En début d’année, une enquête menée en Caroline du Nord révélait l’étonnante biodiversité qui se cache dans nos maisons. Une étude complémentaire montre que pas moins de 600 espèces d’arthropodes vivent aujourd’hui dans les foyers américains. De quoi mieux comprendre comment ces petites bêtes affectent notre santé et notre qualité de vie.


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    Pour se faire une idée précise des populations d'arthropodes - araignées, acariens, tiques et autres insectes - qui peuplent nos maisons, des chercheurs de la North Carolina State University et de l'University of Colorado Boulder ont opté pour le séquençageséquençage ADNADN haut débitdébit. Les échantillons analysés proviennent de poussières ramassées par 700 ménages répartis dans 48 états des États-Unis. Et plus de 600 espèces différentes d'arthropodes ont ainsi été démasquées.

    Des acariens aux cafards, la poussière de nos maisons grouille littéralement de petites bêtes en tous genres. C’est ce que confirme une étude américaine. Ici, une image au microscope électronique à balayage de poussières domestiques qui révèle, en fausses couleurs, des acariens, du pollen et d'autres fibres. © Anne A. Madden, Robert Mcgugan et Robin Hacker-Cary, <em>University of Colorado, Boulder Nanomaterials Characterization Facility</em>
    Des acariens aux cafards, la poussière de nos maisons grouille littéralement de petites bêtes en tous genres. C’est ce que confirme une étude américaine. Ici, une image au microscope électronique à balayage de poussières domestiques qui révèle, en fausses couleurs, des acariens, du pollen et d'autres fibres. © Anne A. Madden, Robert Mcgugan et Robin Hacker-Cary, University of Colorado, Boulder Nanomaterials Characterization Facility

    Les facteurs qui influent la biodiversité

    L'étude a également été l'occasion pour les chercheurs d'identifier les environnements les plus propices à la biodiversitébiodiversité dans les foyers américains. Ainsi, par exemple : la présence d’un chien ou d'un chat, l'environnement rural ou la présence d'un sous-sol. Des variables qui semblent généralement plus influentes sur la diversité des espèces d'arthropodes que le climatclimat lui-même.

    Les résultats obtenus par l'équipe américaine mettent tout de même en lumièrelumière le lien entre certaines populations et la météométéo locale. Ainsi, les acariens de la poussière - particulièrement allergènesallergènes - sont plus représentés dans les foyers établis dans les régions humides du pays. Le cafard Turkestan quant à lui, traditionnellement confiné aux régions du sud et l'ouest, semble coloniser peu à peu celles du nord et de l'est.

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    Plusieurs dizaines d’espèces d’arthropodes dans nos maisons

    Article initial de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet, paru le 24/01/2016

    Dans chaque maison vivraient en moyenne environ cent d'espèces d'arthropodes, des insectes aux araignées en passant par les acariens et les crustacéscrustacés. C'est l'étonnant résultat d'une enquête menée aux États-Unis qui révèle une biodiversité méconnue.

    Aux États-Unis, plus précisément en Caroline du Nord, sur la côte Atlantique, des chercheurs de la NC State University sont partis en exploration dans 50 maisons individuelles autour de Raleigh, la capitale de cet État, comme d'autres s'enfoncent dans les forêts tropicalesforêts tropicales ou les grands fonds océaniques. Le but était de compter le nombre d'espèces différentes peuplant les habitations, mis à part les humains et les animaux de compagnie. Délaissant les bactériesbactéries, les plantes, les champignonschampignons et les limaces égarées, les chercheurs, menés par Matthew Bertone, se sont focalisés sur le plus vaste groupe animal de la planète : les arthropodes, autrement dit les insectes, les araignées, les acariens, les mille-pattes et autres myriapodes sans oublier les crustacés isopodes, c'est-à-dire les cloportes. Selon les auteurs, c'est la première étude du genre menée aux États-Unis, plaçant les habitats humains parmi les lieux les plus méconnus de la zoologie et de l'écologieécologie.

    Le résultat, paru dans la revue Peer, en libre accès, leur a semblé étonnant : chacune des 50 maisons passées au crible abrite entre 32 et 211 espèces, avec une moyenne d'environ 100. C'est cette biodiversité qui surprend. Dans chaque habitation, les chercheurs ont dénombré entre 24 et 128 familles différentes d'arthropodes.

    Les groupes d'arthropodes les mieux représentés en nombre d'espèces (et pas en nombre d'individus) dans 50 maisons individuelles dans et autour de Raleigh, capitale de l'État de Caroline du Nord, sur la côte est des États-Unis. © Bertone <em>et al.</em>
    Les groupes d'arthropodes les mieux représentés en nombre d'espèces (et pas en nombre d'individus) dans 50 maisons individuelles dans et autour de Raleigh, capitale de l'État de Caroline du Nord, sur la côte est des États-Unis. © Bertone et al.

    Une biodiversité adaptée depuis longtemps à l'habitat humain

    Pour la biodiversité, les grands gagnants sont les insectes, avec les diptèresdiptères (les mouches et les moustiquesmoustiques), les coléoptères (coccinelles, scarabées...) et les hyménoptères (les fourmisfourmis). À eux quatre, ces groupes (des ordres dans la classification classique) représentent 73 % des espèces.

    D'autres groupes sont présents mais de manière occasionnelle, comme les mille-pattesmille-pattes et les criquets, qui n'ont rien à faire là. Dans les maisons de Caroline du Nord, les blattes ne représentent que 4 % des espèces, les puces 2 % et les cloportes 2 % également. Il s'agit bien de biodiversité, donc de nombre d'espèces et pas d'individus. Des puces sont en effet retrouvées dans 100 % des maisons étudiées et les blattes dans 82 %. Dans leur examen attentif, les chercheurs, qui disent avoir fouillé tous les recoins possibles de chaque maison, n'ont trouvé que 5 pièces parmi les 554 qu'ils ont inspectées dans lesquelles ne se trouvait aucun arthropode.

    La plupart des espèces ne sont pas nuisibles. Celles-là ne nous gênent pas et nous les ignorons. Chacun vit sa vie de son côté, mais sous le même toittoit« Nous pensons vivre dans des environnements stériles mais ils ne le sont pas, commente Matthew Bertone dans le communiqué de l'universitéNous partageons l'espace avec de nombreuses espèces différentes, la plupart étant inoffensives. Le fait que vous ne les connaissiez pas montre surtout combien nous interagissons peu avec elles. »

    À part des insectes phytophagesphytophages malchanceux, entrés par hasard, comme les criquets, les espèces présentes sont remarquablement adaptées aux habitats humains. Pas étonnant, expliquent les auteurs de l'étude, qui rappellent que des restes d'insectes et d'araignées ont été retrouvés dans des grottes fréquentées par des Hommes il y a fort longtemps. Les parasites ont évolué avec les êtres humains, mais les hôtes discrets de nos habitations, qu'un biologiste pourrait appeler des commensaux, nous ont suivis aussi...