Il y a plus de 14 000 ans, l’Australie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée étaient liées par un vaste territoire émergé à la faveur d’une baisse importante du niveau marin. Une terre accueillante aujourd’hui disparue sous les eaux, qui aurait vraisemblablement pu subvenir aux besoins d’une importante population et favoriser le peuplement du continent australien.


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    Le mouvement des continents n’est pas le seul facteur à avoir influencé le paysage terrestre au cours de l’histoire de notre Planète. Les montées et descentes du niveau marin, au gré des variations climatiques, ont également fortement modifié la cartographie des terres émergées et le tracé des côtes. De nombreux vestiges archéologiques ont ainsi été retrouvés dans des zones qui appartiennent aujourd’hui au domaine marin. C’est le cas en mer Baltique, le long de la côte méditerranéenne, en Amérique du Nord et du Sud, mais également sur le pourtour du continent australien.

    Sahul : un continent australien bien plus vaste qu’aujourd’hui

    À la fin du Pléistocène, alors que le niveau marin est bien plus bas qu’il ne l’est aujourd’hui, la côte nord-ouest de l’Australie est ainsi située à plus de 500 kilomètres de sa position actuelle, dévoilant un vaste territoire d’environ 400 000 km2 connectant l’actuelle Australie aux îles de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et mettant à portée les îles indonésiennes. Ce continent australien « étendu » est connu sous le nom de Sahul. Certains des plus vieux sites archéologiques d’Australie sont situés dans cette région du Northwest Shelf, suggérant que les terres aujourd’hui immergées de Sahul auraient pu représenter la porte d’entrée du continent australien. La similarité de l’art pariétal retrouvé dans les régions du Kimberley et de la Terre d’Arnhem suggère d’ailleurs l’existence de communautés humaines ayant partagé des traditions culturelles dans cette partie nord de Sahul à la fin du Pléistocène.

    Carte présentant l'extension des terres émergées de Sahul lors du dernier maximum glaciaire. © Maximilian Dörrbecker (Chumwa), <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0
    Carte présentant l'extension des terres émergées de Sahul lors du dernier maximum glaciaire. © Maximilian Dörrbecker (Chumwa), Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Un territoire grand comme 1,6 fois le Royaume-Uni

    Tout commence il y a 71 000 ans. Le niveau des océans descend pour se retrouver environ 40 mètres plus bas qu’actuellement, exposant à l’air libre un vaste archipel s’étendant entre l’Australie et les îles du Timor. Puis une nouvelle chute du niveau marin, entre 29 000 et 14 000 ans, transformera cet archipel en un vaste territoire émergé, grand comme 1,6 fois le Royaume-Uni. En cause, un refroidissement global du climat, qui entraîne un accroissement du volume des calottes polaires et donc un abaissement du niveau marin. C’est le dernier âge glaciaire.

    Il est vraisemblable que cette situation ait permis la migration des populations humaines entre l’Indonésie et l’Australie, favorisant le peuplement de cette région du monde. Une nouvelle étude publiée dans la revue Quaternary Science Reviews suggère d’ailleurs que ces terres aujourd’hui disparues sous les eaux auraient pu dans le passé abriter entre 50 000 et 500 000 personnes.

    Un paradis disparu sous les eaux

    Un lac d’eau douce, de nombreuses rivières…, les données bathymétriques révèlent d’ailleurs que ce vaste territoire perdu de Sahul aurait été en effet plutôt accueillant, avec des ressources suffisantes pour subvenir aux besoins d’un demi-million de personnes. Cela ne signifie pas qu’une telle population ait un jour occupé ces terres, mais simplement que ce territoire en avait la capacité. On ne saura certainement jamais combien d’Hommes de la Préhistoire auront élu domicile sur ce plateau verdoyant. Ce qui est sûr, c’est qu’ils auront fini par être chassés par la montée des eaux.

    La carte bathymétrique révèle les tracés des anciennes rivières et de la topographie de cet ancien territoire aujourd'hui submergé au large de l'Australie. © Norman et al. 2024, <em>Quaternary Science Reviews</em>
    La carte bathymétrique révèle les tracés des anciennes rivières et de la topographie de cet ancien territoire aujourd'hui submergé au large de l'Australie. © Norman et al. 2024, Quaternary Science Reviews

    La fin de l’âge glaciaire est en effet marquée par une remontée rapide du niveau marin. Il y a environ 14 000 ans, le nord de Sahul commence à se faire grignoter par l’océan. En seulement 400 ans, ce sont ainsi 100 000 km2 qui vont disparaître sous les eaux. Plusieurs épisodes similaires vont se reproduire durant les milliers d’années qui vont suivre, jusqu’à arriver au tracé des côtes actuel. Cette migration forcée et soudaine vers le continent australien et les îles qui bordent la côte, comme les îles Tiwi, est visible encore aujourd’hui dans la signature génétique de la population et l’apparition soudaine de nombreux vestiges archéologiques.