Des graines enterrées il y a plus de 140 ans pour tester leur résistance : c’est l’une des expériences scientifiques actives les plus anciennes au monde. Car certaines desdites graines continuent de pousser. Des chercheurs y posent aujourd’hui un regard nouveau. Mais le mystère demeure.


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    Il est, quelque part sur le campus de la Michigan State University (États-Unis), un lieu tenu secret dans lequel sont enterrées des bouteilles contenant des graines de 23 espèces de « mauvaises herbes ». Lorsque le botanistebotaniste William Beal les a placées là, il voulait aider les agriculteurs en découvrant combien de temps ces plantes indésirables peuvent survivre dans un sol. C'était en 1879. Tous les 5 ans, puis tous les 10 ans et enfin désormais tous les 20 ans, une bouteille est extraite pour tester les graines qu'elle contient.

    Les « mauvaises herbes » poussent toujours

    Les scientifiques qui ont procédé à un prélèvement en 2021 rappellent aujourd'hui dans le American Journal of Botany que la plupart des 23 espèces de l'expérience ont perdu leur viabilité au cours des 60 premières années. Mais ils notent que certaines continuent de pousser après plus de 140 ans sous terre. Des graines du genre Verbascum, des molènes, comme on les appelle communément. « Une grande surprise pour moi », confie Frank Telewski, botaniste, dans un communiqué de la Michigan State University.

    La question posée par William Beal reste donc entière. Alors l'expérience se poursuit puisque quatre bouteilles restent enterrées. De quoi tester des graines jusqu'en 2100. Et elle prend même une nouvelle importance. « Notamment pour la conservation des espèces rares et la restauration des écosystèmesécosystèmes. Les plantations de prairies sur d'anciennes terres agricoles, par exemple, explique Lars Brudvig, professeur de biologie végétale. Nos résultats aident à déterminer quelles espèces de plantes, comme Verbascum, pourraient constituer des mauvaises herbes problématiques pour un projet de restauration, et quelles autres espèces pourraient ne pas l'être, en fonction de la duréedurée pendant laquelle un champ a été cultivé avant d'être restauré. »

    Une plante hybride cachée dans les graines

    Les chercheurs notent aussi que, grâce à un tout premier séquençage de l’ADN des graines enterrées par William Beal, il y a plus de 140 ans, ils ont pu confirmer la nature des espèces représentées. Confirmer aussi ce qu'ils soupçonnaient depuis longtemps : la présence d’un hybride de Verbascum blattaria, ou molène papillon, et de Verbascum thapsus, ou molène commune. Sans doute le résultat d'une erreur de manipulation au moment du lancement de l'expérience.