Longtemps réservés aux livres et films de sciences-fiction, les véhicules électriques et autonomes font désormais pleinement partie de notre société. Pourtant, leur arrivée sur le marché peine à se faire une réelle place. Alors, les véhicules électriques et autonomes sont-il vraiment les véhicules de demain ? Interview en fin d'article avec Salim Hima, enseignant-chercheur et Responsable de la Majeure Véhicules électriques & autonomes à l’école d’ingénieurs ESME.
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Enjeux de développement durable, volonté de réduire son empreinte carbone, disparition des énergies fossiles… Les véhicules électriques et autonomes ont tout pour plaire aux consommateurs. Pourtant, le marché peine encore à trouver sa place et à satisfaire toutes les attentes. Pour former la main d’oeuvre de demain et répondre aux attentes d’un marché en mutation, l’école d’ingénieurs ESME a ainsi décidé de créer une majeure Véhicules électriques & autonomes. Rencontre avec sa responsable en fin d’article.
Véhicules autonomes : une révolution bien réelle mais chère
Amorcé depuis 2015, le virage des véhicules autonomes prend de plus en plus d’importance au fur et à mesure que les années passent. D’après un rapport du cabinet de conseil Oliver Wyman intitulé « Autonomie : une révolution en marche », le marché des véhicules autonomes terrestres devraient atteindre les 460 milliards d’euros en 2030, contre 5 milliards d’euros en 2018.
Mais pour pouvoir réussir cette révolution, de nombreux investissements doivent être faits, que ce soit au niveau des marchés, des compétences, des infrastructures mais aussi des constructeurs automobiles. La production et l’achat de ces véhicules restent en effet très élevés, ce qui rend actuellement ces véhicules moins attractifs malgré leurs ambitions environnementales. D’après un rapport du cabinet Gartner, le coût d’un véhicule autonome se situe entre 270 000 et 360 000 euros. Le seul système LiDAR, système de télédétection par lasers, peut s’élever jusqu’à 68 000 euros par véhicule d’après ce même rapport. Actuellement, les prix des véhicules électriques sur le marché sont compris entre 30 000 euros pour les modèles les moins chers jusqu’à 70 000 euros voire plus pour certains modèles Tesla. Des tarifs qui sont loin d’être grand public, même avec des aides gouvernementales.
Véhicules électriques et autonomes : il n’y a pas que les voitures
Les voitures ne sont pas les seules concernées pour devenir électriques et autonomes, loin de là. De multiples exemples dans le monde sont actuellement en test ou en utilisation :
- Navette Navya : Le 22 juin, l’entreprise a inauguré un partenariat avec Keolis au Centre national de tir sportif de Châteauroux grâce à son modèle Autonom Shuttle Evo, qui fonctionne sans aucun chauffeur de sécurité à bord. Une grande première pour un véhicule de niveau 4 sur l’échelle des véhicules autonomes. De quoi donner de grands espoirs pour de prochains transports en commun entièrement robotisés sur route.
- Les camions autonomes sont aussi une réalité : aux Etats-Unis, un camion autonome L4 de la société Plus.AI a réalisé 4500 km entre la Californie et la Pennsylvanie en totale autonomie sur les routes américaines. Scania, Volvo ou encore Mercedes-Benz ont eux aussi développé leur modèle de camion autonome.
- Les avions ne sont pas en reste avec notamment Airbus et son projet ATTOL, qui en juin dernier est parvenu à faire atterrir un avion sans intervention humaine, après avoir réussi des décollages autonomes en janvier avec un A350-1000.
Drones, trains, ou encore bateaux sont aussi positionnés sur le marché des véhicules autonomes avec de nombreux projets en phase de test ou déjà en exercice.
Quels vont être les usages des véhicules autonomes ?
Comme pour toutes nouvelles technologies, comme ce fut le cas pour les smartphones qui servent à bien d’autres choses que de simplement téléphoner, les voitures autonomes seront vite détournées de leur usage initial qu’est la simple mobilité. Dans une utilisation privée, on peut penser que la voiture autonome sera utilisée pour se divertir en famille, regarder le paysage défiler, jouer en ligne… La voiture pourra proposer des restaurants ou sites touristiques à proximité du trajet défini ou encore prévenir du trafic en temps réel. Pour un usage professionnel, les futurs véhicules autonomes pourraient vite devenir un deuxième bureau, avec la possibilité de travailler sur ordinateur ou encore faire des réunions en visioconférence.
Véhicules autonomes et électriques : que vont devenir les constructeurs automobiles ?
Qui dit changement de véhicules dit changement de chaîne d’approvisionnement et de processus de fabrication. Les constructeurs automobiles tels qu’ils existent aujourd’hui ne peuvent pas répondre seuls aux évolutions technologiques que demandent les véhicules électriques et autonomes de demain. Des alliances, comme il existe déjà entre constructeurs et transporteurs urbains, entre constructeurs et fournisseurs de nouvelles technologies, ou encore entre constructeurs et énergéticiens devront se multiplier. En effet, les voitures du futur seront bardées d’électronique, d’intelligence artificielle, de batteries, de capteurs, de logiciels… Autrement dit, de multiples composants qui n’entrent pas en compte ou très peu dans les véhicules actuels. S’ils veulent survivre à cette révolution et rester leader sur leur segment, les constructeurs automobiles n’ont pas d’autre choix que de se réinventer et de s’adapter à ce nouveau marché.
