Normalien, agrégé de mathématiques et titulaire d'une maîtrise d'histoire des religions, Hervé Lehning se consacre entièrement, depuis 2010, à la vulgarisation scientifique, en mathématiques, en informatique et en cryptologie. Dans cette vidéo, il donne quelques idées simples pour dédramatiser et faciliter l’accès aux mathématiques.


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    On entend souvent dire qu'il n'est pas d'apprentissage des mathématiques sans larmeslarmes. Nombreux sont ceux, sans doute, qui ne retiennent des mathématiques que l'idée d'une pratique technique et aride, où le raisonnement logique domine. Idée qui semble n'avoir rien en commun avec l'émotion, la créativité et la beauté, toutes choses que le poète, le musicien, le peintre ou autres artistes mettent en avant quand ils parlent de leurs travaux. Les mathématiques seraient de toute façon réservées à des sortes de mutants, en particulier à haut niveau, et donc inaccessibles au commun des mortels.

    En fait, il ne s'agit que de préjugés qui se forment en raison souvent de mauvais professeurs, ou d'un enseignement exagérément abstrait qui peut rebuter et produire de l'incompréhension. On sait d'ailleurs les dégâts et les allergiesallergies qu'ont produit en France il y a plus de 40 ans les tentatives pour enseigner trop précocement les maths modernes comme on dit, en prenant appui sur la présentation et le projet du fameux groupe Bourbaki.

    Or, plusieurs des membres de ce groupe et leurs élèves n'étaient pas favorables à cette révolution, sachant très bien qu'il fallait respecter les étapes de la formation du processus d'abstraction des mathématiques, et surtout chercher à comprendre et ne pas apprendre bêtement les choses.

    Des mathématiques concrètes et artistiques pour les débutants

    Hélas le mal avait été fait, conduisant aussi parfois à une situation que dénonçait à haut niveau le mathématicienmathématicien Vladimir Arnold. Parlant de son premier contact avec l'enseignement en France, il n'hésita pas à dire : « J'ai été stupéfait d'apprendre qu'ici les étudiants ne connaissent pas les meilleurs livres d'enseignement des méthodes mathématiques (qui ne sont d'ailleurs pas tous traduits en français, semble-t-il) : Nombres et chiffres de Hans Rademacher et Otto Toeplitz, La géométrie et l'imagination de Hilbert-Cohn-Vossen, Qu'est-ce que les mathématiques ? de Courant-Robbins, Comment poser et résoudre un problème ? et Les mathématiques et le raisonnement de George Polya. »

    Un autre obstacle à l'enseignement de l'attrait des mathématiques est qu'il cache facilement, à un niveau relativement élémentaire, qu'il y a un lien profond entre l'activité d'un mathématicien et celle d'un artiste. Ceci expliquant pourquoi cette affirmation est généralement déconcertante pour les non-mathématiciens.

    Pourtant, les mathématiciens (et il n'est nul besoin d'entendre par là uniquement les mathématiciens professionnels) ont une toute autre vision des choses. Quelques-uns vont peut-être dire qu'ils aiment résoudre des énigmes et des puzzles, mais tous témoignent d'expériences émotionnelles intenses, parfaitement comparables à celles qu'éprouve un artiste. À en entendre certains, le besoin de faire des mathématiques et la fascination esthétique qu'elles engendrent, qu'elles soient pures ou appliquées aux sciences comme la physique théorique, sont aussi impérieux et irrésistibles que ceux à l'origine des œuvres d'artistes comme Hölderlin, Léonard de Vinci ou Bach. Les théories et les équations mathématiques, même celles que l'on retrouve en physique théorique (des équations de la relativité générale à celles de la théorie quantique des champs, en passant par les équations de Maxwell et de Navier-Stokes)), sont perçues comme des œuvres d'art à part entière.

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