).
    • Le FR dû aux émissions des gaz à effet de serregaz à effet de serre au mélange homogène (CO2, CH4, N2O et hydrocarbureshydrocarbures halogénés) en 2011 par rapport à 1750 est de 3,00 [2,22 à 3,78] W/m2. Le FR dû aux changements de concentration de ces gaz est de 2,83 [2,26 à 3,40] W/m2.
    • À elles seules, les émissions de CO2 ont entraîné un FR de 1,68 [1,33 à 2,03] W/m2. Si l'on inclut les émissions d'autres sources contenant du carbone, qui ont également contribué à l'augmentation des concentrations de CO2, on obtient un FR du CO2 de 1,82 [1,46 à 2,18] W/m2.
    • À elles seules, les émissions de méthane ont entraîné un FR de 0,97 [0,74 à 1,20] W/m2. Ce résultat est nettement plus important que l'estimation basée sur la concentration, soit 0,48 [0,38 à 0,58] W/m2 (inchangée par rapport au quatrième rapport du Giec). Cette différence dans les estimations s'explique par les changements de concentration d'ozoneozone et de vapeur d'eau stratosphérique dus aux émissions de méthane ainsi qu'aux autres émissions influant indirectement sur le méthane.