La mission Messenger de la Nasa autour de Mercure se termine. Après quatre années d’activité, le bilan scientifique est excellent et offre un nouveau visage de cette petite planète, qui n’est pas un monde aussi austère que le montrent les clichés de sa surface fortement cratérisée. Son exploration va se poursuivre avec BepiColombo, une mission conjointe entre les agences spatiales européenne et japonaise, lancée en 2017. Ses concepteurs tiendront compte des résultats de Messenger, comme nous l'explique Johannes Benkhoff, responsable scientifique de BepiColombo à l’ESA.

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    Plus de dix ans après son lancement, la sonde Messenger de la Nasa s'apprête à terminer sa mission autour de Mercure en s'écrasant sur la planète, faute de carburant. Sa chute est prévue autour du 30 avril. Elle touchera le sol à la vitesse de 3,9 kilomètres par seconde formant un cratère sur la face visible depuis la Terre mais qui ne pourra pas être vu depuis notre planète.

    Lorsqu'elle est lancée en août 2004, cette sonde de la Nasa se dirige vers une planète alors méconnue, la moins explorée du Système solaire interne. MessengerMessenger est seulement le deuxième engin spatial à la rejoindre après la sonde américaine Mariner 10Mariner 10 au milieu des années 1970 qui en a réalisé seulement trois survolssurvols. Le 18 mars 2011, elle devient le premier engin à se mettre en orbite autour de Mercure.

    Sa mission initiale ne devait durer qu'une petite année mais le bon fonctionnement de la sonde a conduit les responsables de la mission à étendre sa duréedurée de vie aussi longtemps que possible. Il est trop tôt de parler d'héritage, tant les données à exploiter sont encore nombreuses, mais on peut déjà affirmer que, pour la première fois dans l'histoire, nous avons maintenant une connaissance profonde de Mercure.

    Sur cette photo du pôle nord de Mercure sont indiquées en jaune les zones où le radiotélescope d'Arecibo avait détecté des signatures de la présence de glace, confirmée par la sonde Messenger. © Nasa, <em>Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory</em>, <em>Carnegie Institution of Washington</em>

    Sur cette photo du pôle nord de Mercure sont indiquées en jaune les zones où le radiotélescope d'Arecibo avait détecté des signatures de la présence de glace, confirmée par la sonde Messenger. © Nasa, Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory, Carnegie Institution of Washington

    Messenger a étudié l'eau de Mercure

    Malgré sa ressemblance avec la LuneLune, cette planète est un monde bien plus fascinant que ne le laisse imaginer sa surface fortement cratérisée. Les scientifiques ont pu y observer une des étapes les plus importantes de l'histoire des planètes internes, celle de l'apport d'eau et de matièrematière organique (c'est-à-dire composée de moléculesmolécules à base de carbonecarbone) par des astéroïdesastéroïdes ou des comètescomètes. Sur Terre, la chimiechimie prébiotiqueprébiotique a dû commencer ainsi. Messenger a en effet découvert dans ses régions polaires de vastes quantités de glace, additionnée d'autres composés, gelés et volatils, recouvertes par une couche de 10 à 20 centimètres d'épaisseur d'un matériaumatériau sombre, probablement un mélange organique complexe apporté sur Mercure par des impacts de comètes et d'astéroïdes.

    On le voit, les connaissances actuelles de Mercure ont principalement été acquises par Messenger et s'il a fallu attendre plus de trois décennies entre Mariner 10 et Messenger, il ne faudra pas attendre aussi longtemps pour voir une autre sonde s'envoler à destination de cette planète. La prochaine mission est déjà en développement. Il s'agit de la sonde BepiColombo de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne à laquelle à laquelle participe le Japon. Son lancement est prévu en 2017 par une Ariane 5Ariane 5, l'arrivée autour de la planète Mercure devrait se faire en 2024.

    Cette mission se compose de plusieurs modules, dont trois fournis par l'Europe :

    • l'orbiteur MPO (Mercury Planetary OrbiterOrbiter), avec ses onze instruments dédiés à la cartographie et l'étude de la surface de Mercure et de son atmosphèreatmosphère ;
    • le bouclier solaire, pour protéger l'engin des quelque 350 °C au voisinage de Mercure ;
    • le module de transfert MTM (Mercury Transfer Module), qui assurera l'alimentation électrique et la propulsion pour le voyage Terre-Mercure;
    • l'orbiteur MMO (Mercury Magnetospheric Orbiter), fourni par le Japon, étudiera le champ magnétiquechamp magnétique de Mercure grâce à ses cinq instruments.

    Comme nous l'explique Johannes Benkhoff, le responsable scientifque de BepiColombo à l'Agence spatiale européenne, « les résultats scientifiques de Messenger auront un impact sur les futures opérations de BepiColomboBepiColombo » car ils ont amélioré notre connaissance de l'orbite de Mercure et permis de réaliser les meilleures éphémérides jamais produites pour cette planète.

    Certains paramètres orbitaux mesurés par Messenger étaient en effet quelque peu différents de ceux supposés lors de la conception de BepiColombo. En conséquence, « l'orbite des deux orbiteurs de la mission s'annonce moins stable que prévu ». Afin d'éviter qu'ils s'approchent trop près de la surface de la planète, le point bas de l'orbite des deux engins sera rehaussé, de 400 à 480 kilomètres d'altitude.

    Les deux orbiteurs de la mission BepiColombo de l'Esa, à laquelle participe le Japon. Elle s'installera autour de Mercure en 2024. © Esa

    Les deux orbiteurs de la mission BepiColombo de l'Esa, à laquelle participe le Japon. Elle s'installera autour de Mercure en 2024. © Esa

    Une mission dans la continuité de Messenger

    Globalement, les objectifs scientifiques de BepiColombo ne varieront pas. « Les deux missions ont été conçues à peu près à la même époque et ces objectifs reflètent les questions d'alors. » Aujourd'hui, même si Messenger a apporté un certain nombre de réponses, beaucoup d'entre elles restent d'actualité et de nouvelles questions ont été soulevées par les résultats de la sonde de la Nasa. « Bien évidemment, nous allons en tenir compte dans notre stratégie d'observation de Mercure. [Et ce d'autant plus facilement que] la planification des observations détaillées n'a pas encore débuté. »

    De plus, BepiColombo embarque des instruments qui ne sont pas à bord de Messenger, comme un spectromètrespectromètre infrarougeinfrarouge thermique (Mertis), un accéléromètreaccéléromètre (ISA), un transpondeur utilisé pour une expérience d'occultationoccultation radio (More). « BepiColombo s'inscrira dans la continuité de Messenger avec une certaine cohérence. »

    De nombreux résultats de Messenger seront vérifiés par la sonde européenne. C'est le cas du dipôle magnétique dont les mesures effectuées par Messenger diffèrent de celles de Mariner 10. La sonde a constaté qu'il n'était pas centré sur le milieu de la planète mais décalé de 400 kilomètres vers le nord. BepiColombo le mesurera également mais, « compte tenu de son orbite plus favorable et d'une bien meilleure couverture de l'hémisphère sudhémisphère sud, il n'est pas exclu qu'elle découvre quelque chose de différent ».

    C'est également le cas de dépôts de matériaux brillants que Messenger a observés sans permettre de trouver une explication sur leur nature, leur composition et l'origine de leur formation.