Gaia continue de permettre de faire de l'archéologie galactique pour la Voie lactée. Les astronomes pensent avoir identifié avec l'aide du satellite deux populations d'étoiles qui auraient appartenu à deux anciennes petites galaxies avalées par la nôtre au début de sa formation, il y a plus de 12 milliards d'années.


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    Fin 2013, le satellite de l'ESA, GaiaGaia, s'élançait en direction du point de Lagrange L2 à environ 1,5 million de kilomètres de la Terre. Il y sera rejoint plus tard par les télescopes James-Webb et Euclid. Gaia est une extraordinaire mission d'astrométrie mesurant comme jamais position, distance et vitesse d'environ 1,5 milliard d'étoiles dans la Voie lactéeVoie lactée et bien d'autres choses encore. Les astronomesastronomes peuvent se servir des données de Gaia pour faire de l'archéologie galactique en fouillant dans les stratesstrates et les regroupements d'étoiles dans notre GalaxieGalaxie. Les orbitesorbites et les compositions des étoiles sont, en effet, un peu comme les dépôts stratigraphiques sur Terre de sédimentssédiments et de tephras volcaniques qui racontent l'histoire de notre Planète bleue.

    Aujourd'hui, deux chercheurs de l'Institut Max-PlanckPlanck d'astronomie situé à Heidelberg en Allemagne, Khyati Malhan et Hans-Walter Rix, viennent de publier dans The Astrophysical Journal un article également en accès libre sur arXiv qui révèle qu'en combinant des données de Gaia concernant des étoiles, dont la composition chimique a été précisée avec les données du célèbre Sloan Digital Sky Survey (SDSS), ils ont mis en évidence des « fossilesfossiles » des matériaux de constructionconstruction de la Voie lactée.


    En 2013, l'ESA lançait l'une des missions phares de la décennie. La sonde Gaia, pendant cinq ans, devait cartographier en 3 dimensions plus d'un milliard d'étoiles avec une précision diabolique. Sa mission a été ensuite prolongée jusqu'en 2025. Il y a dix ans, des chercheurs répondaient aux questions suivantes sur Gaia : Quelles avancées scientifiques peut-on attendre de cette mission ? Quel est le rôle de la France dans Gaia et quelles sont les équipes françaises qui y contribuent ? © Cnes

    Des populations d'étoiles groupées dans un espace de configuration

    Nommés « Shakti » et « Shiva » en référence à la mythologie et à la philosophie hindous, ils semblent être les vestiges de deux galaxies qui ont fusionné il y a entre 12 et 13 milliards d'années avec une première version de la Voie Lactée, contribuant ainsi à la croissance initiale de notre Galaxie. Ils contiennent chacun une dizaine de millions de massesmasses solaires sous forme d'étoiles anciennes.

    À priori, il peut sembler impossible d'identifier des groupes d'étoiles dans une galaxie longtemps après la fusionfusion qui l'a formée, et qui appartenaient aux deux galaxies qui sont entrées en collision. Mais les lois de la mécanique céleste nous le permettent toutefois, aidées par la détermination de la composition chimique des étoiles. Il faut tout de même pour cela disposer des données concernant un grand nombre d'étoiles pour faire des statistiques, et c'est bien ce que Gaia permet avec le SDSS.

    Illustration montrant une vue réelle de la bande de la Voie lactée dans le ciel. Les points jaunes montrent l'emplacement des étoiles du flux Shakti ; les points bleus, l'emplacement des étoiles du flux Shiva. © ESA, Gaia, DPAC, K. Malhan
    Illustration montrant une vue réelle de la bande de la Voie lactée dans le ciel. Les points jaunes montrent l'emplacement des étoiles du flux Shakti ; les points bleus, l'emplacement des étoiles du flux Shiva. © ESA, Gaia, DPAC, K. Malhan

    Avant la fusion, les étoiles ont des énergies cinétiquesénergies cinétiques et des moments cinétiquesmoments cinétiques influencés par l'énergie et le moment cinétique globaux de chaque galaxie l'une par rapport à l'autre. Une fois la fusion effectuée, en raison de la conservation de l'énergie et du moment cinétique dans un champ de gravitationgravitation, les étoiles dans la galaxie finale vont retenir une certaine mémoire de ces quantités initiales pour chaque galaxie.

