L'équipe d'Alain Hovnanian (Unité Inserm 563 " Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan " - département de génétique fonctionnelle des maladies des épithéliums) vient de créer un modèle chez la souris qui reproduit fidèlement une maladie génétique rare de la peau : le syndrome de Netherton.

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    Image microscopique des différentes couches de la peau humaine (grossissement x 100)(crédit : INSERM)

    Image microscopique des différentes couches de la peau humaine (grossissement x 100)(crédit : INSERM)

    Caractérisée par un érythème généralisé (rougeur de la peau) avec desquamation, des manifestations allergiques et inflammatoires sévères, cette maladie menace le pronostic vital en période néonatale. Les traitements actuels sont non spécifiques, peu efficaces ou dotés d'effets secondaires qui limitent leur utilisation. Grâce à ce nouveau modèle, les chercheurs ont élucidé le mécanisme moléculaire conduisant à la perte de fonction de barrière cutanée dans cette maladie.

    Cette étude ouvre non seulement la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques, mais permet également de mieux comprendre la biologie de l'épiderme, notamment le rôle essentiel du processus de desquamation dans la fonction protectrice de la peau. Ces résultats de recherche paraissent dans le numéro du mois de janvier de la revue Nature Genetics.

    Décrite il y a 50 ans par Comel et Netherton, cette maladie génétique récessive (ne s'exprime que lorsque les deux copies du gène sont mutées) touche environ un nouveau-né sur 100 000. En 2000, l'équipe d'Alain Hovnanian identifiait, par clonage positionnel (stratégie d'identification des gènes basée sur leur localisation chromosomique) , le gène impliqué : il s'agit de SPINK5 (serine protease inhibitor Kazal type 5). Ce gène code un inhibiteur de protéaseinhibiteur de protéase, LEKTI (lympho-epithelial Kazal type related inhibitor), exprimé dans la couche granuleuse de l'épiderme située sous la couche cornéecouche cornée (voir image). Les mutations de SPINK5 conduisent à une absence complète de la protéineprotéine LEKTI chez les personnes atteintes, ce qui entraîne de profondes perturbations de la barrière cutanée.

    Afin d'étudier et de comprendre le rôle de cet inhibiteur et d'élucider le mécanisme de la maladie in vivoin vivo, les chercheurs ont développé un modèle chez la souris.
    Dans ce modèle, les deux copies du gène SPINK5 ont été inactivées par génie génétiquegénie génétique. Ces souris, dites " Knock-out " (KO) ne produisent pas la protéine LEKTI, tout comme les patients atteints du syndromesyndrome de Netherton. Elles présentent une grande fragilité de la peau qui se décolle par endroits, conduisant à une déshydratationdéshydratation sévère dès la naissance. Les chercheurs ont montré que la couche cornée de ces souris se détache du reste de l'épiderme en raison de la dégradation des systèmes d'adhésion qui lient la couche cornée à la couche granuleuse (systèmes appelés desmosomes). Cette altération est secondaire à l'hyperactivité de protéases de l'épiderme qui, en l'absence d'inhibitioninhibition par LEKTI, dégradent un des composants clés des desmosomes, la Desmogléine 1. LEKTI joue donc un rôle majeur dans la régulation du processus de desquamation de l'épiderme en contrôlant la dégradation de ces structures d'attachement. Les souris KO présentent également des anomaliesanomalies importantes des poils, démontrant que LEKTI est essentiel à la formation des folliculesfollicules pileux.

    Jusqu'à présent, les traitements du syndrome de Netherton étaient non spécifiques : émollients, antiseptiquesantiseptiques ou corticoïdescorticoïdes. Malgré des progrès thérapeutiques récents, ceux-ci restent inadaptés en raison des effets secondaires immunosuppresseurs. L'équipe d'Alain Hovnanian étudie aujourd'hui deux stratégies thérapeutiques prometteuses : l'une utilise des fragments recombinants de la protéine LEKTI pour pallier l'absence de cet inhibiteur ; l'autre vise à inhiber spécifiquement les protéases hyperactives identifiées, à l'aide de petites moléculesmolécules chimiques de synthèse. Ces deux approches ont pour objectif d'empêcher la perte d'adhésion de la couche cornée de l'épiderme et de rétablir une barrière cutanée normale.

    Ces travaux ouvrent non seulement la voie à de nouvelles approches thérapeutiques du syndrome de Netherton, mais apportent aussi de nouvelles connaissances sur la biologie de l'épiderme et sa desquamation. Ils ont révélé le rôle essentiel de l'équilibre entre protéases de l'épiderme et leurs inhibiteurs pour maintenir la fonction de barrière protectrice de la peau. D'ores et déjà, les chercheurs évaluent l'impact de ces résultats sur l'étude d'autres maladies dermatologiques plus répandues, comme la dermatite atopiquedermatite atopique PrédispositionPrédisposition génétique à l'allergieallergie très fréquente dans les pays industrialisés (10 à 20% des enfants sont atteints) (ou eczémaeczéma) ou le psoriasispsoriasis.