Le 5e rapport du Haut Conseil pour le Climat (HCC) vient d’être publié. Il fait un état des lieux sans concession de l’action en matière de lutte contre le changement climatique anthropique en France. Avec un constat inquiétant : nos puits de carbone sont à la peine !


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    « La baisse rapide des émissionsémissions de gaz à effet de serre est plus que jamais essentielle pour contenir l'intensification des risques climatiques durables. » C'est l'un des messages forts envoyés par Corinne Le Quéré, la climatologueclimatologue présidente du Haut Conseil pour le Climat (HCC) à l'occasion de la parution du 5e rapport rendu par l'organisme chargé d'évaluer l'action publique en la matièrematière. La bonne nouvelle, c'est qu'en France, la baisse des émissions brutes se poursuit : -2,7 % en 2022, soit moins 11 millions de tonnes de CO2.

    À cette baisse, on pourrait espérer ajouter le bénéfice apporté par nos puits de carbone, censés capturer et séquestrer naturellement du CO2. Censés parce que la pompe semble aujourd'hui en panne. En 2021, les forêts et les sols ont absorbé environ 21 % de carbonecarbone en moins qu'en 2020. Les chiffres pour 2022 ne sont pas encore disponibles. « Mais, compte tenu de la sécheresse et des incendies que notre pays a connus l'année dernière, il est très vraisemblable qu'ils s'affichent encore plus à la baisse », commente Jean-François Soussana, vice-président de l'Institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et membre du HCC.

    L'inventaire de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) confirme la tendance. Au cours de la dernière décennie, la mortalité des forêts françaises a augmenté de 50 %. Et la croissance des arbres s'est ralentie. Ce sont là quelques-unes des conséquences du changement climatique induit par les hommes.

    Il y a urgence à agir

    « Pour régénérer nos forêts, nous avons besoin d'une action de grande ampleur, remarque Jean-François Soussana. D'une action qui porteporte aussi bien sur les peuplements qui ont été incendiés que sur ceux qui sont en train de dépérir, ceux qui sont particulièrement vulnérables au changement climatiquechangement climatique. C'est essentiel si nous espérons profiter de puits de carbone en 2050, au moment où nous nous engagerons sur la neutralité et où ces puits de carbone devront compenser nos émissions résiduelles ».

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    « Planter un milliard d’arbres en France d’ici 2030 » : est-ce possible et souhaitable ?

    Des objectifs ont été annoncés en la matière. Des objectifs ambitieux pour certains. « Planter un milliard d'arbres d'ici 2030. » C'est ce qu'annonçait récemment notre président de la République. « Mais cela nous renvoie à nos stratégies de mise en œuvre, prévient Jean-François Soussana. Il faudra régionaliser les actions en tenant compte de la nature des peuplements forestiers à régénérer. En tenant compte aussi des évolutions prévues du climat. Parce qu'une fois planté, un arbre doit "tenir" entre 50 et 100 ans. Les choix des essences devront donc se faire en fonction de ce que nous savons des impacts du changement climatique sur lesdites essences. Faut-il privilégier la régénération naturellerégénération naturelle ou planter à grande échelle ? Les débats font ragerage. Et puis, il ne faut pas négliger la difficulté que va poser notre capacité à avoir des plants forestiers en nombre suffisant. Ainsi que la quantité de travail et l'effort financier qui y seront associés ».

    Mais, dans ce domaine là aussi, il y a urgence à agir. « Si nous voulons permettre aux forêts françaises de "tenir" le coup, les moyens devront être déployés sur les 10 ans à venir. Après, il risque d'être trop tard », assure le vice-président d'Inrae. Tout en rappelant que les sols constituent un autre puits de carbone à ne pas négliger. Les sols de nos forêts, mais aussi les sols agricoles. « Il serait important de développer les capacités de ces puits de carbone. En augmentant par exemple la couverture des sols et en créant ainsi des possibilités de stockage accrues », précise Jean-François Soussana.

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    Pour les forêts, trop… c’est trop !

    En attendant, le 5e rapport du HCC rappelle que le budget carbone des émissions nettes -- celles qui incluent les puits de carbone -- établit par la loi Climat ÉnergieÉnergie de 2019 pour la période allant jusqu'à 2023 avait déjà été dépassé en 2019. Puis, en 2021. Et, cela reste à confirmer avec les données actualisées, mais il pourrait une fois encore l'être en 2022. Entre autres parce que « les puits de carbone diminuent alors qu'ils devraient fortement augmenter », note Corinne Le Quéré.

    Résultat, « 2022 a été emblématique de l'intensification des effets du changement climatique en France ». Une année record. Exceptionnellement chaude. Avec un réchauffement de 2,9 °C par rapport à l'ère préindustrielle. Un déficit de précipitation de 25 % par rapport aux 30 dernières années. Comme si la Planète voulait ainsi nous rappeler que la France, avec un réchauffement plus élevé que la moyenne -- quelque 1,9 °C en plus depuis l'ère préindustrielle contre +1,15 °C au niveau mondial -- est particulièrement exposée aux conséquences du changement climatique. « Mais elle n'est pas prête à y faire face », souligne Corinne Le Quéré qui nous parlera « adaptation » dans un prochain sujet.