Si toute la Planète s’inquiète du manque de réglementation autour des intelligences artificielles, l’Union européenne est la première à réagir et à se mettre d’accord sur une position commune sur un règlement européen à propos des IA. De son côté, la France cherche à adopter dès maintenant l’utilisation d'IA de reconnaissance faciale pour les caméras de surveillance. Une décision en contradiction totale avec les dispositions européennes qui ne seront pas adoptées avant 2026.


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    Il y a comme un airair de contradiction entre les positions de l'Union européenne et celles de la France sur les intelligences artificielles (IA). Le sujet porteporte sur la sécurité et notamment l'usage de ces IA pour l'améliorer. Ce lundi 12 juin, les sénateurs français votaient une proposition de loi pour employer la reconnaissance faciale assistée par IA dans le cadre d'une expérimentation de trois ans.

    Une utilisation permanente en temps réel sur l'espace public qui serait soit disant limitée aux activités sportives et culturelles, selon les sénateurs porteurs de la proposition. L'emploi de ces outils a déjà été voté au moment de la loi dite JO 2024, mais certains amendements, notamment sur le contrôle facial en temps réel avaient été rejetés. Les sénateurs récidivent donc en souhaitant les réinjecter aujourd'hui. Alors que l'on a pu remarquer l'usage massif des drones par les forces de l'ordre dès le lendemain de leur décret d'applicationapplication, il est certain qu'une telle expérimentation devrait très rapidement déborder de ses prétendues sages intentions originelles.

    L'argument des sénateurs pour justifier cet emploi : la lutte contre le terrorisme. Un argument de poids, mais même avec un usage massif de caméras de surveillance automatisées contrôlant tous les citoyens en temps réel, rien n'indique qu'il n'y aurait pas de « trous dans la raquette » et que les risques soient réduits à néant. S'il y a peu de chance que cette proposition aille beaucoup plus loin, elle montre quand même l'esprit techno-sécuritaire dans lequel s'est engagée la France.

    Dernièrement, le Sénat avait également dit oui à un projet de loi prévoyant d'allumer les micros et caméras des smartphones dans certaines enquêtes. De même, l'utilisation d'outils pour chiffrer les communications (Signal, TelegramTelegram, ProtonProton Mail) est un terrain qui peut engendrer une certaine suspicion de la part des autorités. C'est notamment ce que révélait l'organisation la Quadrature du Net lors d'une affaire datant de fin 2020.

    La proposition de loi consistant à expérimenter la surveillance par reconnaissance faciale en temps réel a été votée au Sénat avec une large majorité. Il y a peu de chances que le projet aille beaucoup plus loin, mais l’intention est là et elle existe déjà avec la loi JO de Paris 2024. © Capture Futura
    La proposition de loi consistant à expérimenter la surveillance par reconnaissance faciale en temps réel a été votée au Sénat avec une large majorité. Il y a peu de chances que le projet aille beaucoup plus loin, mais l’intention est là et elle existe déjà avec la loi JO de Paris 2024. © Capture Futura

    La France championne de la surveillance

    Mais, pour ce qui est de cette vidéosurveillance via IA, n'en déplaise aux sénateurs, il y a un hic. Ce mercredi 14 juin, le parlement européen signifiait que ces systèmes de reconnaissance faciales dopés à l'IA étaient considérés comme risqués et devraient donc être classés avec les IA dont l'usage sera interdit au sein des pays membres de l'Union européenne. Placés en haut de l'échelle des risques, on trouve donc ces systèmes de reconnaissance faciale à distance « en temps réel » dans les espaces publics. Les mêmes systèmes employés « à posteriori » le sont également avec quelques exceptions qui rendent l'application de l'actuelle loi française JO 2024 discutable.

    Interdites aussi les IA capables de catégoriser de façon biométrique les données sensibles (genre, race, le statut de citoyenneté, religion, orientation politique), ou encore les systèmes de police prédictifs (profilage, localisation, comportement criminel antérieur). Avec leurs décisions, les députés européens cherchent à garantir que les IA puissent bénéficier d'un contrôle humain permanent, qu'elles soient sûres, transparentes, traçables, non discriminatoires et respectueuses de l'environnement. Mais cet IA Act, ambitieux en matièrematière d'éthique, n'arrivera pas demain. Les décrets appliquant la loi JO 2024 et peut-être d'autres, auront tout loisir d'être pris avant. Et pour cause, pour que le texte définitif du parlement européen soit adopté, il faudra attendre la fin de l'année.

    Plus vite que la musique législative

    Son entrée en vigueur pourrait même intervenir d'ici trois ans au minimum, laissant entre-temps, la porte ouverte à l'utilisation débridée de ces IA dédiées à la surveillance par les États membres, dont la France en premier lieu. Et l'IA Act européen ne se limite pas à ce côté sécuritaire. Contraindre le développement des IA génératives comme ChatGPTChatGPT, à une certaine éthique fait partie des missions que se donne l'Union européenne dans le cadre de cette réglementation. Là encore, la technologie va aller plus vite que la musique législative, puisqu'à titre d'exemple et sans parler des bulldozers de la high-tech américains ou chinois, lors de cette édition du forum Vivatech, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé un ambitieux plan financé par France 2030, visant à soutenir les acteurs de l'intelligence artificielle made in France. Pas certain que le côté encadrement éthique soit au programme...