Après un article (re)publié par la Nasa sur l’éruption solaire exceptionnelle survenue en juillet 2012, la question des effets de ce genre d'événement sur les activités humaines est de nouveau posée. Les scientifiques en profitent pour rappeler la fragilité de nos sociétés technologiques face aux colères du Soleil.

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    Propagation d’une éjection de masse coronale, ou CME (coronal mass Ejection), en direction du satellite Stereo A le 23 juillet 2012. Le coronographe masque le Soleil pour permettre l’étude de son environnement, appelé couronne solaire. On distingue sur l'image le flux de protons soufflé en direction de l’orbite terrestre à une vitesse supérieure à 2.000 km/s. © Nasa, Stereo

    Propagation d’une éjection de masse coronale, ou CME (coronal mass Ejection), en direction du satellite Stereo A le 23 juillet 2012. Le coronographe masque le Soleil pour permettre l’étude de son environnement, appelé couronne solaire. On distingue sur l'image le flux de protons soufflé en direction de l’orbite terrestre à une vitesse supérieure à 2.000 km/s. © Nasa, Stereo

    En mars dernier, une équipe internationale publiait dans Nature Communications un article rétrospectivement inquiétant. Le 23 juillet 2012, la surface du Soleil a subi deux éjections de masse coronale, ou CME (Coronal Mass Ejection), d'une ampleur exceptionnelle, espacées de 10 à 15 minutes. Un flux de protons (des particules chargées positivement) a été puissamment soufflé dans l'espace.

    Le phénomène, souvent lié à une éruption solaire, n'est pas rare mais c'est l'intensité du phénomène qui l'était ce jour-là. Comme nous l'avions indiqué en décrivant cette « supertempête solaire », les chercheurs expliquaient qu'elle avait été renforcée par le cumul avec une éjection de plasma survenue quatre jours plus tôt. L'événement a été observé grâce au satellite d'observation solaire Stereo A, de la Nasa. Deux engins similaires, A et B, tournent sur la même orbiteorbite que la Terre, l'un en avance (A comme Ahead, en avant) et l'autre derrière (B comme behind). Avec ces postes d'observation, la mission Stereo (Solar Terrestrial Relations Observatory) donne des images simultanées du Soleil selon des points de vue très différents. Ce jour-là, c'est Stereo A qui était aux premières loges et qui a subi la charge des protons 18,6 heures après leur départ du Soleil.

    Saisie par le satellite SDO, une spectaculaire éruption solaire survenue en mars 2012. La Terre, représentée à côté de cette arche de matière ionisée, à peu près à la bonne échelle (<em>Approx. size of Earth</em>), donne la mesure de ces phénomènes. Leur ampleur rend nécessaire la mise au point de systèmes de prédiction en raison du risque qu'ils font peser sur bon nombre d'activités spatiales ou terrestres. © <em>SDO Science Team</em>, Nasa

    Saisie par le satellite SDO, une spectaculaire éruption solaire survenue en mars 2012. La Terre, représentée à côté de cette arche de matière ionisée, à peu près à la bonne échelle (Approx. size of Earth), donne la mesure de ces phénomènes. Leur ampleur rend nécessaire la mise au point de systèmes de prédiction en raison du risque qu'ils font peser sur bon nombre d'activités spatiales ou terrestres. © SDO Science Team, Nasa

    Une éruption solaire envoie des particules chargées très énergétiques

    Or, avaient expliqué ces astronomesastronomes, cette bouffée a coupé l'orbite de la Terre qui, heureusement, était passée à cet endroit neuf jours plus tôt. Autrement dit, notre planète aurait pu traverser le « souffle de la tempêtetempête ». Et les conséquences eurent été catastrophiques. Depuis plusieurs années, des études ont été réalisées sur l'impact de ce genre d'événements et un article dans Nasa News a relancé les discussions sur ce sujet, qui est en effet digne d'intérêt. Même si le titre de Paris Match, Le jour où la Terre a failli s'arrêter, est un tantinet exagéré, les risques de tels événements sont devenus importants pour nos sociétés modernes et méritent que l'on étudie des parades.

