De nouvelles observations, menées avec un radiotélescope, ont mis en évidence un curieux alignement de jets de trous noirs supermassifs – et donc de leurs axes de rotation. Le phénomène occupe une si grande région de l'univers observable qu'il est probablement la manifestation d'une nouvelle physique ayant opéré tôt dans l'histoire du cosmos.

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    Gamow et von Weizsäcker ont pensé un temps que les formes spirales des galaxies étaient un héritage de mouvements turbulents survenus au début de l'histoire de l'univers. L'idée est séduisante mais elle ne résiste pas à un examen plus poussé car elle conduit à des prédictions en contradiction avec les observations, comme l'explique le célèbre cosmologiste James Peebles dans un de ses ouvrages.

    Certains ont envisagé des mouvements turbulents à plus grandes échelles, peut-être en relation avec des champs magnétiques cosmologiques primordiaux. Cependant, la génération de tels champs n'est pas simple et il ne faut pas supposer qu'ils soient trop intenses, au risque d'entrer, là aussi, en contradiction avec les observations - par exemple avec la nucléosynthèse primordiale.

    L'univers lui-même pourrait avoir été en rotation : il existe des solutions des équations d'EinsteinEinstein, dont la plus célèbre est celle de Gödel, qui décrivent cette possibilité. Toutefois, les observations du rayonnement fossilerayonnement fossile nous indiquent que, si le cosmoscosmos observable est en rotation, l'effet est très petit. Cela est peut-être dû au fait que l'univers aurait subi une phase d'inflation ayant prodigieusement dilaté sa taille au moment du Big BangBig Bang. En effet, de la même façon qu'une patineuse voit sa vitesse de rotationvitesse de rotation augmenter lorsqu'elle regroupe ses bras vers son corps en raison de la conservation du moment cinétiquemoment cinétique et obtient l'effet inverse en étendant ses bras, la rotation du cosmos aurait pu ralentir fantastiquement en raison de son expansion ultrarapide.

    Cette idée d'une rotation de la matièrematière, au moins locale mais à grande échelle dans l'univers, semble ressurgir avec un article déposé sur arXiv par un groupe de radioastronomes sud-africains.

    L'alignement des jets des trous noirs supermassifs observés est bien visible sur ces images (ils sont repérés à gauche par des cercles blancs). © Russ Taylor

    L'alignement des jets des trous noirs supermassifs observés est bien visible sur ces images (ils sont repérés à gauche par des cercles blancs). © Russ Taylor

    Des jets de matière presque parallèles

    Les chercheurs ne s'attendaient pas aux résultats obtenus. En effet, ils étudiaient, dans le domaine radio, une région déjà examinée par leurs collègues européens lors de l'European Large Area ISOISO Survey, une campagne d'observation réalisée dans l'infrarougeinfrarouge avec le télescope spatialtélescope spatial ISO.

    Nommée ELAIS-N1, cette région a ensuite été examinée pendant 3 ans avec un radiotélescoperadiotélescope indien, le Giant Metrewave Radio Telescope (GMRT). Celui-ci a rendu possible l'observation de l'orientation des jets de matière émis par de multiples trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs en rotation tapis au cœur des galaxies. Surprise : ces jets sont presque parallèles entre eux !

    Ce n'est pas vraiment la première fois que l'on découvre un tel phénomène mais il est visible dans une si grande région de l'univers observable qu'il n'existe pas de mécanisme d'interaction entre ces trous noirs qui aurait pu les forcer à s'aligner dans la même direction.

    Le <em>Giant Metrewave Radio Telescope</em> (GMRT), situé près de Pune, en Inde, comporte plusieurs radiotélescopes. C'est l'un des plus grands interféromètres du monde. © <em>GMRT, Tata Institute of Fundamental Research</em>

    Le Giant Metrewave Radio Telescope (GMRT), situé près de Pune, en Inde, comporte plusieurs radiotélescopes. C'est l'un des plus grands interféromètres du monde. © GMRT, Tata Institute of Fundamental Research

    Toute une région de l'univers aurait été en rotation

    Il semble qu'un début d'explication n'est possible qu'en supposant que cet alignement est un vestige du comportement de la matière au début de la formation des galaxies, et donc que la région ELAIS-N1, où sont nés ces trous noirs, devait elle-même être douée d'un mouvement de rotation global assez conséquent, sur plusieurs centaines de millions d'années-lumièreannées-lumière.

    Quelle serait alors l'origine de ce mouvement de grande ampleur ? Mystère. Les chercheurs spéculent sur le rôle d'hypothétiques champs magnétiqueschamps magnétiques cosmologiques primordiaux, voire carrément de la nouvelle physiquephysique avec des cordes cosmiques ou des champs d'axions.

    De nouvelles observations et des simulations numériquessimulations numériques plus précises de la formation des galaxies et des grandes structures qui les rassemblent permettront peut-être d'y voir plus clair. En tout cas, il y a certainement un enseignement à tirer de cette découverte car aucune théorie n'avait vraiment prédit ce phénomène.