D’après les chiffres du gouvernement, en 2019, 42 763 voitures électriques particulières et 18 582 véhicules hybrides rechargeables ont été immatriculés en France, soit 38 % de mieux qu’en 2018. Au premier trimestre 2020, 25 914 voitures électriques particulières ont été immatriculées (+ 146 % par rapport au premier trimestre 2019) ainsi que 9 487 véhicules hybrides rechargeables (+ 143%). Au 1er avril 2020, 312 767 véhicules électriques et hybrides rechargeables sont ainsi en circulation. Un chiffre en progression donc mais qui est encore très minime sur les 39,6 millions de véhicules en circulation en France. Contraints par une réglementation européenne, les constructeurs vont proposer de plus en plus de modèles électriques ou hybrides mais encore faut-il que le marché et les consommateurs soient prêts à franchir le pas.
3 questions à Salim Hima, enseignant-chercheur et Responsable de la Majeure Véhicules électriques & autonomes à l’école d’ingénieurs ESME :
La création d’une majeure dédiée aux véhicules électriques et autonomes était-elle nécessaire pour répondre à ce nouveau marché et à ces nouveaux enjeux de développement durable ?
Dans la démarche de la transition énergétique, le marché de l’automobile a connu une augmentation significative de la demande des véhicules électriques ces dernières années. A titre d’exemple, au début de l’année 2020, Renault Zoe a été classée troisième des ventes des voitures neuves en France. Cette demande est stimulée par la volonté des gouvernements de s’orienter vers des moyens de mobilité propre à l’usage et qui assurent une certaine indépendance vis-à-vis des énergies fossiles, généralement importées. Les avantages de la mobilité électrique sont multiples à savoir : une faible nuisance sonore, le rejet quasi nul des gaz à effet de serre et les gaz nocifs pour la santé, un coût au kilomètre plus faible et le coût de réparation est moindre comparé à celui des véhicules thermiques.
Par ailleurs, pour améliorer la sécurité routière dont les erreurs humaines sont la cause à 90% des accidents de la route, les acteurs de l’industrie automobile ne cessent de développer des systèmes d’aide à la conduite de plus en plus intelligent, voire une conduite complètement autonome. Les avantages de ces technologies sont multiples. Elles permettent d’améliorer la stabilité de la voiture, d’optimiser le temps de réaction du conducteur, élargir le champ de perception, et/ou prendre le contrôle si nécessaire. Par ailleurs, la conduite autonome permet de faire gagner aux usagers de la route le temps perdu, en assurant la tâche de la conduite, fluidifier le trafic et adopter une conduite écologique en optimisant le trajet et le comportement du déplacement.
La majeure véhicules électriques et autonomes proposée par ESME est née pour accompagner ces deux transitions technologique et énergétique qui se profilent à court et à moyen terme.
Depuis début 2020, une réglementation européenne impose aux constructeurs que l’ensemble des véhicules immatriculés ne dépassent pas une moyenne d’émission de 95 g de CO2 par kilomètre. Les véhicules électriques ou hybrides vont donc se multiplier. Une réelle opportunité professionnelle pour les prochains diplômés de la majeure ?
Effectivement, pour répondre aux enjeux environnementaux et aux défis de la transition écologique, plusieurs réglementations européennes ont été établies pour décarboner le parc automobile. En 2021, le taux d’émission de gaz CO2 des nouvelles immatriculations est plafonné en moyenne à 95g/Km. Pour se conformer à cette exigence, plusieurs constructeurs ont élargi leurs gammes et proposent des modèles hybrides ou totalement électriques. En Europe, on estime que les véhicules électriques atteindront 23% de part du marché à l’horizon de 2030. Ce qui constitue une réelle opportunité professionnelle pour les futurs diplômés de la majeure.
L’arrivée des véhicules autonomes va bouleverser tout un secteur d’activité. Entre adoption de nouvelles réglementations, problèmes de cybersécurité, intégration de l’intelligence artificielle, nouvelles infrastructures… Comment la majeure d’ESME répond à tous ces enjeux ?
Il est naturel que l’arrivée des véhicules autonomes dans le marché automobile va entraîner sa mutation. De point de vue local, la fiabilité des véhicules autonomes repose sur leur capacité à apercevoir et à interpréter l’environnement et en conséquence prendre une décision optimale. Cette capacité nécessite le développement des techniques performantes et adaptatives. Le recours à l’intelligence artificielle constitue l’une des solutions pour résoudre un tel défi. Par ailleurs, l’optimisation du flux routier toute en respectant l’environnement ainsi que l’augmentation de la sécurité routière nécessite une vision globale basée sur la communication entre les véhicules et entre les véhicules et l’infrastructure. Ceci est rendu possible grâce à l’avènement imminent du réseau de communication 5G. En revanche, cette technologie soulève des problèmes de sécurité et elle est enclin aux cyberattaques.
Pour répondre à ces problèmes, le programme de la majeure véhicules électriques et autonomes a été conçu de manière à mettre l’accent sur ces problématiques par l’élaboration d’un programme pédagogique diversifié en acquis d’apprentissage et riche en contenu, dédié à une expertise dans le domaine et une spécialisation dans le métier.
Article réalisée en partenariat avec les équipes de l'ESME