Une étude menée en Suède sur plus de 59 000 hommes gagnant divers montants de revenus montre qu’au-delà d’un certain seuil, l’argent n’est pas gage d’intelligence. D’autres facteurs peuvent expliquer la réussite professionnelle.


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    Les personnes qui gagnent le plus d'argentargent sont-elles vraiment celles dont les capacités cognitives sont les plus élevées ? Pas tout à fait, d'après une nouvelle étude de l'université de Linköping (Suède) qui remet en cause la méritocratie, ce système social dans lequel le statut dans la vie dépend surtout du talent, des capacités et des efforts. Si des études antérieures ont montré que la réussite professionnelle augmente avec les capacités cognitives, on ignore si des salaires extrêmement élevés sont vraiment le signe d'une intelligence extrême.

    Atteinte d’un « plafond d’intelligence » au-delà de 60 000 euros par an

    « Nous constatons que la relation entre les capacités et le salaire est forte dans l'ensemble, mais qu'au-delà de 60 000 euros (64 407 dollars) par an, les capacités plafonnent à un niveau modeste de +1 écart-type », écrivent les chercheurs de l'université de Linköping, de l'Institut universitaire européen en Italie et de l'université d'Amsterdam dans leur article publié dans la European Sociological Review. « Les 1 % les plus riches obtiennent même des résultats légèrement moins bons en matièrematière de capacités cognitives que ceux des stratesstrates de revenus situées juste en dessous. » Le résultat est important car il faut savoir que les 1 % les plus riches gagnent des salaires deux fois plus élevés que ces personnes situées « juste en dessous » ! De quoi accentuer les inégalités, sans nécessairement de mérite.

    Les résultats compilent les données de plus de 59 000 hommes suédois ayant passé un test de conscription militaire à l'âge de 18 ou 19 ans. L'échantillon est relativement important et couvre une variété de niveaux de rémunération et de professions. Cependant, les résultats restent limités en matière de nationalité et de sexe, comme le notent les auteurs : « Il est important de savoir si nos résultats se généralisent à l'ensemble de la population active. Nous invitons à poursuivre les recherches en incluant les femmes et les citoyens de différentes origines ethniques. » En outre, l'étude ne tient pas compte de l'effort ou des capacités non cognitives (motivation, compétences sociales, créativité, etc.).

    Aptitude et salaire. (A) Salaire moyen par unités d'aptitude 1-9 et scores z correspondants. (B) Capacité moyenne par salaire moyen par percentile de salaire. (C) Capacité moyenne par percentile de salaire. © Keuschnigg <em>et al. European Sociological Review</em> (2023)
    Aptitude et salaire. (A) Salaire moyen par unités d'aptitude 1-9 et scores z correspondants. (B) Capacité moyenne par salaire moyen par percentile de salaire. (C) Capacité moyenne par percentile de salaire. © Keuschnigg et al. European Sociological Review (2023)

    Influence du milieu familial et de la chance

    Dès lors, comment expliquer la réussite professionnelle autrement que par l'intelligence ? Les chercheurs de l'étude affirment que ce « plafonnement des capacités cognitives » parmi les personnes gagnant le plus d'argent montre qu'au sommet de l'échelle des salaires, les ressources disponibles en raison du milieu familial et de la chance pèsent plus que l'intelligence globale. Il est important de le prendre en compte dans une société où les ultra-riches exercent une forte influence sur les paysages politiques, sociaux et économiques mondiaux. « À travers une dimension importante du mérite - les capacités cognitives - nous ne trouvons aucune preuve que ceux qui occupent des emplois de haut niveau rémunérés par des salaires extraordinaires sont plus méritants que ceux qui gagnent seulement la moitié de ces salaires », résument les auteurs.