    Concrètement, on peut placer les valeurs de l'énergie et du moment cinétique des étoiles de la Voie lactée dont les mouvementsmouvements ont été étudiés par Gaia dans ce que l'on peut appeler un espace de configurationespace de configuration avec un axe donnant l'énergie, et un autre le moment cinétique. On constate alors que les étoiles se répartissent dans des concentrations distinctes dans le plan de cet espace de configuration.

    Une idée de l'espace de configuration utilisé par les astronomes sur la gauche. En abscisse, la composante Lz du moment cinétique perpendiculaire au plan galactique ; en ordonnée, l'énergie E des étoiles. On constate ainsi plusieurs « fossiles » de fusions galactiques déjà repérés avant Shiva et Shakti. Les couleurs indiquent aussi des compositions chimiques et donc des anciennetés différentes. © ESA, Gaia, DPAC, K. Malhan et al. (2024)<br type="_moz"> 
    Une idée de l'espace de configuration utilisé par les astronomes sur la gauche. En abscisse, la composante Lz du moment cinétique perpendiculaire au plan galactique ; en ordonnée, l'énergie E des étoiles. On constate ainsi plusieurs « fossiles » de fusions galactiques déjà repérés avant Shiva et Shakti. Les couleurs indiquent aussi des compositions chimiques et donc des anciennetés différentes. © ESA, Gaia, DPAC, K. Malhan et al. (2024)
     

    Des populations d'étoiles de compositions chimiques différentes

    Mais ce n'est pas tout. On sait que les galaxies évoluent chimiquement en raison de la nucléosynthèsenucléosynthèse stellaire et des explosions de supernovae, de sorte qu'elles se forment à partir d'une matièrematière sans cesse plus riche en noyaux plus lourds que l'hydrogènehydrogène, l'héliumhélium et le lithiumlithium. Les astrophysiciensastrophysiciens en parlent comme de métauxmétaux et ils définissent aussi ce que l'on appelle la métallicitémétallicité d'une étoile. Plus une étoile est ancienne, plus son contenu en métaux est faible et sa métallicité basse. La composition moyenne d'une galaxie peut différer d'une autre quelque peu.

    On peut constater que les groupes d'étoiles identifiées dans les données de Gaia par des positions différentes ont aussi des compositions chimiques différentes en moyenne. Au final, c'est ce qui a permis d'identifier les groupes d'étoiles Shakti et Shiva qui proviendraient donc de deux galaxies avalées successivement il y a entre 12 et 13 milliards d'années par la Voie lactée.


    Cette simulation montre comment une galaxie comme la Voie lactée se forme et évolue au fil du temps. Cela s'étend de la naissance de l'Univers (il y a 13,7 milliards d'années) à il y a 3 milliards d'années. La galaxie en formation commence comme un amas de fils de matière noire qui se tricotent ; du gaz et des étoiles commencent alors à se former le long de ces veines brillantes au fil du temps. Un événement majeur dans l’histoire de la Voie lactée est également étiqueté environ une minute plus tard, lorsqu’un autre objet est entré en collision avec la Voie lactée en bas âge. Le gaz est représenté en bleu, les étoiles en blanc, la matière noire en rouge et le fer en vert, comme l'indiquent les étiquettes affichées en bas à gauche. En bas à droite, le temps écoulé est indiqué à la fois par l'étiquette « z » (faisant référence au redshift) et par l'étiquette « GYR » (avec 1 Gyr, ou giga-année, équivalant à 1 milliard d'années). La simulation a été réalisée par Florent Renaud dans le cadre de son projet Vintergatan (Vintergatan étant le mot suédois pour « Voie lactée », signifiant « La rue d'hiver »). © ESA, Vintergatan – Renaud, Agertz et al. (2021)

    Une autre présentation de la mission Gaia. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © European Space Agency, ESA