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Alan Turing est devenu plus célèbre après la sortie du film Imitation Game montrant comment l'un des pères de l'informatique a contribué à vaincre l'Allemagne nazie en brisant les codes des communications avec les sous-marinssous-marins. Ce fait d'armes du savant britannique est resté longtemps un secret d'État. D'autres accomplissements du chercheur sont moins connus, y compris dans la communauté scientifique. On peut citer par exemple ses travaux sur une théorie de la morphogénèse en biologie.
Récemment, Jack Copeland, professeur à l'université de Canterbury (UC), de Christchurch (Nouvelle-Zélande), à l'origine d'un site très complet sur Alan Turing, a rejoint le compositeur Jason Long dans un projet de restauration d'un enregistrement de 1951. Une équipe de la BBC l'avait réalisé dans les locaux du Computing Machine Laboratory de l'université de Manchester où travaillait alors Alan TuringAlan Turing.
Alan Turing se tient à droite de l'ordinateur du Computing Machine Laboratory de l’université de Manchester. Cette vidéo contient l'enregistrement des premiers extraits de musique générés par ordinateur en 1951. © University of Manchester School of Computer Science, YouTube
Turing et Strachey, les pères de la musique sur ordinateur
Cet enregistrement se présentait initialement sous la forme d'un disque acétate (à ne pas confondre avec un vinyl) retrouvé en 2008. Copeland et Long ont détaillé sur un des blogs de The British Library l'histoire de ce disque et de sa restauration. Il ne s'agit rien de moins que, très probablement, du premier enregistrement témoignant de la naissance de la musique électronique.
À l'époque, le jeune Christopher Strachey (1916-1975), en train de devenir l'un des plus grands informaticiens, développait certaines des idées d'Alan Turing sur le premier ordinateur électronique généraliste commercialisé du monde, le Ferranti Mark 1, également connu sous le nom de Manchester Electronic Computer. Dès la fin des années 1940, Turing avait réussi à faire jouer des sons individuels à un ordinateur, mais seulement dans le but de signaler le franchissement d'étapes dans le déroulement des algorithmes programmés sur la machine.
Strachey en avait déduit que l'on pouvait aller plus loin et faire carrément jouer des morceaux de musique à un ordinateur. Ce n'était au fond guère difficile à faire et d'ailleurs dans les années 1960, encore adolescent, le jeune Ray Kurzweil mit à profit ses connaissances en informatique pour passer à la télévision avec un programme capable de composer de la musique.
Le succès de Strachey peut se constater en écoutant l'enregistrement restauré durant deux minutes avec un extrait de l'hymne britannique God Save The King (le roi George VI règnait alors sur le Royaume-Uni), suivi de la comptine Baa Baa Black Sheep (une variante de la mélodie française d'Ah ! vous dirai-je, maman, qui date de 1761), puis du célèbre thème de jazz de Glenn Miller In The Mood. À écouter dans la vidéo ci-dessus.