    Quels sont ces risques ? Une violente éruption solaireéruption solaire produit dans une certaine direction une émissionémission accrue d'ultraviolets et de rayons Xrayons X. Le vent solairevent solaire, fait de particules chargées, est encore renforcé s'il y a éjection de masse coronale et atteint la Terre, le plus souvent, en deux ou trois jours. L'accroissement des UVUV n'a rien de bon pour les animaux terrestres mais le risque est faible et notre bouclier que constitue le champ magnétique terrestrechamp magnétique terrestre nous protège très efficacement contre les particules de hautes énergiesénergies du vent solaire, même quand il est plus fort qu'à l'ordinaire. L'effet est celui d'un « orageorage magnétique ».

    L'humanité ne garde guère de souvenirs de ce genre de phénomène. Au VIIIe siècle, c'est dans les cernes de croissance de cèdres du Japon que l'on a trouvé la trace d'un déluge de protons, attribué un temps à un lointain sursautsursaut gamma mais qui pourrait bien être une colère de notre propre étoileétoile. Le célèbre événement de Carringtonévénement de Carrington s'est fait davantage remarquer en 1859 par de superbes aurores polaires visibles à très basses latitudeslatitudes et, déjà, par des perturbations dans les réseaux de télégraphies. En revanche, plusieurs millions de Canadiens se souviennent de la longue coupure d'électricité (environ 9 heures) qu'ils ont subie en 1989.


    Une tempête solaire, le 7 juin 2011, filmée par le satellite SDO. Les images montrent des masses de plasma lancées à travers l'atmosphère solaire puis retomber à la surface de la photosphère. © UCL Mathematical and Physical Sciences, YouTube

    Nos technologies sont devenues plus fragiles

    Aujourd'hui, les effets seraient notablement plus sérieux car les réseaux d'alimentation électrique se sont densifiés et parce que nombre de services dépendent désormais de satellites.

    • Effets dans l'espace sur les astronautesastronautes : s'il y en avait au-delà de la ceinture de Van Allen, ils devraient se protéger au risque de leur vie. Dans l'ISS, à seulement 400 km d'altitude, les sorties extravéhiculaires seraient interdites et peut-être les astronautes iraient-ils se réfugier un temps dans une capsule SoyouzSoyouz. Une évacuation serait envisageable.
    • Effets sur les satellites : UV et rayons X pourraient perturber leur fonctionnement et nombre de Terriens découvriraient alors tout ce que l'on doit aux activités spatiales, de la téléphonie au GPSGPS en passant par la télévision et les prévisions météorologiques.
    • Effets au sol : la plongée aux pôles de particules chargées provoquerait des courants électriquescourants électriques dans le sol et des ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques captées par les réseaux d'alimentation en électricité qui, faisant office d'antennes, les transformeraient en courant électrique. Des surtensions apparaîtraient alors dans les transformateurstransformateurs, comme ce fut le cas durant l'épisode de 1989. Le Canada et le nord des États-Unis, proches du pôle Nord magnétique, sont particulièrement exposés. De multiples systèmes fonctionnant par radio pourraient se mettre en mode panne, depuis les signalisations sur les réseaux de transport jusqu'aux systèmes de surveillance de sites sensibles.
    • Dans les airsairs : les perturbations des communications radio et des signaux GPS auraient largement de quoi compliquer les navigations maritime et aérienne.

    C'est donc à peu près tous les secteurs économiques qui seraient touchés d'une manière ou d'une autre. Des études diverses ont été consacrées aux incidencesincidences de tels événements. La Nasa cite un rapport de l'académie nationale des sciences (des États-Unis) qui annonce une facture de 2.000 milliards de dollars. Certains prédisent le retour au Moyen-Âge, voire au paléolithique, ce qui est sans doute excessif, tout dépendant de la longueur de l'événement et de son intensité. En 2011, un rapport de l’OCDE préconisait de prendre des mesures pour assurer une certaine protection, en commençant par mieux surveiller le Soleil. La météo solaire est devenue une réalité. En cas de prévision de tempête, nous aurons deux petits jours pour nous préparer...