La mémoire épisodique n’est pas l’apanage des humains, ni même des primates. Les chiens la connaissent aussi. C’est ce que viennent de découvrir des chercheurs hongrois. Voilà qui nous fait revoir à la hausse les capacités cognitives du meilleur ami de l’Homme et qui confirme que cette faculté existe chez d’autres espèces.

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    Grâce à la mémoire épisodique, nous nous souvenons d'un événement avec tout son contexte (la date, le lieu, les émotions du moment...). Théorisée d'abord chez l'espèce humaine, elle est longtemps restée ignorée dans le monde animal. Les expériences pour la mettre en évidence ne sont, il est vrai, pas faciles à mener. Pourtant, les preuves se sont accumulées lors des dernières décennies. Comme nous le relations en 2013, après les geais, les seiches semblent en être pourvues...

    Aujourd'hui, place aux chiens avec une expérience élégante réalisée par l'équipe hongroise menée par Claudia Fugazza, du MTA-ELTE Comparative Ethology Research Group et qui présente ses résultats dans la revue Current Biology. Ces éthologistes ont préalablement entraîné 17 chiens à imiter un geste qui vient d'être effectué par l'expérimentateur. Ils nomment leur méthode « Fais comme je fais ». Dans une vidéo présentée sur YouTubeYouTube et commentée en anglais, les chercheurs présentent cet apprentissage.

    La méthode du « fais comme j'ai fais » : le chien a vu l'expérimentatrice aller toucher le parapluie. Lorsqu'elle lui en donne l'ordre, l'animal va effectuer le même geste. Cet entraînement préalable a permis ensuite de vérifier que le chien peut se souvenir d'un geste de ce genre qu'il a vu incidemment, sans y prêter une attention particulière, dans une précédente interaction avec un humain. © Claudia Fugazza <em>et al.</em>

    La méthode du « fais comme j'ai fais » : le chien a vu l'expérimentatrice aller toucher le parapluie. Lorsqu'elle lui en donne l'ordre, l'animal va effectuer le même geste. Cet entraînement préalable a permis ensuite de vérifier que le chien peut se souvenir d'un geste de ce genre qu'il a vu incidemment, sans y prêter une attention particulière, dans une précédente interaction avec un humain. © Claudia Fugazza et al.

    Les chiens qu'ils ont entraînés ainsi sont capables de répéter des gestes sans intérêt pour eux (mettre la patte sur un parapluie posé au sol, ouvrir un tiroir, faire un tour sur soi-même...). L'expérience sur la mémoire épisodique commence là. Les chercheurs ont alors entraîné les chiens à s'allonger sur un petit tapis lorsqu'on le leur demande et ce après avoir fait quelque chose (par exemple toucher le parapluie).

    L'expérimentateur surprend alors le chien qui vient de s'allonger en lui donnant l'ordre « fais comme je fais ». L'animal doit donc se souvenir du comportement précédent de l'expérimentateur alors que pour lui, il ne revêtait à ce moment aucune importance particulière, et au moment où il reçoit l'ordre, il ne s'attend pas à ce qu'on lui demande de répéter un geste.

    La mémoire épisodique du chien subsiste un certain temps

    Résultat positif : les chiens répètent très bien le geste qu'ils venaient de voir. La mémoire épisodiquemémoire épisodique existe donc, au moins quelques instants. Pour mesurer sa persistance, l'équipe a répété l'expérience mais en attendant une minute puis une heure avant de donner l'ordre de répéter le geste. Les chiens réussissent l'exercice, à la différence qu'ils mettent davantage de temps à réaliser le geste demandé.

    Les auteurs concluent que cette mémoire épisodique doit être présente chez de nombreux animaux, et doit sûrement leur permettre de mieux s'adapter à leur environnement. Pour eux, le chien est un bon modèle pour étudier cette faculté. Les propriétaires de chiens sont donc prévenus : leur compagnon les observe et se souvient de beaucoup de choses. Il est vraisemblable que ce ne sera pas une grande surprise pour eux...


    Comment mesurer l’intelligence de son chien

    Un sujet de Londres-AFP paru le 10/2/2016 à 10:36

    Des chercheurs britanniques ont mis au point une série de tests permettant de mesurer l'intelligenceintelligence des chiens, ainsi que la corrélation avec la longévité.

    Les chercheurs de la London School of Economics (LSE) et de l'université d'Édimbourg ont testé 68 border collies, « premier pas dans la mise au point d'un test de QI vraiment fiable pour les chiens », selon Rosalind Arden, assistante de recherche. Ils ont construit une grange spécialement pour mesurer leur capacité d'orientation, leur vitessevitesse et leurs aptitudes à suivre des indications gestuelles.

    L'un des tests, effectué avec des chiens actifs dans des fermes du pays de GallesGalles, consistait à se frayer un chemin jusqu'à de la nourriture, visible mais située derrière une barrière. Un autre mesurait la rapidité avec laquelle le chien allait choisir entre la plus garnie de deux gamelles.

    L’un des tests, effectué avec des chiens actifs dans des fermes du pays de Galles, consistait à se frayer un chemin jusqu’à de la nourriture, visible mais située derrière une barrière. © Anna Tyurina, shutterstock.com

    L’un des tests, effectué avec des chiens actifs dans des fermes du pays de Galles, consistait à se frayer un chemin jusqu’à de la nourriture, visible mais située derrière une barrière. © Anna Tyurina, shutterstock.com

    L'épidémiologie dognitive

    Les chercheurs soulignent qu'il est « plus facile de mesurer les différences d'intelligence et la relation entre longévité et intelligence chez les chiens » que chez les humains, en l'absence de facteurs brouillant les lignes comme l'alcoolalcool, la cigarette ou le milieu socio-économique. Les chiens développent tout comme leurs maîtres de la démencedémence sénile, donc les résultats peuvent être comparés, assurent les chercheurs dans leur étude publiée par la revue Intelligence.

    « Pour une même race de chien, les scores sont différents. Un chien rapide et précis dans une tâche aura tendance à l'être dans une autre également », soulignent les chercheurs. Cette étude « fournit des informations cruciales sur la relation entre l'intelligence et la santé, le vieillissement et la mortalité », assurent-ils.

    Pour Mark Adams, de l'université d'Édimbourg, la recherche pourrait fonder une « épidémiologie "dognitive" » : « les chiens sont excellents pour ce genre de travail parce qu'ils veulent participer et ils ont même l'airair contents ! » a-t-il noté.